Vodafone Magyarország Mobil Távközlési Zrt. v Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:139
Date03 March 2020
Docket NumberC-75/18
Celex Number62018CJ0075
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CJ0075

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

3 mars 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Liberté d’établissement – Impôt sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications – Impôt progressif affectant davantage les entreprises détenues par des personnes physiques ou morales d’autres États membres que les entreprises nationales – Tranches de l’impôt progressif applicables à tous les assujettis – Neutralité du montant de chiffre d’affaires en tant que critère de distinction – Capacité contributive des assujettis – Aides d’État – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Taxes sur le chiffre d’affaires – Notion

Dans l’affaire C‑75/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie), par décision du 23 novembre 2017, parvenue à la Cour le 6 février 2018, dans la procédure

Vodafone Magyarország Mobil Távközlési Zrt.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, M. J.-C. Bonichot (rapporteur), Mme A. Prechal et M. M. Vilaras, présidents de chambre, M. P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi, MM. E. Juhász, M. Ilešič, J. Malenovský, et N. Piçarra, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mars 2019,

considérant les observations présentées :

pour Vodafone Magyarország Mobil Távközlési Zrt., par Mes P. Jalsovszky, Sz. Vámosi-Nagy et G. Séra, ügyvédek, ainsi que par Me K. von Brocke, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér, G. Koós et D. R. Gesztelyi, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et O. Serdula, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par M. R. Kanitz, en qualité d’agent,

pour le gouvernement polonais, par MM. B. Majczyna et M. Rzotkiewicz, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. V. Bottka, W. Roels, P.‑J. Loewenthal et R. Lyal ainsi que par Mme A. Armenia, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 13 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49, 54, 107 et 108 TFUE ainsi que de l’article 401 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vodafone Magyarország Mobil Távközlési Zrt. (ci-après « Vodafone »), entreprise active dans le secteur des télécommunications, au Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie, ci-après la « direction des recours ») au sujet du paiement d’un impôt sur le chiffre d’affaires dans ce secteur (ci-après l’« impôt spécial »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 401 de la directive TVA dispose :

« Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l’introduction par un État membre de taxes sur les contrats d’assurance et sur les jeux et paris, d’accises, de droits d’enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n’ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires, à condition que la perception de ces impôts, droits et taxes ne donne pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière. »

Le droit hongrois

4

Le préambule de l’egyes ágazatokat terhelő különadóról szóló 2010. évi XCIV. törvény (loi XCIV de 2010 relative à l’impôt spécial grevant certains secteurs, ci‑après la « loi relative à l’impôt spécial grevant certains secteurs ») énonce :

« Dans le cadre du redressement de l’équilibre budgétaire, le Parlement institue la loi ci-après, relative à l’instauration d’un impôt spécial à la charge des contribuables dont la capacité à contribuer aux charges publiques est supérieure à l’obligation fiscale générale. »

5

L’article 1er de la loi relative à l’impôt spécial grevant certains secteurs dispose :

« Aux fins de la présente loi, on entend par :

[...]

2. activité de télécommunications : la prestation de services de communication électronique au sens de l’Az elektronikus hírközlésről szóló 2003. évi C. törvény (loi C de 2003 sur la communication électronique),

[...]

5. chiffre d’affaires net : dans le cas d’un assujetti soumis à la loi comptable, le chiffre d’affaires net provenant de la vente au sens de la loi comptable ; dans le cas d’un assujetti soumis à l’impôt simplifié des entrepreneurs et ne relevant pas de la loi comptable, le chiffre d’affaires hors taxe sur la valeur ajoutée au sens de la loi relative au régime d’imposition ; dans le cas d’un assujetti soumis à la loi sur l’impôt sur le revenu des particuliers, les recettes hors taxe sur la valeur ajoutée au sens de la loi sur l’impôt sur le revenu. »

6

Aux termes de l’article 2 de la loi relative à l’impôt spécial grevant certains secteurs :

« Sont soumis à l’impôt :

[...]

b)

l’exercice d’une activité de télécommunications,

[...] »

7

L’article 3 de cette loi définit les assujettis comme suit :

« (1) Les assujettis sont les personnes morales, les autres organisations au sens du code général des impôts et les travailleurs indépendants exerçant une activité soumise à l’impôt au sens de l’article 2.

(2) Sont également soumis à l’impôt les organisations et les particuliers non-résidents, pour les activités soumises à l’impôt, visées à l’article 2, dès lors qu’ils les exercent sur le marché intérieur par l’intermédiaire de filiales. »

8

L’article 4, paragraphe 1, de ladite loi énonce :

« La base imposable est le chiffre d’affaires net de l’assujetti découlant de l’activité visée à l’article 2, [...]. »

9

L’article 5 de la même loi prévoit :

« Le taux d’imposition :

[...]

b)

En cas d’exercice d’une activité visée à l’article 2, sous b), le taux est de 0 % pour la partie de l’assiette d’imposition qui ne dépasse pas 500 millions de forints [hongrois (HUF)], de 4,5 % pour la partie de l’assiette d’imposition comprise entre 500 millions et 5 milliards de HUF et de 6,5 % pour la partie de l’assiette d’imposition qui dépasse 5 milliards de HUF,

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

Vodafone est une société commerciale de droit hongrois active sur le marché des télécommunications, qui a pour actionnaire unique Vodafone Europe BV, établie aux Pays-Bas. Cette filiale hongroise fait partie de Vodafone Group plc, dont le siège est au Royaume-Uni. Cette même filiale constitue, avec plus de 20 % de parts de marché, le troisième plus important opérateur du marché hongrois des télécommunications.

11

Vodafone a fait l’objet d’un contrôle fiscal effectué par le Nemzeti Adó- és Vámhivatal Kiemelt Adó- és Vámigazgatóság (administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie, ci-après l’« autorité fiscale de premier niveau ») et concernant l’ensemble des impôts payés et des aides budgétaires perçues au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2015.

12

À l’issue de ce contrôle, l’autorité fiscale de premier niveau a mis à la charge de Vodafone une somme de 8371000 HUF (environ 25155 euros) à titre de différence d’imposition, dont 7417000 HUF (environ 22293 euros) à titre d’arriéré, et une somme de 3708000 HUF (environ 11145,39 euros) à titre d’amende fiscale, ainsi que des intérêts de retard et des amendes pour défaut d’exécution.

13

Saisie d’une réclamation contre la décision de l’autorité fiscale de premier niveau, la direction des recours a réformé cette décision en réduisant le montant de l’amende fiscale et des intérêts de retard.

14

Vodafone a saisi le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie) d’un recours contre la décision de la direction des recours. Elle soutient que l’obligation de payer l’impôt spécial qui est mise à sa charge n’est pas fondée en faisant valoir que la législation relative à cet impôt est constitutive d’une aide d’État interdite et est contraire à l’article 401 de la directive TVA.

15

La juridiction de renvoi estime que ledit impôt, qui est fondé sur le chiffre d’affaires et calculé selon un barème constitué de taux progressifs applicables aux différentes tranches de celui-ci, est susceptible d’avoir un effet indirectement discriminatoire vis-à-vis des assujettis détenus par des personnes physiques ou morales étrangères et, partant, d’être contraire aux articles 49, 54, 107 et 108 TFUE dès lors, notamment, que, dans les faits, seules les filiales hongroises de sociétés mères étrangères paient l’impôt spécial au taux prévu pour la tranche la plus élevée de chiffre d’affaires.

16

En outre, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de l’impôt spécial avec l’article 401 de la directive TVA.

17

C’est dans ces conditions que le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

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