Arrêts nº T-742/16 RENV of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, Première chambre, May 16, 2017

Resolution DateMay 16, 2017
Issuing OrganizationPremière chambre
Decision NumberT-742/16 RENV

Fonction publique - Fonctionnaires - Harcèlement moral - Article 12 bis du statut - Obligation d’assistance - Règles internes relatives au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail - Article 24 du statut - Demande d’assistance - Rejet - Décision de rejet de la réclamation - Contenu autonome - Caractère prématuré de la réclamation - Absence - Rôle et prérogatives du comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail - Saisine facultative par le fonctionnaire - Responsabilité non contractuelle

Dans l’affaire T-742/16 RENV,

CW, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me C. Bernard-Glanz, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes E. Taneva et M. Dean, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Parlement du 8 avril 2013 portant rejet de la demande d’assistance introduite par la requérante en lien avec le prétendu harcèlement moral dont elle s’estimait être victime du fait de ses supérieurs hiérarchiques ainsi qu’à l’annulation de la décision du secrétaire général du Parlement du 23 octobre 2013 portant rejet de sa réclamation du 9 juillet 2013 et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice qu’elle aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le 1er octobre 2008, la requérante, CW, a été nommée fonctionnaire stagiaire au Parlement européen et affectée à l’unité de l’interprétation tchèque (ci-après l’« unité »). Elle a été titularisée le 1er juillet 2009.

2 De 2008 à 2010, la requérante et Mme H. étaient collègues au sein de l’unité. Lorsque le poste de chef d’unité s’est libéré, elles ont toutes les deux présenté leur candidature. À l’issue de la procédure de sélection, la candidature de la requérante a été écartée au profit de celle de Mme H. (ci-après le « chef d’unité »), qui a été nommée sur cet emploi le 17 mai 2010.

3 Les relations entre la requérante et le chef d’unité se sont dégradées, notamment à la suite d’une réunion de l’unité qui s’est tenue le 23 mai 2011.

4 Le 19 février 2012, la requérante a, par courriel, expliqué au président du comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail (ci-après le « comité consultatif sur le harcèlement ») que, « [d]epuis le 1er février 2012, [elle] [était] exposée à une pression énorme exercée par [s]es deux supérieurs, [qu’elle était] dans une situation très difficile et [qu’elle] souhait[ait] demander une aide professionnelle à ce sujet ». Bien que la requérante ait, par ce courriel, demandé au président de ce comité de l’informer sur la possibilité de le rencontrer rapidement, celui-ci n’a pas répondu par écrit audit courriel. Par courriel du 21 février 2012, la requérante a alors contacté Mme W., secrétaire dudit comité, laquelle, par courriel du lendemain, lui a répondu que le président de ce comité était en cours de déménagement dans un nouveau bureau, ce qui pouvait expliquer qu’il ne reçoive pas ses courriels, et elle lui a suggéré de prendre contact avec Mme E.-H. ou Mme R., toutes deux membres du comité consultatif sur le harcèlement, lesquelles étaient également mises en copie de ce courriel du secrétariat. Sans avoir pris directement contact avec l’un desdits membres, la requérante a, par courriel en réponse du 22 février 2012, également adressé en copie au président de ce comité, indiqué à Mme W. qu’elle souhaitait prendre conseil auprès du président dudit comité dès que possible. Mme W. lui a alors confirmé que son message serait transféré au président de ce comité dans les meilleurs délais. Selon la requérante, ces courriels seraient restés sans suite de la part du président du comité consultatif sur le harcèlement.

5 Le 29 mars 2012, la requérante a reçu une note du directeur de la direction de l’interprétation (ci-après le « directeur ») de la direction générale (DG) « Interprétation et conférences » relevant du secrétariat général du Parlement l’informant que, compte tenu de son état de santé récent, elle était déchargée des tâches annexes à ses fonctions d’interprète. Depuis lors, la requérante n’a poursuivi que ses tâches principales, à savoir l’interprétation à Bruxelles (Belgique) ainsi que dans les deux autres lieux de travail du Parlement. Elle a également continué à participer, notamment, à un cours de langue polonaise. De plus, à la suite d’une réunion tenue début juin 2013, le directeur a confirmé, par une note du 11 juin 2013 adressée à la requérante avec copie au chef d’unité, que la requérante était désormais autorisée à poursuivre des formations professionnelles dans l’intérêt du service.

6 Le 4 juillet 2012, un nouveau président du comité consultatif sur le harcèlement (ci-après le « nouveau président du comité ») a été nommé et, selon les dires du Parlement, la requérante a été par la suite et à plusieurs reprises invitée à contacter le comité consultatif sur le harcèlement.

7 Le 5 février 2013, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination du Parlement (ci-après l’« AIPN ») d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut (ci-après la « demande d’assistance »). À l’appui de cette demande, la requérante a fourni une description détaillée de quatorze incidents ou évènements qui, selon elle, pris individuellement ou conjointement, seraient constitutifs d’un harcèlement moral de la part de son chef d’unité et de son directeur. La requérante soulignait également que cette liste d’incidents n’était pas exhaustive et que « [l’i]nstitution, auprès de qui une demande formelle d’assistance et une réclamation [avaient] été présentées [par CQ], [était] pleinement au courant de la situation et a[vait] donné mandat au directeur général [de la DG “Interprétation et conférences”] pour enquêter sur l’affaire ». Elle affirmait, en outre, que le harcèlement allégué la concernant prenait des formes diverses : « communications trompeuses [“deceptive or misleading communications”], refus de communiquer, commentaires dégradants, tentatives d’humiliation publique, diffamation, pressions, intimidations et menaces, ou privation injustifiée de tâches professionnelles ». Tous ces évènements l’auraient conduite à un « burn-out » ayant justifié sa mise en congé de maladie prolongé.

8 Par la demande d’assistance, dans laquelle elle regrettait le fait que, malgré ses sollicitations et ses rappels, le président du comité consultatif sur le harcèlement ou tout autre membre dudit comité ne l’ait pas contactée à la suite de son courriel du 19 février 2012, la requérante priait le Parlement, d’une part, de réaffecter le chef d’unité ou le directeur à un autre poste, ou d’adopter une décision d’effet équivalent tendant à la protéger de leurs exactions, et, d’autre part, d’ouvrir une enquête à grande échelle sur les méthodes de management et les comportements de sa hiérarchie.

9 Dans une lettre du 5 mars 2013, le directeur général de la DG « Personnel » (ci-après le « directeur général du personnel »), en sa qualité d’AIPN, a, tout en regrettant que le premier contact que la requérante avait en vain essayé d’établir avec le comité consultatif sur le harcèlement en février 2012 « n’ait pas conduit à un examen à grande échelle d[e ses] plaintes », recommandé à la requérante de saisir ledit comité, qui était le mieux placé pour vérifier si les faits décrits par elle pouvaient être considérés comme un harcèlement psychologique. Afin de faciliter cette saisine du comité, les coordonnées de son nouveau président étaient indiquées dans cette lettre. Toutefois, dans une lettre en réponse de son conseil du 11 mars suivant, la requérante a d’abord observé qu’elle avait déjà « épuisé cette option », car elle avait « essayé de se plaindre auprès du comité [consultatif sur le harcèlement] », pour ensuite préciser qu’elle avait déposé une demande d’assistance en vertu de l’article 24 du statut au motif, précisément, que le comité, auquel elle s’était adressée en premier lieu, avait failli dans sa mission telle qu’assignée par les règles internes relatives au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail en vue de mettre en œuvre l’article 12 bis du statut (ci-après les « règles internes en matière de harcèlement »). Le conseil de la requérante précisait que, dans ce contexte, il « trouv[ait la] recommandation [du directeur général du personnel] honteuse et inacceptable ».

10 Par une décision du 8 avril 2013, notifiée à la requérante le 10 avril suivant, l’AIPN, en la personne du directeur général du personnel, a, après un examen de la demande d’assistance et à la lumière des informations relatives à la situation régnant dans l’unité dont elle avait pris connaissance dans le cadre de l’examen d’une plainte pour harcèlement introduite par une collègue de cette unité, en l’occurrence CQ (arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F-12/13, EU:F:2014:214), rejeté la demande d’assistance de la requérante (ci-après la « décision de refus d’assistance »).

11 À cet égard, l’AIPN a indiqué déplorer le refus de la requérante de saisir le comité consultatif sur le harcèlement, puisque cette attitude a eu pour conséquence que l’AIPN avait été privée de ce qui aurait été, pour elle, un « précieux avis sur les allégations de [la requérante, étant entendu que le comité consultatif sur le harcèlement] [ét]ait le mieux placé pour [mener] l’enquête à grande échelle que [la requérante] demand[ait] ».

12 Cela étant, nonobstant l’absence de saisine du comité consultatif sur le harcèlement, l’AIPN a décidé, après un examen des documents volumineux...

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