Proceedings concerning the execution of a European arrest warrant issued against Szymon Kozłowski.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:253
Date28 April 2008
Celex Number62008CP0066
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-66/08

PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentée le 28 avril 2008 (1)

Affaire C‑66/08

Procédure pénale

contre

Szymon Kozłowski

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Stuttgart (Allemagne)]

«Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision‑cadre 2002/584/JAI – Motifs de non‑exécution du mandat d’arrêt européen – Réinsertion de la personne condamnée – Exécution de la peine sur le territoire de l’État membre d’exécution – Ressortissant ou résident de l’État membre d’exécution – Législation nationale excluant l’exécution d’un mandat d’arrêt européen visant un ressortissant national lorsque celui‑ci ne consent pas à sa remise – Notion de ‘résidence’ dans l’État membre d’exécution»





1. Dans la présente affaire, la Cour est invitée à se prononcer pour la première fois sur la portée de l’article 4, point 6, de la décision‑cadre 2002/584/JAI du Conseil (2), qui prévoit un motif de non‑exécution facultative d’un mandat d’arrêt européen.

2. Selon cette disposition, l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution (ci‑après l’«autorité judiciaire d’exécution») a la possibilité de ne pas exécuter un mandat d’arrêt européen délivré pour l’exécution d’une peine privative de liberté si la personne recherchée est un ressortissant de l’État membre d’exécution, y demeure ou y réside, à condition que cet État s’engage à assurer lui‑même l’exécution de cette peine.

3. L’Oberlandesgericht Stuttgart (Allemagne), en vertu de la déclaration faite par la République fédérale d’Allemagne conformément à l’article 35 UE, est en droit de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel en interprétation d’un acte adopté dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (3), tel que la décision‑cadre. Cette juridiction cherche à savoir dans quelle mesure le motif de non‑exécution énoncé à l’article 4, point 6, de celle‑ci peut s’appliquer à un ressortissant polonais, M. Kozłowski, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par la République de Pologne pour l’exécution d’une peine d’emprisonnement et qui se trouve actuellement détenu en Allemagne où il effectue une peine de prison d’une durée de trois ans et six mois.

4. Ladite juridiction demande, plus précisément, dans quelle mesure M. Kozłowski peut être considéré comme demeurant ou résidant en Allemagne au regard des circonstances suivantes: il n’y a pas séjourné d’une manière continue, il n’y séjourne pas conformément à la législation nationale sur l’entrée et le séjour des étrangers, il y a commis des infractions à titre habituel et, enfin, il y est détenu.

5. Elle s’interroge également sur les conséquences à tirer du fait que l’intéressé n’a pas consenti à l’exécution du mandat d’arrêt européen et que, en droit interne, un ressortissant allemand qui s’oppose à l’exécution d’un tel mandat d’arrêt ne peut pas être remis contre son gré aux autorités judiciaires d’un autre État membre.

6. L’Oberlandesgericht a demandé à la Cour de traiter cette affaire selon la procédure préjudicielle d’urgence, prévue aux articles 23 bis du statut de la Cour et 104 ter du règlement de procédure de celle‑ci, au motif que M. Kozłowski, dont la peine de prison en Allemagne doit prendre fin le 10 novembre 2009, est susceptible de bénéficier d’une remise en liberté dès le 10 septembre 2008.

7. La Cour n’a pas fait droit à cette demande au motif qu’elle lui est parvenue avant le 1er mars 2008, date de l’entrée en vigueur des dispositions relatives à la procédure préjudicielle d’urgence. En revanche, elle a décidé de soumettre ladite demande à une procédure accélérée, prévue à l’article 104 bis du règlement de procédure.

8. Conformément à l’article 104 bis, cinquième alinéa, du règlement de procédure, la Cour, dans le cadre de la procédure accélérée, statue «l’avocat général entendu». Cependant, en raison de la nouveauté des questions posées par la juridiction de renvoi et de l’importance de celles‑ci pour l’ordre juridique de la République fédérale d’Allemagne, il nous a semblé nécessaire de présenter par écrit les motifs qui fondent les réponses que nous allons proposer à la Cour.

