Arrêts nº T-219/14 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, April 06, 2017

Resolution DateApril 06, 2017
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-219/14

Aides d’État - Transport maritime - Compensation de service public - Augmentation de capital - Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur et ordonnant leur recouvrement - Mise en liquidation de l’entreprise bénéficiaire - Maintien de l’intérêt à agir - Absence de non-lieu à statuer - Notion d’aide - Service d’intérêt économique général - Critère de l’investisseur privé - Erreur manifeste d’appréciation - Erreur de droit - Exception d’illégalité - Obligation de motivation - Droits de la défense - Décision 2011/21/UE - Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté - Encadrement de l’Union applicable aux aides d’État sous forme de compensation de service public - Arrêt Altmark

Dans l’affaire T-219/14,

Regione autonoma della Sardegna (Italie), représentée par Mes T. Ledda, S. Sau, G. M. Roberti, G. Bellitti et I. Perego, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte, D. Grespan et A. Bouchagiar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Compagnia Italiana di Navigazione SpA, établie à Naples (Italie), représentée initialement par Mes F. Sciaudone, R. Sciaudone, D. Fioretti et A. Neri, puis par Mes M. Merola, B. Carnevale et M. Toniolo, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2013) 9101 final de la Commission, du 22 janvier 2014, concernant les mesures d’aide SA.32014 (2011/C), SA.32015 (2011/C) et SA.32016 (2011/C), mises à exécution par la Région autonome de Sardaigne en faveur de Saremar, en tant que cette décision a qualifié d’aides d’État une mesure de compensation de service public et une augmentation de capital, a déclaré ces mesures incompatibles avec le marché intérieur et en a ordonné le recouvrement,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mmes M. Kancheva et N. Półtorak, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

  1. Contexte factuel

    1 Saremar - Sardegna Regionale Marittima SpA (ci-après « Saremar ») est une société, actuellement en cours de liquidation, qui assurait, depuis sa constitution, un service public de cabotage maritime, d’une part, entre la Sardaigne (Italie) et les petites îles sardes et, d’autre part, entre la Sardaigne et la Corse (France). La mission de service public de Saremar était initialement régie par une convention vicennale conclue le 17 octobre 1991 avec l’État italien, entrée rétroactivement en vigueur le 1er janvier 1989 et dont le terme était fixé au 31 décembre 2008. La privatisation de Saremar était prévue par l’article 19 ter du decreto-legge 25 settembre 2009, n. 135, Disposizioni urgenti per l’attuazione di obblighi comunitari e per l’esecuzione di sentenze della Corte di giustizia delle Comunita’ europee, convertito in legge, con modifiche, dalla legge 20 novembre 2009 (décret-loi n° 135 du 25 septembre 2009, portant dispositions urgentes en vue de la mise en œuvre des obligations communautaires et de l’exécution des décisions de la Cour de justice des Communautés européennes, converti en loi, avec modifications, par la loi n° 166/2009, du 20 novembre 2009, ci-après la « loi de 2009 ») (GURI n° 223 du 25 septembre 2009 et GURI n° 274 du 24 novembre 2009, supplément ordinaire n° 215).

    2 Saremar faisait initialement partie du groupe Tirrenia. Ce groupe comprenait également, à l’origine, cinq autres sociétés, à savoir Tirrenia di Navigazione SpA (ci-après « Tirrenia »), une société de cabotage maritime à vocation nationale qui assurait, notamment, les liaisons entre la Sardaigne et le continent, Adriatica, Caremar et Siremar, des sociétés de cabotage maritime à vocation régionale, et, enfin, Fintecna - Finanziaria per i Settori Industriale e dei Servizi SpA. Cette dernière société détenait 100 % du capital de Tirrenia, laquelle détenait elle-même l’intégralité du capital des sociétés régionales susmentionnées et de Saremar. Le capital de Fintecna était, quant à lui, détenu entièrement par l’État italien.

    3 En vertu des dispositions de l’article 19 ter de la loi de 2009, le capital de Saremar a été transféré, à titre gratuit, à la Regione autonoma della Sardegna (ci-après la « requérante » ou la « RAS »), en vue de la privatisation de cette société. Les mêmes dispositions prévoyaient également la conclusion d’un nouveau contrat de service public entre Saremar et la RAS, qui devait entrer en vigueur lors de cette privatisation. Cependant, à la date des faits litigieux, le processus de privatisation de Saremar était toujours en cours et son capital était toujours détenu à 100 % par la RAS. Par ailleurs, jusqu’au 31 juillet 2012, les obligations de service public de Saremar relatives aux liaisons visées au point 1 ci-dessus étaient régies dans le cadre de prorogations successives de la convention vicennale initiale conclue avec l’État italien. À compter du 1er août 2012, ces obligations ont été maintenues dans le cadre d’une convention conclue entre Saremar et la RAS et qui devait produire ses effets jusqu’à l’aboutissement dudit processus de privatisation, conformément à la legge regionale n. 15 del 7 agosto 2012, Disposizioni urgenti in materia di trasporti (loi régionale n° 15 du 7 août 2012, portant dispositions urgentes en matière de transports, ci-après la « loi régionale n° 15 de 2012 ») (Bollettino ufficiale della Regione autonoma della Sardegna n° 35, du 9 août 2012, p. 5).

