Arrêts nº T-458/17 of Tribunal General de la Unión Europea, November 26, 2018

Resolution DateNovember 26, 2018
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-458/17

Recours en annulation - Droit institutionnel - Retrait du Royaume-Uni de l’Union ‐ Accord fixant les modalités de retrait ‐ Article 50 TUE - Décision du Conseil autorisant l’ouverture des négociations avec le Royaume-Uni en vue de la conclusion dudit accord - Citoyens du Royaume-Uni résidant dans un autre État membre de l’Union - Acte préparatoire - Acte non susceptible de recours - Défaut d’affectation directe - Irrecevabilité

Dans l’affaire T-458/17,

Harry Shindler, demeurant à Porto d’Ascoli (Italie), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe(1), représentés par Me J. Fouchet, avocat,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE, Euratom) du Conseil du 22 mai 2017 autorisant l’ouverture des négociations avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue de la conclusion d’un accord fixant les modalités du retrait de celui-ci de l’Union européenne (document XT 21016/17), y compris l’annexe de cette décision fixant les directives de négociation dudit accord (document XT 21016/17 ADD 1 REV 2),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise, R. da Silva Passos, Mme K. Kowalik-Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le 23 juin 2016, les citoyens du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord se sont prononcés par référendum en faveur du retrait de leur pays de l’Union européenne.

2 Le 13 mars 2017, le parlement du Royaume-Uni a adopté le European Union (Notification of Withdrawal) Act 2017 [loi de 2017 sur l’Union européenne (Notification de retrait)], autorisant le Premier ministre à notifier l’intention du Royaume-Uni de se retirer de l’Union en application de l’article 50, paragraphe 2, TUE.

3 Le 29 mars 2017, le Premier ministre du Royaume-Uni a notifié au Conseil européen l’intention de cet État membre de se retirer de l’Union et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) (ci-après l’« acte de notification d’intention de retrait »).

4 Par une déclaration du même jour, le Conseil européen a indiqué avoir reçu l’acte de notification d’intention de retrait.

5 Le 29 avril 2017, le Conseil européen a adopté des orientations qui définissaient le cadre des négociations prévues par l’article 50 TUE et établissaient les positions et les principes généraux que l’Union défendrait tout au long des négociations.

6 Le 22 mai 2017, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement des dispositions de l’article 50 TUE lu en liaison avec l’article 218, paragraphe 3, TFUE et sur recommandation du 3 mai 2017 de la Commission européenne, la décision autorisant cette dernière à ouvrir les négociations avec le Royaume-Uni en vue d’un accord fixant les modalités de retrait de celui-ci de l’Union et de l’Euratom (ci-après, d’une part, l’« accord fixant les modalités de retrait » ou l’« accord de retrait » et, d’autre part, la « décision attaquée »).

7 La décision attaquée désigne la Commission en tant que négociateur de l’Union (article 1er) et précise que les négociations seront menées à la lumière des orientations adoptées par le Conseil européen et conformément aux directives de négociation figurant en annexe de ladite décision (article 2).

8 L’annexe de la décision attaquée (document XT 21016/17 ADD 1 REV 2) contient des directives de négociation, destinées à la première étape des négociations, en ce qui concerne notamment les droits des citoyens, un règlement financier unique, la situation des marchandises mises sur le marché et le résultat des procédures fondées sur le droit de l’Union, les autres questions administratives liées au fonctionnement de l’Union ainsi que la gouvernance de l’accord fixant les modalités de retrait.

Procédure et conclusions des parties

9 Par requête enregistrée le 21 juillet 2017, les requérants,M. Harry Shindler et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, ont introduit le présent recours.

10 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 16 octobre 2017, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

11 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 octobre 2017, la Commission a demandé au Tribunal de l’autoriser à intervenir dans le présent litige au soutien des conclusions du Conseil, conformément à l’article 143 du règlement de procédure.

12 Le 30 novembre 2017, les requérants ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité.

13 Sur proposition de la neuvième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

14 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé, conformément à l’article 130, paragraphe 6, du règlement de procédure, d’ouvrir la phase orale de la procédure, limitée à la recevabilité du recours.

