Arrêts nº T-111/15 of Tribunal General de la Unión Europea, December 13, 2018

Resolution DateDecember 13, 2018
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-111/15

Aides d’État - Accords conclus par le syndicat mixte des aéroports de Charente avec Ryanair et sa filiale Airport Marketing Services - Services aéroportuaires - Services marketing - Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération - Notion d’aide d’État - Imputabilité à l’État - Chambre de commerce et d’industrie - Avantage - Critère de l’investisseur privé - Récupération - Article 41 de la charte des droits fondamentaux - Droit d’accès au dossier - Droit d’être entendu

Dans l’affaire T-111/15,

Ryanair DAC, anciennement Ryanair Ltd, établie à Dublin (Irlande),

Airport Marketing Services Ltd, établie à Dublin,

représentées par Mes G. Berrisch, E. Vahida, I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats, et M. B. Byrne, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2015/1226 de la Commission, du 23 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.33963 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la chambre de commerce et d’industrie d’Angoulême, de la SNC-Lavalin, de Ryanair et d’Airport Marketing Services (JO 2015, L 201, p. 48),

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas, D. Spielmann (rapporteur), Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt

  1. Antécédents du litige

    1. Mesures en cause

      1 Les requérantes, à savoir Ryanair DAC, anciennementRyanair Ltd, et Airport Marketing Services Ltd (ci-après « AMS »), sont, la première, une compagnie aérienne établie en Irlande, exploitant plus de 1 600 vols quotidiens reliant 189 destinations dans 30 pays de l’Europe et d’Afrique de Nord, et, la seconde, une filiale de Ryanair qui fournit, principalement en ligne, des solutions en matière de stratégie de marketing, la majeure partie de son activité consistant à vendre des espaces publicitaires sur le site Internet de Ryanair.

      2 L’aéroport d’Angoulême Brie Champniers (ci-après l’« aéroport d’Angoulême ») est situé dans le département de la Charente en France et exploité conjointement dans la période concernée par la chambre de commerce et d’industrie (CCI) d’Angoulême agissant en tant que gestionnaire (ci-après la « CCI-aéroport ») et le syndicat mixte des aéroports de Charente (ci-après le « SMAC »), ce dernier regroupant le département de la Charente, la communauté d’agglomération du Grand Angoulême, la communauté des communes de Braconne et Charente, la CCI d’Angoulême, la communauté de communes de Cognac et la CCI de Cognac. Par arrêté préfectoral du 22 décembre 2006, la propriété de l’aéroport d’Angoulême a été transférée de la République française au SMAC.

      3 À l’issue de la publication d’un appel à projets européen, le SMAC a conclu le 8 février 2008 un premier contrat avec Ryanair et un second contrat avec AMS (ci-après, pris ensemble, les « accords de 2008 »). Lesdits contrats avaient une durée initiale de cinq ans.

      4 En application du premier contrat, intitulé « Contrat de services aéroportuaires », Ryanair s’est engagée à assurer un programme de vol initial sur la ligne entre l’aéroport d’Angoulême et celui de Londres Stansted, trois fois par semaine pendant les mois d’été. [confidentiel] (1)Quant au SMAC, il a consenti à Ryanair certaines réductions sur les redevances aéronautiques par rapport à la tarification générale en vigueur dans ce dernier aéroport (redevance passager, redevance d’atterrissage et redevance d’assistance en escale).

      5 Par le second contrat, intitulé « Contrat de services marketing », AMS s’est engagée à fournir pendant les trois premières années des services qui consistaient dans des publicités sur le site Internet de Ryanair, en contrepartie d’un versement par le SMAC de 400 000 euros en 2008, de 300 000 euros en 2009 et de 225 000 euros en 2010.

      6 Ryanair a assuré la ligne entre l’aéroport d’Angoulême et celui de Londres Stansted pendant les saisons estivales des années 2008 et 2009. Estimant que la ligne était devenue non viable sur le plan économique, Ryanair a résilié les accords de 2008 et arrêté l’exploitation de ladite ligne en février 2010.

    2. Procédure administrative

      7 Le 26 janvier 2010, la Commission européenne a enregistré une plainte déposée par Air France à l’égard d’avantages que Ryanair aurait reçus dans plusieurs aéroports en France, dont celui d’Angoulême.

