Gazdasági Versenyhivatal contra Budapest Bank Nyrt. y otros.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:265
Docket NumberC-228/18
Celex Number62018CJ0228
Date02 April 2020
CourtCourt of Justice (European Union)
2020-04-202004C102201802280-00-AUT-DOC-FR-ARRET-C-0228-18-000000000-07_00
Arrêt du 2. 4. 2020 – Affaire C‑228/18
Budapest Bank e.a.

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

2 avril 2020 ( * )

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Ententes – Article 101, paragraphe 1, TFUE – Systèmes de paiement par carte – Accord interbancaire fixant le niveau des commissions d’interchange – Accord restrictif de la concurrence tant par son objet que par son effet – Notion de restriction de la concurrence “par objet” »

Dans l’affaire C‑228/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Cour suprême, Hongrie), par décision du 6 mars 2018, parvenue à la Cour le 3 avril 2018, dans la procédure

Gazdasági Versenyhivatal

contre

Budapest Bank Nyrt.,

ING Bank NV Magyarországi Fióktelepe,

OTP Bank Nyrt.,

Kereskedelmi és Hitelbank Zrt.,

Magyar Külkereskedelmi Bank Zrt.,

ERSTE Bank Hungary Zrt.,

Visa Europe Ltd,

MasterCard Europe SA,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan (rapporteur), président de chambre, MM. I. Jarukaitis, E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 juin 2019,

considérant les observations présentées :

pour le Gazdasági Versenyhivatal, par M. A. Kőhalmi et Mme M. Nacsa, en qualité d’agents,

pour Budapest Bank Nyrt., initialement par Me L. Wallacher, puis par Me A. Kékuti,, ügyvédek,

pour ING Bank NV Magyarországi Fióktelepe, par Me A. Kőmíves, ügyvéd,

pour OTP Bank Nyrt., par Mes L. Réti et P. Mezei, ügyvédek,

pour Kereskedelmi és Hitelbank Zrt., par Me Z. Hegymegi-Barakonyi, ügyvéd,

pour Magyar Külkereskedelmi Bank Zrt., par Mes S. Szendrő, ügyvéd,

pour ERSTE Bank Hungary Zrt., par Me L. Wallacher, ügyvéd,

pour Visa Europe Ltd, par Mes Z. Marosi et G. Fejes, ügyvédek,

pour MasterCard Europe SA, par Me E. Ritter, ügyvéd,

pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér, G. Koós et G. Tornyai, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme F. Castilla Contreras ainsi que par MM. V. Bottka et I. Zaloguin, en qualité d’agents,

pour l’Autorité de surveillance AELE, par MM. M. Sánchez Rydelski et C. Zatschler ainsi que par Mmes C. Simpson et C. Howdle, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Gazdasági Versenyhivatal (autorité de la concurrence, Hongrie) à six établissements financiers, à savoir Budapest Bank Nyrt., la filiale hongroise d’ING Bank NV, OTP Bank Nyrt., Kereskedelmi és Hitelbank Zrt., Magyar Külkereskedelmi Bank Zrt. et ERSTE Bank Hungary Zrt., ainsi qu’à deux sociétés qui fournissent des services de paiement par carte, à savoir Visa Europe Ltd. (ci-après « Visa ») et MasterCard Europe SA (ci-après « MasterCard »), au sujet d’une décision de l’autorité de la concurrence par laquelle celle-ci a constaté l’existence d’un accord anticoncurrentiel portant sur les commissions d’interchange.

Le droit hongrois

3

L’article 11, paragraphe 1, de l’a tisztességtelen piaci magatartás és a versenykorlátozás tilalmáról szóló 1996. évi LVII. törvény (loi no LVII de 1996 portant interdiction des pratiques commerciales déloyales ou restrictives de la concurrence, ci-après la « loi sur les pratiques commerciales déloyales »), dispose :

« Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes pratiques concertées et toutes décisions d’organismes constitués d’entreprises établis en vertu de la liberté d’association, d’organismes de droit public constitués d’entreprises, d’associations d’entreprises et d’autres entités similaires constituées d’entreprises [...], qui ont pour objet ou qui ont ou sont susceptibles d’avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Ne relèvent pas de cette définition les accords conclus entre des entreprises qui ne sont pas indépendantes les unes des autres. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

4

Il ressort de la décision de renvoi que, au milieu des années 1990, Visa et MasterCard, ou leurs prédécesseurs en droit respectifs, ont, en vertu de leurs règlements internes, permis que les établissements financiers émetteurs de leurs cartes (ci-après les « banques d’émission »), d’une part, et les établissements financiers fournissant aux commerçants des services leur permettant d’accepter ces cartes en tant que moyen de paiement (ci-après les « banques d’acquisition »), d’autre part, définissent en commun le montant des commissions dites « d’interchange » nationales entre lesdites banques d’émission et banques d’acquisition, c’est-à-dire le montant payé par les secondes aux premières lorsqu’une opération de paiement par carte est effectuée.