    4 Parallèlement, Tirrenia a été mise en vente en 2010. Durant le processus de privatisation de cette société, qui avait été placée en procédure d’administration extraordinaire par décret présidentiel du 5 août 2010, elle a continué à assurer les liaisons entre la Sardaigne et le continent. Ce processus a pris fin en juillet 2012 avec son acquisition par l’intervenante, Compagnia Italiana di Navigazione SpA (ci-après « CIN »), qui est un consortium d’armateurs privés opérant sur les mêmes liaisons maritimes. Une nouvelle convention a alors été conclue entre ce consortium et l’État italien. Par ailleurs, il convient de préciser que, en 2011, ces liaisons étaient assurées par quatre opérateurs privés : Moby, Forship, SNAV et Grandi Navi Veloci.

    5 L’autorité nationale de concurrence, l’Autorità Garante della Concurrenza e del Mercato (Italie, ci-après l’« AGCM ») a ouvert une procédure d’instruction à la suite de nombreuses plaintes relatives à la hausse des tarifs des opérateurs privés en cause pour la période estivale de 2011. Dans sa décision du 11 juin 2013, l’AGCM a considéré que cette augmentation des tarifs constituait une pratique concertée en violation de l’article 101 TFUE. Cette décision a été annulée par l’arrêt du 29 janvier 2014 du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie).

    6 C’est dans ce contexte que, le 26 avril 2011, la RAS a adopté la delibera n. 20/57 (décision régionale n° 20/57), dans laquelle elle a demandé à Saremar d’examiner la possibilité d’effectuer, à titre expérimental, pour la période du 15 juin au 15 septembre 2011, au moins deux liaisons entre la Sardaigne et le continent. La RAS a invoqué, à cet égard, les effets adverses de la hausse des tarifs des opérateurs privés en cause sur le système économique et social de la Sardaigne et la nécessité de prendre des mesures urgentes à cet égard. Dans cette décision régionale, la RAS a précisé que ces liaisons devaient être mixtes (transport de passagers et fret) et que le caractère soutenable de l’activité sur le plan économique et financier devait être pris en compte. Ensuite, la RAS, par la delibera n. 25/69 (décision régionale n° 25/69), du 19 mai 2011, et la delibera n. 27/4 (décision régionale n° 27/4), du 1er juin 2011, a, en substance, approuvé les tarifs proposés par Saremar, d’une part, en ce qui concernait la liaison Golfo Aranci-Civitavecchia pour la période comprise entre le 15 juin et le 15 septembre 2011 et, d’autre part, en ce qui concernait la liaison Vado Ligure-Porto Torres pour la période comprise entre le 22 juin et le 15 septembre 2011. Ces deux dernières décisions régionales ont autorisé Saremar à introduire des variations dans le système tarifaire adopté en vue de concilier l’équilibre budgétaire et la satisfaction maximale des consommateurs.

    7 Le 1er septembre 2011, la RAS a adopté la delibera n. 36/6 (décision régionale n° 36/6). Dans cette décision régionale, considérant qu’une interruption du service de cabotage maritime assuré par Saremar sur les liaisons avec le continent aurait pour effet de restaurer une situation de monopole sur ces liaisons, la RAS a demandé à cette société d’examiner, sur la base d’un plan commercial, la viabilité d’un service de cabotage maritime, à titre expérimental, pour la période comprise entre le 30 septembre 2011 et le 30 septembre 2012 sur au moins une des trois liaisons suivantes : la liaison Olbia-Livourne, la liaison Porto Torres-Livourne et la liaison Cagliari-Piombino. Cette décision régionale a précisé que, dans le cadre de cet examen, Saremar devait prendre en considération la demande de transport ainsi que le caractère soutenable sur le plan économique et financier du service de cabotage.

    8 Par ailleurs, dans la même décision régionale, la RAS a défini les mesures à prendre en vue de compenser les pertes subies par Saremar dans le cadre de la procédure de faillite de Tirrenia. En effet, Saremar avait dû procéder à la dévaluation à hauteur de 50 % de ses créances sur Tirrenia, qui s’élevaient à 11 546 403, 59 euros, et avait, de ce fait, enregistré en 2010 un déficit de 5 253 530, 05 euros. La RAS a donc décidé, d’une part, de couvrir cette perte en réduisant le capital de Saremar à hauteur de 4 890 950, 36 euros, une fois utilisés la réserve légale et les...

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