Arrêts nº T-344/15 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, April 05, 2017

Resolution DateApril 05, 2017
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-344/15

Accès aux documents - Règlement (CE) n° 1049/2001 - Documents transmis dans le cadre de la procédure prévue par la directive 98/34/CE - Documents émanant d’un État membre - Octroi d’accès - Exception relative à la protection des procédures juridictionnelles - Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit - Accord préalable de l’État membre

Dans l’affaire T-344/15,

République française, représentée initialement par MM. F. Alabrune, G. de Bergues, D. Colas et F. Fize, puis par MM. Colas et B. Fodda et enfin par MM. Colas, Fodda et Mme E. de Moustier, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, T. Müller et J. Vláčil, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Baquero Cruz et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision Ares(2015) 1681819 de la Commission, du 21 avril 2015, octroyant à un citoyen l’accès aux documents transmis par la République française dans le cadre de la procédure prévue par la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO 1998, L 204, p. 37),

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de M. S. Papasavvas, président, Mme I. Labucka, MM. E. Bieliūnas (rapporteur), I. S. Forrester et C. Iliopoulos, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 décembre 2016,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le 21 janvier 2014, les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO 1998, L 204, p. 37), une proposition de loi visant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le gouvernement français à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition.

2 Par courrier du 15 décembre 2014, la Commission a reçu, sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), une demande d’accès à l’ensemble des documents émis ou reçus par elle dans le cadre du traitement de cette notification.

3 La Commission a identifié cinq documents relevant de l’objet de la demande d’accès, à savoir :

- sa demande d’informations complémentaires du 27 février 2014 ;

- la réponse du gouvernement français à cette demande, du 11 mars 2014 ;

- l’avis circonstancié du gouvernement autrichien du 9 avril 2014 ;

- son avis circonstancié du 15 avril 2014 ;

- la réponse du gouvernement français à ces deux avis circonstanciés, du 17 juin 2014.

4 En l’absence de nouvelle communication de la part de la Commission ou d’un État membre, la République française a adopté, le 8 juillet 2014, la loi n° 2014-779 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le gouvernement français à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition (JORF du 9 juillet 2014, p. 11363).

5 Dans le cadre de la procédure de consultation prévue à l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001, la République française a informé la Commission, par courriels du 19 décembre 2014 et des 13 et 14 janvier 2015, qu’elle s’opposait à ce qu’un accès soit donné, d’une part, à la réponse du gouvernement français du 11 mars 2014 à la demande d’informations complémentaires de la Commission et, d’autre part, à la réponse du gouvernement français du 17 juin 2014 aux avis circonstanciés du gouvernement autrichien et de la Commission, visées aux deuxième et cinquième tirets du point 3 ci-dessus (ci-après les « documents litigieux »), sur la base de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001 concernant la protection des procédures juridictionnelles. Selon les autorités françaises, la divulgation aurait porté atteinte à la protection de futures procédures juridictionnelles au titre d’une éventuelle procédure en manquement relevant de l’article 258 TFUE qui aurait pu être diligentée à l’encontre de la République française nonobstant le respect par celle-ci de la procédure prévue par la directive 98/34. En effet, selon les autorités françaises, le risque d’une procédure en manquement existait dès lors que la Commission avait adopté un avis circonstancié dans lequel elle avait fait état d’un éventuel risque de non-conformité de la proposition de loi française avec le droit de l’Union européenne. Dans un souci de ne pas rompre l’égalité des chances entre elle et la Commission dans un éventuel litige, la République française avait, dès lors, demandé à préserver le caractère confidentiel des échanges avec la Commission.

6 Par courrier du 29 janvier 2015, la Commission a accordé l’accès à sa demande d’informations complémentaires du 27 février 2014, à l’avis circonstancié du gouvernement autrichien du 9 avril 2014 et à son avis circonstancié du 15 avril 2014, visés aux premier, troisième et quatrième tirets du point 3 ci-dessus, mais a refusé l’accès aux documents litigieux, en informant le demandeur d’accès de l’opposition de la République française et du motif qu’elle avait avancé à l’appui de celle-ci.

7 Le 11 février 2015, le demandeur d’accès a présenté une demande confirmative auprès de la Commission, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

8 Par courrier du 3 mars 2015, la Commission a demandé à la République française de réexaminer sa position, notamment sur la base des arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C-514/07 P, C-528/07 P et C-532/07 P, EU:C:2010:541), et du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission (T-391/03 et T-70/04, EU:T:2006:190), concernant l’exception tirée de la protection des procédures juridictionnelles.

9 Par courriel du 13 mars 2015, les autorités françaises ont réitéré leur position selon laquelle aucun accès ne devait être accordé aux documents litigieux. À cet égard, en plus de répéter leur opposition à la divulgation des documents litigieux sur la base de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, elles ont considéré que l’accès aux documents en cause devait également être refusé sur le fondement de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, dudit règlement, concernant la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit. En effet, selon les autorités françaises, l’ensemble des documents visés par la demande d’accès s’inscrivait dans le cadre d’une procédure d’enquête qui concernait les autorités françaises et qui était relative à une possible infraction de la loi française, alors à l’étude au sein du parlement français, au droit de l’Union. En outre, les autorités françaises indiquaient avoir examiné la possibilité d’accorder un accès partiel aux documents litigieux, mais être parvenues à la conclusion qu’un tel accès ne saurait être accordé, dans la mesure où les exceptions concernaient l’intégralité des documents.

10 Par décision Ares(2015) 1681819, du 21 avril 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a décidé d’accorder au demandeur l’accès aux documents litigieux. À cet égard, la Commission a procédé à une évaluation des motifs de refus invoqués par les autorités françaises et a conclu, s’agissant du motif de refus fondé sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, que « les documents dont l’accès [avait été] demandé [n’étaient pas] étroitement liés à un contentieux existant ou raisonnablement prévisible à ce stade », qu’« [il était] dès lors manifeste que les documents en question ne [relevaient] pas de l’exception invoquée par les autorités françaises » et que « leur divulgation ne saurait être entravée par ladite exception ». S’agissant du motif de refus fondé sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, la Commission a indiqué que, « étant donné qu’il n’[existait] aucune enquête en cours, l’applicabilité de l’exception susmentionnée, à ce stade, [paraissait] purement hypothétique et son invocation [semblait], par conséquent, à première vue, […] non fondée en la circonstance ».

Procédure et conclusions des parties

11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er juillet 2015, la République française a introduit le présent recours.

12 Dans la requête, la République française a demandé, en application de l’article 28, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, que l’affaire soit jugée par une chambre composée d’au moins cinq juges.

13 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la République française a introduit une demande en référé.

14 Cette demande a été accueillie par ordonnance du président du Tribunal du 1er septembre 2015 et les dépens ont été réservés.

15 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 16 septembre 2015, la Commission a demandé qu’il soit statué sur le présent recours selon une procédure accélérée, conformément à l’article 152 du règlement de procédure.

16 Par décision du 6 octobre 2015, le Tribunal (troisième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée.

17 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 octobre 2015, la République tchèque a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la République française.

18 Par ordonnance du 6 novembre 2015, le président de la troisième...

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