Arrêts nº T-679/14 of Tribunal General de la Unión Europea, December 12, 2018

Resolution DateDecember 12, 2018
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-679/14

Concurrence - Ententes - Marché du périndopril, médicament destiné au traitement des maladies cardiovasculaires, dans ses versions princeps et génériques - Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE - Principe d’impartialité - Consultation du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes - Accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets et d’achat exclusif - Concurrence potentielle - Restriction de concurrence par objet - Conciliation entre droit de la concurrence et droit des brevets - Conditions d’exemption de l’article 101, paragraphe 3, TFUE - Amendes

Dans l’affaire T-679/14,

Teva UK Ltd, établie à West Yorkshire (Royaume-Uni),

Teva Pharmaceuticals Europe BV, établie à Utrecht (Pays-Bas),

Teva Pharmaceutical Industries Ltd, établie à Jérusalem (Israël),

représentées par Mes D. Tayar et A. Richard, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

European Generic medicines Association AISBL (EGA), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par M. S.-P. Brankin, solicitor, et Me E. Wijckmans, avocat,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes F. Castilla Contreras, T. Vecchi et M. B. Mongin, puis par Mme Castilla Contreras, MM. Mongin et C. Vollrath, en qualité d’agents, assistés de M. G. Peretz, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2014) 4955 final de la Commission, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 - Périndopril (Servier)], en tant qu’elle concerne les requérantes et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par ladite décision,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise et R. da Silva Passos, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 juin 2017,

rend le présent

Arrêt

  1. Antécédents du litige

    1. Sur le périndopril et ses brevets

      1 Le groupe Servier, formé de Servier SAS et de plusieurs filiales (ci-après, prises individuellement ou ensemble, « Servier »), a mis au point le périndopril, médicament indiqué en médecine cardiovasculaire, principalement destiné à lutter contre l’hypertension et l’insuffisance cardiaque, par le biais d’un mécanisme d’inhibition de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

      2 L’ingrédient pharmaceutique actif (ci-après l’« IPA ») du périndopril, c’est-à-dire la substance chimique biologiquement active qui produit les effets thérapeutiques visés, se présente sous la forme d’un sel. Le sel utilisé initialement était l’erbumine (ou tert-butylamine), qui présente une forme cristalline en raison du procédé employé par Servier pour sa synthèse.

      1. Brevet relatif à la molécule

        3 Le brevet relatif à la molécule du périndopril (brevet EP0049658, ci-après le « brevet 658 ») a été déposé devant l’Office européen des brevets (OEB) le 29 septembre 1981. Le brevet 658 devait arriver à expiration le 29 septembre 2001, mais sa protection a été étendue dans plusieurs États membres de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni, jusqu’au 22 juin 2003, ainsi que le permettait le règlement (CEE) no 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1).

      2. Brevets secondaires

        4 En 1988, Servier a, en outre, déposé devant l’OEB plusieurs brevets relatifs aux procédés de fabrication de la molécule du périndopril qui expiraient le 16 septembre 2008 : les brevets EP0308339, EP0308340, EP0308341 et EP0309324 (ci-après, respectivement, le « brevet 339 », le « brevet 340 », le « brevet 341 » et le « brevet 324 »).

        5 De nouveaux brevets relatifs à l’erbumine et à ses procédés de fabrication ont été déposés devant l’OEB par Servier entre 2001 et 2005, dont le brevet EP1294689 (dit « brevet beta », ci-après le « brevet 689 »), le brevet EP1296948 (dit « brevet gamma », ci-après le « brevet 948 ») et le brevet EP1296947 (dit « brevet alpha », ci-après le « brevet 947 »). Le brevet 947, relatif à la forme cristalline alpha de l’erbumine et à son procédé de préparation, a été demandé le 6 juillet 2001 et délivré par l’OEB le 4 février 2004.

      3. Périndopril de deuxième génération

        6 À partir de 2002, Servier a commencé à développer un périndopril de deuxième génération, fabriqué à partir d’un autre sel que l’erbumine, l’arginine. Ce périndopril arginine devait présenter des améliorations en termes de durée de conservation, passant de deux à trois ans, de stabilité, permettant un seul type de conditionnement pour toutes les zones climatiques, et de stockage, ne nécessitant aucune condition particulière.

        7 Servier a introduit une demande de brevet européen pour le périndopril arginine (brevet EP1354873B, ci-après « brevet 873 ») le 17 février 2003. Le brevet 873 lui a été délivré le 17 juillet 2004, avec une date d’expiration fixée au 17 février 2023. L’introduction du périndopril arginine sur les marchés de l’Union a débuté en 2006. Servier a lancé le périndopril arginine sur le marché du Royaume-Uni en avril 2008, alors qu’un périndopril générique était déjà sur ce marché depuis plusieurs mois.

    2. Sur les requérantes

      8 Teva Pharmaceutical Industries Ltd est une multinationale pharmaceutique développant, produisant et commercialisant des médicaments génériques pour toutes les grandes catégories de traitements médicaux. Elle produit également des IPA destinés à sa propre production pharmaceutique ainsi qu’à d’autres fabricants. Teva UK Ltd est une filiale à 100 % de Teva Pharmaceuticals Europe BV, qui est elle-même une filiale à 100 % de Teva Pharmaceutical Industries (ci-après, prises ensemble ou individuellement, « Teva » ou les « requérantes »). Teva compte parmi les plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux opérant dans le secteur des médicaments génériques.

      9 Le 26 janvier 2006, Teva a fusionné avec Ivax Europe (ci-après « Ivax »), une multinationale pharmaceutique fabriquant des médicaments génériques, qui est ainsi devenue une filiale à 100 % de Teva.

    3. Sur les activités de Teva relatives au périndopril

      10 Avant leur fusion, Teva et Ivax développaient chacune leur propre projet relatif au périndopril.

      11 Teva a ainsi tenté, sans succès, entre 1999 et 2005, de s’approvisionner en IPA du périndopril auprès de plusieurs fournisseurs.

      12 En 2003, à la suite de l’échec de ses négociations avec Servier relatives à la conclusion d’un accord de commercialisation et de fourniture du périndopril générique de Servier, Ivax s’est lancée dans le développement de son propre périndopril. Elle a ainsi conclu, le 24 septembre 2003, un contrat de fourniture d’IPA du périndopril avec Hetero Drugs Ltd et, le 21 décembre 2005, un accord de fabrication et de fourniture avec Alembic Pharmaceuticals Ltd pour la fabrication du produit final de périndopril à partir de cet IPA.

      13 Ivax a également entamé en 2003 des discussions avec Krka Tovarna Zdravil d.d. (ci-après « Krka »), qui, à l’époque, développait son propre périndopril. Les négociations se sont intensifiées en mai 2006, après la fusion entre Ivax et Teva, mais n’ont finalement pas abouti, Teva ayant annoncé à Krka le 18 mai 2006 sa décision de ne pas poursuivre leur coopération sur le périndopril au Royaume-Uni.

    4. Sur les litiges relatifs au périndopril

      1. Litiges devant l’OEB

        14 Dix sociétés de génériques, dont Norton Healthcare Ltd, filiale d’Ivax, ont formé opposition contre le brevet 947 devant l’OEB en 2004, en vue d’obtenir sa révocation, en invoquant des motifs tirés de l’absence de nouveauté et d’activité inventive et du caractère insuffisant de l’exposé de l’invention.

        15 Le 27 juillet 2006, la division d’opposition de l’OEB a confirmé la validité du brevet 947, à la suite de légères modifications des revendications initiales de Servier. Sept sociétés ont formé un recours contre cette décision. Par décision du 6 mai 2009, la chambre de recours technique de l’OEB a annulé la décision de la division d’opposition de l’OEB du 27 juillet 2006 et révoqué le brevet 947. La requête en révision déposée par Servier à l’encontre de cette décision a été rejetée le 19 mars 2010.

        16 Teva a introduit une procédure d’opposition contre le brevet 873 le 13 avril 2005. La division d’opposition a rejeté cette opposition, au motif notamment que Teva n’avait pas établi l’insuffisance d’activité inventive de ce brevet. Teva a introduit un recours contre cette décision le 22 décembre 2008, avant de se désister le 8 mai 2012.

      2. Litiges devant les juridictions nationales

        17 La validité du brevet 947 a, en outre, été contestée par des sociétés de génériques devant les juridictions de certains États membres, notamment au Royaume-Uni.

        a) Litige opposant Servier à Ivax

        18 Le 9 août 2005, Ivax a demandé la révocation du brevet 947, tel que validé au Royaume-Uni (ci-après le « brevet 947 UK »), devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume-Uni]. Servier et Ivax ont cependant décidé, en octobre 2005, de suspendre la procédure jusqu’à l’intervention de la décision finale dans la procédure d’opposition devant l’OEB. En contrepartie, Servier s’est engagé, envers Ivax, ses preneurs de licence et ses clients, pour la période de suspension et au Royaume-Uni, à ne pas entamer de poursuites, à ne pas solliciter de restitution de profits ou de compensation financière autre qu’une redevance raisonnable pour tout acte de violation du brevet 947 UK et à ne pas chercher à obtenir de redressement par voie d’injonction, ni de remise des produits. Servier s’est aussi engagé à poursuivre la procédure devant l’OEB avec diligence et à ne pas chercher à obtenir d’injonction provisoire dans le cadre d’une action en contrefaçon après...

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