Arrêts nº T-557/15 P of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, September 09, 2016

Resolution DateSeptember 09, 2016
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-557/15 P

Pourvoi - Fonction publique - Article 24 du statut - Demande d’assistance - Procédure pénale devant une juridiction nationale - Décision de l’institution de se porter partie civile - Rejet du recours en première instance comme manifestement non fondé - Irrégularités de procédure - Conditions d’application de l’article 24 du statut

Dans l’affaire T-557/15 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 15 juillet 2015, De Esteban Alonso/Commission (F-35/15, EU:F:2015:87), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Fernando De Esteban Alonso, demeurant à Saint-Martin-de-Seignanx (France), représenté par Me C. Huglo, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée initialement par M. J. Currall et Mme C. Ehrbar, puis par Mme Ehrbar et M. G. Berscheid, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, H. Kanninen et M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Fernando De Estaban Alonso, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 15 juillet 2015, De Esteban Alonso/Commission (F-35/15, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:F:2015:87), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à obtenir l’annulation de la décision de la Commission, du 6 mai 2014, rejetant sa demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), et la condamnation de la Commission européenne à lui verser une somme de 17 242,51 euros, à titre provisionnel.

Antécédents du litige

2 Les antécédents du litige sont énoncés aux points 2 à 17 de l’ordonnance attaquée, dans les termes suivants :

2 Le requérant est un ancien fonctionnaire de la Commission ayant notamment exercé les fonctions de directeur de l’informatique, des publications et des relations extérieures à Eurostat, l’office statistique européen.

3 À une époque, pour assurer la diffusion de données statistiques, Eurostat s’appuyait sur l’Office des publications des Communautés européennes (OPOCE), lequel avait mis en place un réseau de points de vente appelés “datashops” (ci-après les “datashops”). Les relations entre Eurostat, l’OPOCE et chaque datashop étaient organisées sur la base de conventions tripartites. Au cours d’une enquête, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a recueilli des informations tendant à démontrer qu’un mécanisme financier mis en place par le truchement des conventions tripartites avec les datashops de Luxembourg (Luxembourg), de Bruxelles (Belgique) et de Madrid (Espagne) permettait de sortir de la partie “recettes” du budget communautaire des sommes qui devaient légitimement y revenir. Le 19 mars 2003, l’OLAF a transmis au parquet du tribunal de grande instance de Paris (France) des informations au sujet de ces faits, qu’il estimait susceptibles de recevoir une qualification pénale.

4 Le procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris a ouvert une information judiciaire le 4 avril 2003.

5 Le 10 juillet 2003, la Commission a porté plainte contre X auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris. Elle s’est aussi constituée partie civile.

6 Le 9 septembre 2008, le requérant a été placé en garde à vue et, le lendemain, il a été mis en examen du chef d’abus de confiance pour avoir, “ au L[uxembourg], en B[elgique] et en E[spagne], de 1995 à 1997, […] détourné une partie des fonds revenant au budget communautaire pour constituer une caisse parallèle en lien avec les [datashops] de L[uxembourg], B[ruxelles] et M[adrid], donné les ordres pour l’utilisation de ces fonds et [fait] obtenir une surfacturation à la société [C.] pour des travaux de statistiques ”.

7 Le 15 septembre 2008, suite à sa mise en examen, le requérant a introduit, auprès de la Commission, une première demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut. Cette première demande a été rejetée par une décision de la Commission du 17 décembre 2008 (ci-après le “ premier refus d’assistance ”). Cette décision était fondée sur deux motifs, à savoir, premièrement, que la citation à comparaître devant le tribunal d’un État membre ne pouvait être assimilée aux menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats mentionnés audit article et constituait une décision adoptée dans le cadre de l’exercice du pouvoir judiciaire des États membres que les Communautés étaient tenues de respecter et, deuxièmement, que sa comparution devant le juge d’instruction n’était pas intervenue “ ʻen raisonʼ de [ses] anciennes fonctions […] pour le compte de [la Commission] ”, puisque sa mise en examen avait été ordonnée dans le cadre d’une affaire dans laquelle la Commission s’était constituée partie civile.

8 Une réclamation contre ce premier refus d’assistance a été rejetée par décision de l’AIPN du 1er avril 2009 (ci-après le “ rejet de la première réclamation ”) aux motifs, d’une part, que la Commission était impliquée en tant que partie civile dans la procédure pénale en cause et, d’autre part, qu’une telle procédure ne pouvait être assimilée à des menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats au sens de l’article 24 du statut. L’AIPN indiquait toutefois qu’elle “ pourrait reconsidérer sa position lorsque l’enquête et les procédures judiciaires […] ser[aie]nt clôturées ”.