5

Au cours des années 1995 et 1996, les banques ayant rejoint le secteur des services de paiement par carte ont institué une coopération multilatérale (ci-après le « forum »), dans le cadre de laquelle ont été discutées, au cas par cas, diverses questions au sujet desquelles il était considéré qu’une coopération s’avérait nécessaire au sein de ce secteur.

6

Dans le cadre du forum, sept banques, dont la majorité avait adhéré aux systèmes de paiement par carte instaurés par Visa et MasterCard et qui représentaient une grande partie du marché national des banques d’émission et d’acquisition, ont, après plusieurs négociations, arrêté, le 24 avril 1996, le texte d’un accord (ci-après l’« accord CSC »), relatif à la détermination, par catégorie de commerçants, du niveau minimal de la commission de service uniforme à acquitter par ces derniers (ci-après la « CSC »). Puis, le 28 août 1996, elles ont conclu un accord, entré en vigueur le 1er octobre 1996, par lequel elles ont uniformisé le montant des frais de commissions d’interchange relatifs aux paiements effectués au moyen des cartes émises par une banque membre du système de paiement par carte proposé par Visa ou par MasterCard (ci-après l’« accord CMI »). Kereskedelmi és Hitelbank a négocié l’accord CMI pour le compte de Visa et de MasterCard et celles-ci l’ont appliqué.

7

Finalement, l’accord CSC n’a pas été signé par ces sept banques, mais les frais de commissions d’interchange visés par l’accord CMI, en tant qu’élément de coût, ont influé indirectement sur la détermination du montant de la CSC. En particulier, les commissions visées par l’accord CMI ont opéré comme limite inférieure dans la réduction des CSC. Par ailleurs, la poursuite des objectifs fixés dans l’accord CSC projeté a joué un rôle dans la conclusion de l’accord CMI et dans le calcul des barèmes uniformes concernant Visa et MasterCard, même si ces objectifs ne se sont pas réalisés par la suite.

8

Avec le temps, d’autres banques intéressées par le secteur des services de paiement par carte ont adhéré à l’accord CMI et se sont jointes aux activités du forum, de telle sorte que le nombre de banques parties audit accord concernées par l’affaire au principal a atteint 22 au cours de l’année 2006.

9

L’accord CMI était toujours en vigueur le 31 janvier 2008 lorsque l’autorité de la concurrence a engagé une procédure relative à celui‑ci.

10

La résiliation de l’accord CMI a eu lieu avec effet le 30 juillet 2008.

11

Dans une décision rendue le 24 septembre 2009 (ci-après la « décision de l’autorité de la concurrence »), l’autorité de la concurrence a constaté que, premièrement, en ayant défini le niveau et la structure de la commission d’interchange uniformément applicables à Visa et à MasterCard ainsi qu’à toutes les banques, deuxièmement, en ayant prévu un cadre pour un tel accord dans leurs règlements internes et, troisièmement, en l’ayant facilité, les 22 banques parties à l’accord CMI ainsi que Visa et MasterCard ont conclu un accord anticoncurrentiel et non susceptible d’exemption. Par ce comportement, elles auraient, depuis le moment où elles ont adhéré à l’accord CMI – la date de départ du comportement anticoncurrentiel étant celle de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, de la loi sur les pratiques commerciales déloyales, pour les banques ayant conclu l’accord CMI et variant pour les banques y ayant adhéré ultérieurement – jusqu’au 30 juillet 2008, enfreint l’article 11, paragraphe 1, de cette loi et, après le 1er mai 2004, l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Ledit comportement constituerait non seulement une restriction de la concurrence dite « par objet », en ce sens que l’accord CMI aurait pour objet un comportement anticoncurrentiel, mais également une restriction dite « par effet », en ce sens que cet accord induirait un effet restrictif de la concurrence. L’autorité de la concurrence a infligé aux sept banques qui avaient initialement conclu l’accord CMI ainsi qu’à Visa et à MasterCard des amendes de montants divers.

12

Saisi d’un recours introduit contre la décision de l’autorité de la concurrence par Visa et MasterCard ainsi que par six des banques condamnées au paiement d’une amende, le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie) les a déboutées de leur demande.

13

Statuant sur l’appel introduit par ces parties, à l’exception de MasterCard, le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie) a réformé la décision de l’autorité de la concurrence et, pour des motifs procéduraux, a clos la...

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