      8 Par lettre du 21 mars 2012, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard des mesures dont aurait bénéficié Ryanair relativement à l’aéroport d’Angoulême (ci-après la « décision d’ouverture »). Par la publication de cette décision au Journal officielde l’Union européenne le 25 mai 2012 (JO 2012, C 149, p. 29), elle a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur ces mesures.

      9 Les autorités françaises ont présenté des observations ainsi que des réponses aux questions évoquées par la Commission dans la décision d’ouverture et ultérieurement.

      10 Par lettres des 29 mai et 20 juillet 2012, le conseil de Ryanair a demandé, au titre de l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), que, avant d’adopter une décision définitive, la Commission l’informe des faits et des considérations sur lesquels elle avait l’intention de fonder sa décision, lui accorde un accès au dossier, notamment aux preuves sur lesquelles elle entendait fonder sa décision, et lui donne la possibilité de présenter son point de vue dans un délai raisonnable après la notification desdits faits et considérations. Par lettres des 19 juin et 4 octobre 2012, la Commission a rejeté ces demandes.

      11 Par lettres du 25 juin 2012, les requérantes ont déposé leurs observations sur la décision d’ouverture.Par plusieurs courriers ultérieurs, Ryanair a envoyé des observations supplémentaires. La Commission a transmis leurs observations aux autorités françaises, lesquelles n’ont pas formulé de commentaire.

      12 Par courriers des 24 février, 13 et 19 mars 2014, en conformité avec les lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes, publiées au Journal officiel le 4 avril 2014 (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 »), la Commission a invité les autorités françaises et les parties intéressées à présenter leurs observations sur l’application desdites lignes directrices notamment à l’égard des mesures concernant l’aéroport d’Angoulême et Ryanair. Le 19 mars 2014, les autorités françaises ont présenté des observations.

      13 Par ailleurs, la Commission a invité, par un avis publié le 15 avril 2014 au Journal officiel (JO 2014, C 113, p. 30), les États membres et les parties intéressées à soumettre leurs commentaires, y compris à l’égard des mesures concernant l’aéroport d’Angoulême, à la lumière de l’entrée en vigueur des lignes directrices de 2014.

      14 En réponse aux lettres des 24 février et 13 mars 2014 de la Commission, Ryanair a, par lettre du 2 mai 2014, présenté des observations sur l’application des lignes directrices de 2014 aux affaires d’aides d’État dans lesquelles elle était impliquée.Dans cette lettre, ellea également donné son point de vue sur ces lignes directrices.

    3. Décision attaquée

      15 Au terme de la procédure formelle d’examen, la Commission a adopté la décision (UE) 2015/1226, du 23 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.33963 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la CCI d’Angoulême, de la SNC-Lavalin, de Ryanair et de Airport Marketing Services (JO 2015, L 201, p. 48, ci-après la « décision attaquée »).

      16 Dans la décision attaquée, la Commission a procédé à une description détaillée des mesures en cause, consistant, d’une part, dans des soutiens financiers à l’aéroport d’Angoulême concernant les investissements dans l’infrastructure aéroportuaire, les coûts liés aux missions régaliennes et l’exploitation dudit aéroport (considérants 18 à 29) et, d’autre part, dans les accords de 2008 conclus par le SMAC avec Ryanair et AMS (considérants 32 à 42).

      17 La Commission a considéré que les mesures en faveur des exploitants de l’aéroport d’Angoulême constituaient des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lesquelles étaient néanmoins compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et de sa décision 2012/21/UE, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3) (considérants 170 à 293 de la décision attaquée).

      18 S’agissant des accords de 2008 conclus par le SMAC avec Ryanair et AMS, la Commission a considéré qu’ils leur octroyaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

      19 À cet égard, la Commission a estimé que la décision de conclure les accords de 2008 était imputable à la République française (considérants 297 et 298 de la décision attaquée). En outre, pour déterminer l’existence d’un avantage, elle a examiné si un opérateur en économie de marché hypothétique guidé par des perspectives de rentabilité et gérant l’aéroport d’Angoulême à la place du SMAC et de la CCI-aéroport aurait conclu lesdits accords.

      20 À cet égard, dans un premier temps, la Commission a estimé qu’il y avait lieu, premièrement, d’analyser conjointement les accords de 2008 comme une transaction unique (considérants 304 à 313 de la décision attaquée), deuxièmement, de prendre uniquement en considération le possible effet positif des prestations réalisées en exécution du...

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