Arrêts nº T-682/14 of Tribunal General de la Unión Europea, December 12, 2018

Resolution DateDecember 12, 2018
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-682/14

Concurrence - Ententes - Marché du périndopril, médicament destiné au traitement des maladies cardiovasculaires, dans ses versions princeps et génériques - Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE - Accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets - Concurrence potentielle - Restriction de concurrence par objet - Conciliation entre droit de la concurrence et droit des brevets - Imputation du comportement infractionnel - Amendes

Dans l’affaire T-682/14,

Mylan Laboratories Ltd, établie à Hyderabad (Inde),

Mylan, Inc., établie à Canonsburg, Pennsylvanie (États-Unis),

représentées par MM. S. Kon, C. Firth et C. Humpe, solicitors,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes F. Castilla Contreras, T. Vecchi et M. B. Mongin, puis par Mme Castilla Contreras, MM. Mongin et C. Vollrath, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Kingston, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2014) 4955 final de la Commission, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 - Périndopril (Servier)], en tant qu’elle concerne les requérantes et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par ladite décision,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise et R. da Silva Passos, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 27 juin 2017,

rend le présent

Arrêt

  1. Antécédents du litige

    1. Sur le périndopril

      1 Le groupe Servier, formé de Servier SAS et de plusieurs filiales (ci-après, prises individuellement ou ensemble, « Servier »), a mis au point le périndopril, médicament indiqué en médecine cardiovasculaire, principalement destiné à lutter contre l’hypertension et l’insuffisance cardiaque, par le biais d’un mécanisme d’inhibition de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

      2 L’ingrédient pharmaceutique actif (ci-après l’« IPA ») du périndopril, c’est-à-dire la substance chimique biologiquement active qui produit les effets thérapeutiques visés, se présente sous la forme d’un sel. Le sel utilisé initialement était l’erbumine (ou tert-butylamine), qui présente une forme cristalline en raison du procédé employé par Servier pour sa synthèse.

      1. Brevet de molécule

        3 Le brevet relatif à la molécule du périndopril (brevet EP0049658, ci-après le « brevet 658 ») a été déposé devant l’Office européen des brevets (OEB) le 29 septembre 1981. Le brevet 658 devait arriver à expiration le 29 septembre 2001, mais sa protection a été étendue dans plusieurs États membres de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni, jusqu’au 22 juin 2003, ainsi que le permettait le règlement (CEE) no 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1). En France, la protection du brevet 658 a été étendue jusqu’au 22 mars 2005 et, en Italie, jusqu’au 13 février 2009.

      2. Brevets secondaires

        4 En 1988, Servier a, en outre, déposé devant l’OEB plusieurs brevets relatifs aux procédés de fabrication de la molécule du périndopril qui expiraient le 16 septembre 2008 : les brevets EP0308339, EP0308340, EP0308341 (ci-après, respectivement, le « brevet 339 », le « brevet 340 » et le « brevet 341 ») et EP0309324.

        5 De nouveaux brevets relatifs à l’erbumine et à ses procédés de fabrication ont été déposés devant l’OEB par Servier entre 2001 et 2005, dont le brevet EP1294689 (dit « brevet beta »), le brevet EP1296948 (dit « brevet gamma ») et le brevet EP1296947 (dit « brevet alpha », ci-après le « brevet 947 »). Le brevet 947, relatif à la forme cristalline alpha de l’erbumine et à son procédé de préparation, a été demandé le 6 juillet 2001 et délivré par l’OEB le 4 février 2004.

      3. Périndopril de deuxième génération

        6 À partir de 2002, Servier a commencé à développer un périndopril de deuxième génération, fabriqué à partir d’un autre sel que l’erbumine, l’arginine. Ce périndopril arginine devait présenter des améliorations en termes de durée de conservation, passant de deux à trois ans, de stabilité, permettant un seul type de conditionnement pour toutes les zones climatiques, et de stockage, ne nécessitant aucune condition particulière.

        7 Servier a introduit une demande de brevet européen pour le périndopril arginine (brevet EP1354873B) le 17 février 2003. Ce brevet lui a été délivré le 17 juillet 2004, avec une date d’expiration fixée au 17 février 2023. L’introduction du périndopril arginine sur les marchés de l’Union a débuté en 2006.

    2. Sur les requérantes

      8 Matrix Laboratories Ltd (ci-après « Matrix ») est une société indienne développant, produisant et commercialisant principalement des IPA à destination des sociétés de génériques.

      9 À la suite de plusieurs prises de participations, dont une prise de participation majoritaire le 8 janvier 2007, la seconde requérante, Mylan, Inc., détient depuis 2011 entre 97 et 98 % du capital de Matrix, laquelle est dénommée Mylan Laboratories Ltd, du nom de la première requérante, depuis le 5 octobre 2011.

    3. Sur les activités des requérantes relatives au périndopril

      10 Matrix a fusionné le 20 mai 2003 avec Medicorp Technologies India Ltd (ci-après « Medicorp »), qui avait conclu, le 26 mars 2001, avec une autre société à laquelle a succédé Niche Generics Ltd (ci-après « Niche »), un accord de développement et de licence en vue de commercialiser une forme générique du périndopril (ci-après l’« accord Niche-Matrix »). Un avenant à cet accord, conclu le 30 mars 2004, prévoyait que Matrix reprendrait toutes les responsabilités et les obligations incombant à Medicorp dans le cadre de l’accord Niche-Matrix. Ce dernier stipulait que les deux sociétés commercialiseraient le périndopril générique dans l’Union, étant précisé que Matrix était principalement chargée du développement et de la fourniture de l’IPA du périndopril, alors que Niche était principalement responsable des démarches requises en vue de l’obtention des autorisations de mise sur le marché (AMM) ainsi que de la stratégie commerciale.

      11 Medicorp avait également conclu le 27 mars 2003 avec la société mère de Niche, Unichem Laboratories Ltd (ci-après « Unichem »), un accord de développement et de fabrication des comprimés de périndopril, par lequel Medicorp s’engageait à développer l’IPA du périndopril et à le fournir à Unichem, qui était responsable de la production du périndopril sous sa forme pharmaceutique finale. L’avenant à cet accord, conclu le 12 avril 2004, prévoyait que Matrix reprendrait toutes les responsabilités et les obligations incombant à Medicorp dans le cadre de l’accord.

    4. Sur les litiges relatifs au périndopril

      1. Litige devant l’OEB

        12 Dix sociétés de génériques ont formé opposition contre le brevet 947 devant l’OEB en 2004, en vue d’obtenir sa révocation, en invoquant des motifs tirés de l’absence de nouveauté et d’activité inventive et du caractère insuffisant de l’exposé de l’invention.

        13 Le 27 juillet 2006, la division d’opposition de l’OEB a confirmé la validité du brevet 947 à la suite de légères modifications des revendications initiales de Servier. Sept sociétés ont formé un recours contre cette décision. Par décision du 6 mai 2009, la chambre de recours technique de l’OEB a annulé la décision de la division d’opposition et révoqué le brevet 947. La requête en révision déposée par Servier à l’encontre de cette décision a été rejetée le 19 mars 2010.

      2. Litiges devant les juridictions nationales

        14 La validité du brevet 947 a, en outre, été contestée par des sociétés de génériques devant les juridictions de certains États membres, notamment au Royaume-Uni.

        a) Litige opposant Servier à Niche et à Matrix

        15 Servier a introduit le 25 juin 2004 une action en contrefaçon devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume-Uni], à l’égard de Niche, en invoquant ses brevets 339, 340 et 341, cette dernière ayant déposé des demandes d’AMM au Royaume-Uni pour la version générique du périndopril, développée en partenariat avec Matrix (voir point 10 ci-dessus). Le 9 juillet 2004, Niche a signifié à Servier une demande reconventionnelle en nullité du brevet 947.

        16 L’audience devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], portant sur le bien-fondé de la contrefaçon alléguée a finalement été fixée aux 7 et 8 février 2005, mais n’a duré qu’une demi-journée, en raison du règlement amiable conclu entre Servier et Niche le 8 février 2005, qui a mis fin au contentieux entre ces deux parties.

        17 Matrix a été tenue informée par Niche du déroulement de cette procédure contentieuse et y a été également associée en effectuant des dépositions devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], au nom de Niche. Servier a par ailleurs envoyé une lettre formelle d’avertissement à Matrix le 7 février 2005, en lui reprochant de violer les brevets 339, 340 et 341 et en la menaçant d’intenter une action en contrefaçon.

        b) Litige opposant Servier à Apotex

        18 Le 1er août 2006, Servier a saisi la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], d’une action en contrefaçon à l’encontre de la société Apotex, en invoquant la violation du brevet 947, cette dernière ayant lancé une version générique du périndopril au Royaume-Uni le 28 juillet...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT