Arrêts nº T-467/13 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, September 08, 2016

Resolution DateSeptember 08, 2016
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-467/13

Concurrence - Ententes - Marché des médicaments antidépresseurs contenant l’ingrédient pharmaceutique actif citalopram - Notion de restriction de la concurrence par objet - Concurrence potentielle - Médicaments génériques - Barrières à l’entrée sur le marché résultant de l’existence de brevets - Accords conclus entre un titulaire de brevets et une entreprise de génériques - Amendes - Sécurité juridique - Principe de légalité des peines - Durée de l’enquête de la Commission - Droits de la défense - Infraction unique et continue

Dans l’affaire T-467/13,

Arrow Group ApS, établie à Roskilde (Danemark),

Arrow Generics Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

représentées par MM. S. D. Kon, C. Firth et C. Humpe, solicitors,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Castilla Contreras et M. B. Mongin, en qualité d’agents, assistés de M. G. Peretz, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2013) 3803 final de la Commission, du 19 juin 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT/39226 - Lundbeck), et une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes par cette décision,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, O. Czúcz et A. Popescu, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 octobre 2015,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

  1. Sociétés en cause dans la présente affaire

    1 H. Lundbeck A/S (ci-après « Lundbeck ») est une société de droit danois qui contrôle un groupe de sociétés spécialisé dans la recherche, le développement, la production, le marketing, la vente et la distribution de produits pharmaceutiques pour le traitement de pathologies affectant le système nerveux central, dont la dépression.

    2 Lundbeck est un laboratoire de princeps, à savoir une entreprise qui concentre son activité dans la recherche de nouveaux médicaments et dans la commercialisation de ceux-ci.

    3 Arrow Group A/S, rebaptisée Arrow Group ApS au mois d’août 2003 (ci-après, sans distinction, « Arrow Group »), est une société de droit danois à la tête d’un groupe de sociétés, présent dans plusieurs États membres, actif depuis 2001 dans le développement et la vente de médicaments génériques.

    4 Arrow Generics Ltd est une société de droit du Royaume-Uni, filiale d’abord à 100 %, puis à 76 %, d’Arrow Group.

    5 Resolution Chemicals Ltd est une société de droit du Royaume-Uni spécialisée dans la production d’ingrédients pharmaceutiques actifs (ci-après les « IPA ») pour des médicaments génériques. Jusqu’au mois de septembre 2009, elle était contrôlée par Arrow Group.

  2. Produit concerné et brevets portant sur celui-ci

    6 Le produit concerné par la présente affaire est le médicament antidépresseur contenant un IPA dénommé citalopram.

    7 En 1977, Lundbeck a déposé au Danemark une demande de brevet sur l’IPA citalopram ainsi que sur les deux procédés d’alkylation et de cyanation utilisés pour produire ledit IPA. Des brevets couvrant cet IPA et ces procédés (ci-après les « brevets originaires ») ont été délivrés au Danemark et dans plusieurs pays de l’Europe occidentale entre 1977 et 1985.

    8 En ce qui concerne l’Espace économique européen (EEE), la protection découlant des brevets originaires ainsi que, le cas échéant, des certificats complémentaires de protection (CCP) prévus par le règlement (CEE) n° 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO L 182, p. 1), a expiré entre 1994 (pour l’Allemagne) et 2003 (pour l’Autriche). En particulier, s’agissant du Royaume-Uni, ces brevets ont expiré en janvier 2002.

    9 Au fil du temps, Lundbeck a développé d’autres procédés plus efficaces pour produire du citalopram, pour lesquels elle a demandé, et souvent obtenu, des brevets dans plusieurs pays de l’EEE ainsi qu’auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et de l’Office européen des brevets (OEB).

    10 Premièrement, le 13 mars 2000, Lundbeck a déposé une demande de brevet auprès des autorités danoises concernant un procédé de production du citalopram, qui prévoyait une méthode de purification des sels utilisés par le biais d’une cristallisation. Des demandes analogues ont été introduites dans d’autres pays de l’EEE ainsi qu’auprès de l’OMPI et de l’OEB. Lundbeck a obtenu des brevets protégeant le procédé utilisant la cristallisation (ci-après les « brevets sur la cristallisation ») dans plusieurs États membres au cours de la première moitié de l’année 2002, notamment le 30 janvier 2002 en ce qui concerne le Royaume-Uni et le 11 février 2002 en ce qui concerne le Danemark. L’OEB a délivré un brevet sur la cristallisation le 4 septembre 2002. Par ailleurs, aux Pays-Bas, Lundbeck avait déjà obtenu, le 6 novembre 2000, un modèle d’utilité concernant ce procédé (ci-après le « modèle d’utilité de Lundbeck »), soit un brevet valable six ans, concédé sans examen préalable.