9. Dans la présente prise de position, nous proposerons à la Cour de dire pour droit, en premier lieu, que la législation d’un État membre prévoyant qu’un ressortissant de cet État ne peut pas être remis contre son gré aux autorités judiciaires d’un autre État membre en exécution d’un mandat d’arrêt européen émis pour l’exécution d’une peine est contraire à la décision‑cadre. Nous en déduirons qu’une telle législation ne saurait faire obstacle à l’exécution, par l’autorité judiciaire allemande compétente, du mandat d’arrêt européen délivré par la République de Pologne à l’encontre de M. Kozłowski.

10. Nous examinerons, en second lieu, les notions de «demeure» et de «réside» au sens de l’article 4, point 6, de la décision‑cadre. Nous proposerons à la Cour de dire pour droit qu’une personne demeure ou réside dans l’État membre d’exécution, au sens de cette disposition, lorsque cette personne y a le centre de ses intérêts principaux, de sorte que l’exécution de la peine dans cet État apparaît nécessaire afin de favoriser sa réinsertion. Nous indiquerons que l’autorité judiciaire d’exécution, afin d’apprécier si cette condition est remplie, doit examiner l’ensemble des faits pertinents de la situation individuelle de la personne concernée.

11. Nous exposerons, ensuite, les motifs pour lesquels, à notre avis, les circonstances que la personne visée par un mandat d’arrêt européen a séjourné de manière interrompue dans l’État membre d’exécution et qu’elle s’y trouve détenue ne constituent pas des critères déterminants ou pertinents afin d’apprécier si elle demeure ou réside dans cet État, au sens de l’article 4, point 6, de la décision‑cadre.

12. Nous indiquerons, enfin, que les circonstances que la personne concernée séjourne dans l’État membre d’exécution en violation de la législation de cet État sur l’entrée et le séjour des étrangers et qu’elle y commet habituellement des infractions ne s’opposent à ce qu’elle ait la qualité de demeurant ou résident dans ledit État, lorsque cette personne est un citoyen de l’Union, que si elle a fait l’objet d’une décision d’éloignement conforme au droit communautaire.

I – Le cadre juridique

A – La décision‑cadre

13. La décision‑cadre a pour objet de supprimer, entre les États membres, la procédure formelle d’extradition prévue par les différentes conventions auxquelles ces États sont parties et de la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires (4). Elle repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale, qui constitue la «pierre angulaire» de la coopération judiciaire (5). Le système du mandat d’arrêt européen, mis en place par la décision‑cadre, repose sur un «degré de confiance élevé» entre les États membres (6).

14. L’article 1er de la décision‑cadre a pour titre «Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter». Il dispose:

«1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision‑cadre.

3. La présente décision‑cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne.»

15. Lorsqu’un mandat d’arrêt européen est émis pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure privatives de liberté, il doit s’agir, conformément à l’article 2 de la décision‑cadre, d’une condamnation d’une durée de quatre mois au moins.

16. Le même article 2 prévoit une liste de 32 infractions pour lesquelles, si elles sont punies dans l’État membre d’émission d’une peine privative de liberté d’un maximum de trois ans au moins, le mandat d’arrêt européen doit être exécuté même si les faits en cause ne sont pas sanctionnés dans l’État membre d’exécution. Pour les autres infractions, la remise de la personne visée par un mandat d’arrêt européen peut être subordonnée par l’État membre d’exécution à la condition de leur double incrimination.

17. Les articles 3 et 4 de la décision‑cadre sont consacrés, respectivement, aux motifs de non‑exécution obligatoire et aux motifs de non‑exécution facultative du mandat d’arrêt européen. L’article 4, point 6, de cette décision‑cadre énonce:

«L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen:

[…]

si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne.»

18. Ce motif de non‑exécution facultative est complété par l’article 5, point 3, de la décision‑cadre, applicable lorsque le mandat d’arrêt européen est délivré à des fins de poursuites. Selon cette disposition, la remise de la personne visée par un tel mandat d’arrêt européen peut être subordonnée à la condition que cette personne, lorsqu’elle est ressortissante ou résidente de l’État membre d’exécution, soit renvoyée dans cet État après avoir été entendue afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée contre elle dans l’État membre d’émission.

19. La décision-cadre prévoit également les droits dont dispose la personne visée par un mandat d’arrêt européen. Selon l’article 11 de cette décision‑cadre, cette personne doit être...

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