9 Le 21 janvier 2013, le ministère public français a dressé un réquisitoire de non-lieu à l’égard de l’ensemble des personnes mises en examen, dont le requérant. S’en est ensuivie une ordonnance de non-lieu du juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris du 9 septembre 2013 (ci-après l’“ ordonnance de non-lieu ”).

10 Le 17 septembre 2013, la Commission, en tant que partie civile, a interjeté appel de l’ordonnance de non-lieu.

11 Le 12 décembre 2013, le requérant a introduit auprès de la Commission une seconde demande d’assistance fondée sur l’article 24 du statut. Après avoir rappelé l’ordonnance de non-lieu dont il avait bénéficié, il y demandait le remboursement des 17 242,51 euros qu’il avait versés à son avocat pour sa défense dans une procédure dans laquelle il avait été attrait uniquement au titre de ses anciennes fonctions.

12 Cette seconde demande d’assistance a été rejetée par décision de la Commission du 6 mai 2014 (ci-après le “ second refus d’assistance ”), aux motifs que “ les conditions de l’article 24 du statut ne sont pas réunies à l’encontre d’une décision de citation à comparaître devant un [t]ribunal lorsque la Commission est impliquée comme partie civile ” et que “ la procédure pénale et [l’ordonnance] de non-lieu n’[avaient] pas mis en lumière l’existence d’agissements à [son égard], perpétrés par des tiers au sens de l’article 24 du statut ”. Cette décision rappelait en outre que la Commission, partie civile, avait interjeté appel de l’ordonnance de non-lieu.

13 Par arrêt du 23 juin 2014, la cour d’appel de Paris a jugé mal fondé l’appel de la Commission et confirmé l’ordonnance de non-lieu (ci-après l’“ arrêt confirmant le non-lieu ”), au motif, en substance, que “ les faits dénoncés […] relev[aient] d’une méconnaissance des règles budgétaires européennes, qui a persisté du fait d’une négligence [dans les] vérifications et d’un désintérêt du contrôle financier ”, que “ le seul fait de s’affranchir des dispositions du contrôle financier et des règles budgétaires communautaires ne suffi[sai]t pas à caractériser [une] situation [de détournement de fonds communautaires] ”, qu’il “ n’exist[ait] pas de charges suffisantes contre quiconque de nature à retenir des abus de confiance [et] que les faits en cause ne p[ouvai]ent pas recevoir une autre qualification pénale, notamment de faux et usage de faux, […] faute d’élément intentionnel caractérisé ”.

14 Le 27 juin 2014, la Commission s’est pourvue en cassation contre l’arrêt confirmant le non-lieu.

15 Le 28 juillet 2014, le requérant a introduit une réclamation contre le second refus d’assistance. Il y faisait valoir que les faits qui lui étaient reprochés étaient bien liés à l’exercice de ses anciennes fonctions et que, dans l’ordonnance de non-lieu qui résumait les déclarations des différentes personnes mises en cause, il avait été, “ à plusieurs reprises, victime [d’]accusations pour des faits contestables ”. Il se prévalait aussi de la présomption d’innocence mise en évidence par l’arrêt confirmant le non-lieu.

16 Le 18 août 2014, le requérant a complété sa réclamation du 28 juillet précédent en faisant valoir que le pourvoi en cassation de la Commission aurait pour effet que “ d’autres frais ser[aie]nt encourus ” et qu’il avait bien “ été mis en cause, en raison de [s]es fonctions, par des tierces personnes ”, de telle sorte que les conditions fixées par l’article 24 du statut pour obtenir une assistance étaient réunies.

17 L’AIPN a rejeté la réclamation complétée du requérant par décision du 21 novembre 2014 (ci-après le “ rejet de la seconde réclamation ”). Elle a observé à titre liminaire que plusieurs arguments soulevés par le requérant dans sa réclamation figuraient déjà dans sa seconde demande d’assistance du 12 décembre 2013 et qu’il y avait été répondu dans le second refus d’assistance, à la motivation duquel il était invité à se reporter. L’AIPN a ajouté que l’évolution de la procédure suivie en France et notamment le pourvoi en cassation de la Commission étaient sans effet sur le second refus d’assistance et que “ les conditions de l’article 24 du statut n[ʼétaient] toujours pas réunies, étant donné l’implication de la Commission dans la procédure litigieuse, en tant que partie civile ”. Enfin, l’AIPN a fait valoir que “ la procédure...

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