    11 Deuxièmement, le 12 mars 2001, Lundbeck a déposé une demande de brevet auprès des autorités du Royaume-Uni concernant un procédé de production du citalopram qui prévoyait une méthode de purification des sels utilisés par le biais d’une distillation en film. Les autorités du Royaume-Uni ont concédé à Lundbeck un brevet portant sur ladite méthode de distillation en film le 3 octobre 2001 (ci-après le « brevet sur la distillation en film »). Cependant, ce brevet a été révoqué par défaut de nouveauté par rapport à un autre brevet de Lundbeck le 23 juin 2004. Lundbeck a obtenu un brevet similaire au Danemark le 29 juin 2002.

    12 Enfin, Lundbeck envisageait de lancer un nouveau médicament antidépresseur, le Cipralex, fondé sur un IPA dénommé escitalopram (ou S-citalopram), pour le milieu de l’année 2002 ou le début de l’année 2003. Ce nouveau médicament visait les mêmes patients que ceux susceptibles d’être soignés par le médicament breveté Cipramil de Lundbeck, fondé sur l’IPA citalopram. L’IPA escitalopram était protégé par des brevets valables jusqu’en 2012, à tout le moins.

  3. Accords conclus par Lundbeck avec Arrow Group, Arrow Generics ainsi que Resolution Chemicals et autres éléments du contexte

    13 Au cours de l’année 2002, Lundbeck a conclu six accords concernant le citalopram (ci-après les « accords en cause ») avec des entreprises actives dans la production ou dans la vente de médicaments génériques (ci-après les « entreprises de génériques »), dont Arrow Group, Arrow Generics et Resolution Chemicals (ci-après, prises ensemble, « Arrow »).

    14 Aux fins de la présente affaire, deux accords sont pertinents, à savoir :

    - premièrement, l’accord conclu le 24 janvier 2002 entre Lundbeck, d’une part, et Arrow Generics et Resolution Chemicals (ci-après, prises ensembles, « Arrow UK »), d’autre part, concernant le territoire du Royaume-Uni (ci-après l’« accord UK ») ;

    - deuxièmement, l’accord conclu le 3 juin 2002 entre Lundbeck et Arrow Group, concernant le territoire du Danemark (ci-après l’« accord danois »).

    15 L’accord UK avait initialement une durée allant jusqu’au 31 décembre 2002 ou, si elle avait été inférieure, jusqu’à la date à laquelle il y aurait eu une décision de justice devenue définitive sur l’action que Lundbeck avait l’intention d’introduire contre Arrow UK devant les juridictions du Royaume-Uni à l’égard de la prétendue contrefaçon commise par cette dernière sur ses brevets (ci-après l’« action en contrefaçon UK ») (point 4.1 de l’accord UK). Ensuite, cet accord a été prorogé, à deux reprises, par la signature d’addenda. La première prorogation a couvert la période comprise entre le 1er janvier et le 31 mars 2003 (point 3.1 du premier addendum à l’accord UK), alors que la seconde a prévu que cet accord prît fin soit le 31 janvier 2004, soit sept jours après la signature de la décision de justice mettant fin au litige qui opposait Lundbeck à Lagap Pharmaceuticals Ltd (ci-après le « litige Lagap »), une autre entreprise active dans la production de citalopram générique (point 4.1 du second addendum à l’accord UK). Ce litige ayant été réglé à l’amiable le 13 octobre 2003, l’accord UK a pris fin le 20 octobre suivant. Il s’ensuit que la durée globale de cet accord s’est étendue du 24 janvier 2002 au 20 octobre 2003 (ci-après la « durée de l’accord UK »).

    16 L’accord danois, qui, quant à lui, n’a pas connu de prorogation, a été conclu pour une durée allant de la date de sa signature jusqu’au 1er avril 2003 ou, si elle avait été inférieure, jusqu’à la date à laquelle il y aurait eu une décision de justice devenue définitive sur l’action en contrefaçon UK. Une telle décision n’étant pas intervenue, ledit accord a été en vigueur du 3 juin 2002 au 1er avril 2003 (ci-après la « durée de l’accord danois »).

    17 En ce qui concerne le contenu de l’accord UK, il convient de relever que :

    - le premier considérant du préambule de cet accord (ci-après le « préambule UK ») se réfère notamment au fait que Lundbeck est titulaire des brevets sur la cristallisation et sur la distillation en film (ci-après les « nouveaux brevets de Lundbeck ») ;

    - le quatrième considérant du préambule UK précise qu’« Arrow [UK] a obtenu une licence auprès d’une tierce partie afin d’importer au Royaume-Uni du citalopram non fabriqué par Lundbeck ou avec l’autorisation de Lundbeck (‘ledit Citalopram’, une telle définition incluant, pour éviter tout doute, seulement le Citalopram destiné au marketing et à la vente au Royaume-Uni et excluant celui destiné au marketing et à la vente dans d’autres pays) » ;

    - le sixième considérant du préambule UK indique que Lundbeck a soumis « ledit Citalopram » à des tests de laboratoire qui lui ont donné des raisons substantielles de croire que celui-ci contrefaisait notamment les brevets mentionnés au premier tiret ci-dessus ;

    - le septième considérant du...

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