Arrêts nº T-315/17 of Tribunal General de la Unión Europea, November 27, 2018

Resolution DateNovember 27, 2018
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-315/17

Fonction publique - Fonctionnaires - SEAE - Affectation - Poste de chef de la délégation de l’Union européenne auprès de l’Éthiopie - Décision refusant de prolonger l’affectation - Intérêt du service - Obligation de motivation - Égalité de traitement

Dans l’affaire T-315/17,

Chantal Hebberecht, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Fourmies (France), représentée par Me B. Maréchal, avocat,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par MM. S. Marquardt et R. Spac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du SEAE communiquée à la requérante le 3 février 2017 rejetant sa réclamation dirigée contre la décision du SEAE de ne pas prolonger son affectation au poste de chef de la délégation de l’Union européenne en Éthiopie et, d’autre part, à la réparation d’un préjudice moral que la requérante aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 La requérante, Mme Chantal Hebberecht, est fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Le 1er septembre 2013, elle a été nommée chef de la délégation de l’Union européenne en Éthiopie, pour une durée de quatre ans.

2 Par note du SEAE du 22 mars 2016, les fonctionnaires du SEAE en poste dans les délégations concernés par l’exercice de rotation devant être mené en 2017 ou en 2018 ont été informés de la possibilité de présenter une demande pour une rotation anticipée ou une prolongation de leur affectation. Cette note indiquait que l’accord serait seulement donné dans des cas exceptionnels dûment motivés, en prenant en compte l’intérêt du service.

3 Le 15 avril 2016, la requérante a présenté une telle demande de prolongation, arguant qu’elle souhaitait valoriser son expérience en Éthiopie pour une cinquième année avant de prendre sa retraite le 1er septembre 2018.

4 Par décision du 30 juin 2016 (ci-après la « décision attaquée »), l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’ « AIPN ») du SEAE a rejeté cette demande, en indiquant que, « dans l’intérêt d’assurer une rotation régulière des chefs de délégation, une politique claire de mobilité après un maximum de quatre ans dans le poste a généralement été mise en œuvre ».

5 Par note du 29 septembre 2016, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), introduit une réclamation dirigée contre la décision attaquée, laquelle réclamation a été enregistrée le 30 septembre 2016. À l’appui de cette réclamation, elle arguait que la décision attaquée irait juridiquement à l’encontre de l’intérêt du service, de la continuité du service, de la transparence, de l’égalité de traitement et du respect des mesures de discrimination positive à l’égard des femmes. Selon elle :

- l’intérêt du service serait de maintenir une délégation bien gérée, sous la direction d’un chef de délégation expérimenté ; elle posséderait l’expérience et les relations nécessaires pour contribuer à sauvegarder la stabilité de l’Éthiopie et stopper le flux migratoire, et ce dans l’intérêt de l’Union ;

- son départ créerait une discontinuité du service au niveau du management assuré par le SEAE ;

- aucune explication ne lui aurait été donnée sur le refus de la prolongation ;

- sa demande aurait été présentée dans le même esprit que d’autres qui, elles, auraient été accueillies ;

- si une décision avait été prise en ce sens, sa prolongation au poste de chef de délégation, en tant que femme de grade AD 14, aurait constitué une mesure de discrimination positive exemplaire.

6 Par décision du 1er février 2017, communiquée à la requérante le 3 février 2017 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »), le secrétaire général du SEAE a, en sa qualité d’AIPN, rejeté la réclamation. Selon l’AIPN :

- l’administration dispose d’un large pouvoir pour apprécier les nécessités liées à l’intérêt du service ; ce dernier requerrait une mobilité régulière du personnel dans les délégations, en particulier en ce qui concerne les chefs de ces dernières ; sans prévisibilité et automaticité, l’effectivité de l’exercice de rotation serait compromise ; la situation en Éthiopie ne pourrait être qualifiée d’« exceptionnelle » ; les raisons personnelles ne constitueraient pas un motif valable pour accorder une dérogation ;

- la continuité du service serait assurée par le SEAE en la présence du chef de délégation adjoint ;

- la décision attaquée aurait été clairement, même succinctement, motivée par la politique du SEAE d’assurer une mobilité régulière du personnel ;

- la requérante n’aurait pas établi l’existence d’une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif recherché ;

- en l’absence d’obligation en ce sens, il ne saurait être tenu compte de sa qualité de femme pour envisager la prolongation sollicitée, celle-ci devant être motivée uniquement par l’intérêt du service.

Procédure et conclusions des parties

7 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.

8 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

9 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 15 mai 2018.

10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours recevable et fondé ;

- annuler la décision de rejet de la réclamation ;

- condamner le SEAE à lui verser, au titre de dédommagement du préjudice moral, une somme forfaitaire, à titre principal, de 250 000 euros, à titre subsidiaire, de 200 000 euros ou, à titre plus subsidiaire encore, de 150 000 euros, de 100 000 euros ou de 50 000 euros ;

- condamner le SEAE aux dépens de l’instance.

Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme non fondé ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur l’acte attaqué

11 Dans l’acte introductif d’instance, la requérante sollicite l’annulation de la « décision prise par l’ [AIPN] du [SEAE] [Ares(2017) 615970 - 03/02/2017] en ce qui concerne le rejet de la prolongation d’un an de [s]a mission […] en tant que Chef de Délégation de l’UE auprès de la République Fédérale Démocratique d’Éthiopie ».

12 À cet égard, il y a lieu de constater que l’acte ainsi identifié par la requérante au moyen du numéro qui lui est attribué dans la base de données Ares correspond à la décision de rejet de la réclamation.

13 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante applicable en matière de droit de la fonction publique de l’Union, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, points 7 et 8), sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêt du 25 octobre 2006, Staboli/Commission, T-281/04, EU:T:2006:334, point 26).

14 En effet, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable, de sorte que les conclusions dirigées contre cette décision sans contenu autonome par rapport à la décision initiale doivent être regardées comme dirigées contre l’acte initial. Une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par la partie requérante. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de la partie requérante, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêts du 24 avril 2017, HF/Parlement, T-584/16, EU:T:2017:282, point 71 et jurisprudence citée, et du 15 septembre 2017, Skareby/SEAE, T-585/16, EU:T:2017:613, point 18 et jurisprudence citée).

15 En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, dès lors qu’elle ne modifie pas le dispositif de celle-ci ni ne contient de réexamen de la situation de la requérante en fonction d’éléments de droit ou de fait nouveaux. La circonstance que l’autorité habilitée à statuer sur la réclamation...

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