15 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 juillet 2018.

16 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée, y compris les directives de négociation qui lui sont annexées ;

- condamner le Conseil aux dépens, y compris les frais d’avocat à hauteur de 5 000 euros.

17 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

- condamner les requérants aux dépens.

18 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2018, les requérants ont présenté une preuve nouvelle, au sens de l’article 85 du règlement de procédure, sur laquelle le Conseil a été mis en mesure de prendre position.

En droit

19 Le Conseil soutient que le recours fondé sur l’article 263 TFUE est manifestement irrecevable, la décision attaquée n’étant pas attaquable par une personne physique ou morale et les requérants n’ayant ni intérêt à agir ni qualité pour agir contre la décision attaquée.

20 Les requérants contestent l’argumentation du Conseil et estiment que le recours est recevable.

Sur la recevabilité du recours

21 Le Tribunal estime opportun de se prononcer sur le caractère attaquable de la décision attaquée ainsi que sur la qualité pour agir des requérants au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et d’examiner, à cet égard, si les requérants sont directement concernés par la décision attaquée. Plus précisément, il convient d’examiner si la décision attaquée produit directement des effets sur la situation juridique des requérants.

22 Le Conseil soutient que la décision attaquée ne peut faire l’objet d’un recours en annulation dès lors qu’il s’agit, à l’égard des requérants, d’une mesure préliminaire ou de nature préparatoire, dont l’objectif est de préparer l’accord fixant les modalités de retrait prévu par l’article 50 TUE. Le fait d’autoriser la Commission à ouvrir des négociations au nom de l’Union et à les conduire à la lumière des orientations adoptées par le Conseil européen et conformément aux directives de négociation qui y sont annexées n’affecterait pas la situation juridique des requérants, qui demeurerait la même avant et après l’adoption de la décision attaquée.

23 En outre, le Conseil fait valoir que les requérants n’ont pas qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors notamment qu’ils ne sont pas directement concernés par la décision attaquée. En particulier, la décision attaquée ne produirait aucun effet sur la situation juridique des requérants. Premièrement, ce ne serait pas la décision attaquée qui aurait enclenché la procédure prévue à l’article 50 TUE, mais l’acte de notification d’intention de retrait. Si le Conseil n’avait pas adopté la décision attaquée, la procédure prévue à l’article 50 TUE aurait suivi son cours et, deux ans après l’acte de notification d’intention de retrait, le Royaume-Uni aurait quitté l’Union sans accord fixant les modalités de retrait. Deuxièmement, la décision attaquée n’aurait pas non plus « entériné » l’acte de notification d’intention de retrait et n’aurait fait que tirer les conséquences de cette décision nationale, sans avoir aucun effet sur les droits des requérants. Indépendamment de l’adoption de la décision attaquée, le Royaume-Uni continuerait d’être membre de l’Union jusqu’à la date de son retrait et les requérants continueraient à bénéficier des droits qu’ils tirent des traités à ce titre. Ce n’est qu’au terme de la procédure prévue à l’article 50 TUE que les droits des requérants seraient susceptibles d’être affectés, dans une mesure qu’il n’est d’ailleurs pas possible de prévoir.

24 Les requérants soutiennent que la décision attaquée peut faire l’objet d’un recours en annulation. Ils font valoir également que leur qualité pour agir découle du fait qu’ils sont citoyens du Royaume-Uni expatriés et citoyens de l’Union, qu’ils résident dans un autre État membre de l’Union et qu’ils ont été privés, du fait de la législation dite « 15 years rule » (règle des 15 ans), du droit de vote lors du référendum du 23 juin 2016 et lors des élections générales du 7 mai 2015, qui ont conduit à la désignation des parlementaires ayant « confirmé » le référendum par l’adoption de la loi de 2017 sur l’Union européenne (Notification de retrait).

25 Premièrement, les requérants font valoir que la décision attaquée a des conséquences directes sur les droits qu’ils tirent des traités, notamment en ce qui concerne leur qualité de citoyens de l’Union et leur droit de vote aux élections européennes et municipales, leur droit au respect de leur vie privée et...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT