Arrêts nº T-290/16 of Tribunal General de la Unión Europea, December 13, 2018

Resolution DateDecember 13, 2018
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-290/16

Responsabilité non contractuelle - Agriculture - Marchés des pêches et des nectarines - Perturbations subies pendant la campagne 2014 - Embargo russe - Mesures exceptionnelles de soutien temporaire en faveur des producteurs - Règlements délégués (UE) nos 913/2014 et 923/2014 - Règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers - Devoir de diligence et principe de bonne administration - Violation suffisamment caractérisée - Lien de causalité

Dans l’affaire T-290/16,

Fruits de Ponent, SCCL, établie à Alcarràs (Espagne), représentée par Mes M. Roca Junyent, J. Mier Albert, R. Vallina Hoset et A. Sellés Marco, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes I. Galindo Martín et K. Skelly, puis par Mme Galindo Martín, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par trois membres de la requérante du fait d’actes et d’omissions de la Commission, dans le contexte de l’adoption du règlement délégué (UE) no 913/2014 de la Commission, du 21 août 2014, fixant des mesures exceptionnelles de soutien temporaire en faveur des producteurs de pêches et de nectarines (JO 2014, L 248, p. 1), et du règlement délégué (UE) no 932/2014 de la Commission, du 29 août 2014, fixant des mesures exceptionnelles de soutien temporaire en faveur des producteurs de certains fruits et légumes et modifiant le règlement délégué no 913/2014 (JO 2014, L 259, p. 2),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, I. S. Forrester (rapporteur) et E. Perillo, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 février 2018,

rend le présent

Arrêt

  1. Cadre juridique

    1 Aux termes de l’article 39, paragraphe 1, sous b) et c), TFUE, la politique agricole commune (PAC) a notamment pour buts, d’une part, d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, par exemple par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture, et, d’autre part, de stabiliser les marchés.

    2 Le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671), prévoit deux mécanismes de prévention et de gestion des crises dans le secteur des fruits et légumes : un mécanisme ordinaire, sous la forme de programmes opérationnels, et un mécanisme extraordinaire, qui prescrit des mesures en cas de perturbations du marché.

    3 Les programmes opérationnels, tels que définis à l’article 33 du règlement no 1308/2013, sont mis en œuvre par les organisations de producteurs de fruits et légumes (ci-après les « OPFL »), qui gèrent à cette fin les fonds opérationnels visés à l’article 32 dudit règlement, au financement desquels l’Union européenne contribue.

    4 Aux termes de l’article 33, paragraphe 3, du règlement no 1308/2013, la prévention et la gestion des crises visées au paragraphe 1 dudit article ont pour objectif d’éviter et de régler les crises sur les marchés des fruits et légumes et couvrent notamment, dans ce contexte, la promotion et la communication, à titre de prévention ou pendant une période de crise, ainsi que le retrait du marché.

    5 Aux termes de l’article 79, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 543/2011 de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1), le soutien aux retraits du marché, qui comprend la participation de l’Union et celle de l’OPFL concernée, ne dépasse pas le montant établi à l’annexe XI dudit règlement d’exécution, soit 5 % du volume moyen de la production commercialisée par ladite OPFL au cours des trois années écoulées.

    6 Les mesures extraordinaires de prévention et de gestion des perturbations du marché sont prévues aux articles 219, 227 et 228 du règlement no 1308/2013.

    7 Aux termes de l’article 219, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 :

    Afin de répondre de manière concrète et efficace aux menaces de perturbation du marché causées par des hausses ou des baisses significatives des prix sur les marchés intérieurs ou extérieurs ou par d’autres événements et circonstances perturbant significativement ou menaçant de perturber le marché, lorsque cette situation ou ses effets sur le marché sont susceptibles de se poursuivre ou de s’aggraver, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 227 en vue de prendre les mesures nécessaires pour rééquilibrer cette situation de marché [...] dès lors que toute autre mesure pouvant être appliquée en vertu du présent règlement apparaît insuffisante.

    Lorsque, dans les cas de menaces de perturbations du marché visées au premier alinéa du présent paragraphe, des raisons d’urgence impérieuses le requièrent, la procédure prévue à l’article 228 s’applique aux actes délégués adoptés en application du premier alinéa du présent paragraphe.

    Ces raisons d’urgence impérieuse peuvent inclure le besoin d’agir immédiatement pour corriger ou éviter la perturbation du marché, lorsque les menaces de perturbation du marché apparaissent si rapidement ou de façon si inattendue qu’une action immédiate est nécessaire pour faire face de manière concrète et efficace à la situation, ou bien lorsque l’action pourrait empêcher ces menaces de perturbation du marché de se concrétiser, de se poursuivre ou de se transformer en une crise plus grave ou prolongée, ou encore lorsque retarder l’action immédiate risquerait de provoquer ou d’aggraver la perturbation, ou pourrait porter préjudice à la production ou aux conditions du marché.

    Ces mesures peuvent, dans la mesure et pour la durée nécessaires pour faire face aux perturbations du marché ou aux menaces de perturbation, étendre ou modifier la portée, la durée ou d’autres aspects d’autres mesures prévues par le présent règlement, prévoir des restitutions à l’exportation ou suspendre les droits à l’importation en totalité ou en partie, notamment pour certaines quantités et/ou périodes, selon les besoins.

    8 L’article 227 du règlement no 1308/2013 confère à la Commission européenne le pouvoir d’adopter des actes délégués et régit l’exercice de cette délégation.

    9 L’article 228 du règlement no 1308/2013 prévoit une procédure d’urgence, en vertu de laquelle les actes délégués adoptés au titre de cette disposition entrent en vigueur sans délai et s’appliquent tant qu’aucune objection n’est exprimée par le Conseil de l’Union européenne ou par le Parlement européen conformément à l’article 227, paragraphe 5, dudit règlement.

  2. Contexte et antécédents du litige

    10 Le secteur dit des fruits doux, concerné par le présent litige, englobe la production de pêches et de nectarines. Il s’agit de fruits de saison, dont la campagne de collecte et de commercialisation se déroule pour l’essentiel en été. La saison de la récolte commence habituellement au début du mois de juin et se termine approximativement à la fin du mois de septembre. La saison de la consommation coïncide avec celle de la récolte.

    11 Les fruits doux sont particulièrement périssables et les possibilités de leur entreposage limitées. Il n’est donc possible de les stocker dans des conditions satisfaisantes que pendant les deux à quatre semaines qui en suivent la récolte et leur transport est limité à un nombre réduit de jours. Ces caractéristiques des fruits doux ont pour conséquence que leur marché est très sensible à toute perturbation, leur stockage ne pouvant être prolongé jusqu’à ce que le marché se stabilise.

    12 Pendant la saison 2014, le secteur des fruits doux a connu des perturbations qui se sont traduites par une baisse significative des prix. Cette crise est la résultante de trois facteurs.

    13 Premièrement, la production de fruits doux a sensiblement augmenté par rapport aux années précédentes et la collecte de ces fruits a débuté plus tôt que d’ordinaire, parfois même dès le mois de mai 2014.

    14 Deuxièmement, la consommation de fruits doux, qui est étroitement liée à des températures estivales, a baissé de manière appréciable dans certains États membres pendant la saison 2014, en raison d’un climat particulièrement pluvieux et froid.

    15 Troisièmement, à la suite de l’adoption par le Conseil du règlement (UE) no 833/2014, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 1), le président de la Fédération de Russie a adopté, le 6 août 2014, le décret no 560, portant interdiction d’importer en Russie certains types de produits agricoles en provenance de l’Union, notamment les fruits doux (ci-après l’« embargo russe »). Cette décision, qui est entrée en vigueur le 7 août 2014, a entraîné la fermeture d’un marché traditionnellement important pour les producteurs de fruits doux de l’Union.

    16 Lors d’une réunion du 11 juin 2014 avec le groupe d’experts nationaux pour les pêches et les nectarines, la Commission a relevé qu’une « bonne année de récolte [était] signalée » et qu’« aucun problème n’[étai]t en vue ». Selon la requérante, Fruits de Ponent, SCCL, c’est quelques jours plus tard que des perturbations ont commencé à se manifester sur le marché des fruits doux et les prix ont particulièrement commencé à s’effondrer à partir du mois de juillet.

    17 À la mi-juillet 2014, selon un rapport de la Commission au groupe d’experts nationaux pour les pêches et les nectarines du 22 août 2014, des informations en provenance d’États membres et de parties intéressées ont commencé à parvenir à cette institution, faisant état d’une chute significative des prix à la...

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