Arrêts nº T-282/16 of Tribunal General de la Unión Europea, March 19, 2019

Resolution DateMarch 19, 2019
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-282/16

Aides d’État - Secteur postal - Compensation du coût net résultant des obligations de service universel - Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur - Recours en annulation - Intérêt à agir - Obligation de motivation - Égalité de traitement - Proportionnalité - Droit de propriété - Liberté d’entreprise

Dans les affaires jointes T-282/16 et T-283/16,

Inpost Paczkomaty sp. z o.o., établie à Cracovie (Pologne), représentée initialement par Me T. Proć, puis par Me M. Doktór, avocats,

partie requérante dans l’affaire T-282/16,

Inpost S.A., établie à Cracovie, représentée par Me W. Knopkiewicz, avocat,

partie requérante dans l’affaire T-283/16,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes K. Herrmann, K. Blanck et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie intervenante,

ayant pour objet des demandes fondées sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2015) 8236 final de la Commission, du 26 novembre 2015, par laquelle celle-ci n’a pas soulevé d’objections à l’égard de la mesure notifiée par les autorités polonaises relative à l’aide octroyée à Poczta Polska sous la forme d’une compensation du coût net résultant de l’accomplissement, par cette société, de ses obligations de service postal universel pour la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz, I. S. Forrester, Mme N. Półtorak et M. E. Perillo (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Guzdek, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 24 avril 2018,

rend le présent

Arrêt

  1. Antécédents du litige et principales dispositions de droit applicables

    1 Poczta Polska (ci-après « PP ») est une société anonyme polonaise dont l’unique actionnaire est le trésor public de la République de Pologne. À l’époque des faits, objet de la présente affaire, son activité couvrait, essentiellement, les services postaux universels ainsi que ceux de messagerie, services dont elle était alors le principal opérateur en Pologne.

    2 Conformément aux dispositions pertinentes du traité CE applicables au présent litige et concernant le développement du marché intérieur, les services en question relevaient, comme d’ailleurs encore aujourd’hui, d’une compétence législative partagée entre la Communauté européenne, aujourd’hui l’Union européenne, d’une part, et les États membres, d’autre part.

    3 Ainsi, pour ce qui est du droit de l’Union, les règles applicables ont été fixées par la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14), telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008, modifiant la directive 97/67 en ce qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté (JO 2008, L 52, p. 3) (ci-après la « directive postale »).

    4 En particulier, en ce qui concerne les implications qui, sur le plan financier, peuvent découler de la libéralisation de ce secteur de services dans le marché intérieur de l’Union, l’article 7, paragraphe 3, de la directive postale prévoit, encore à présent, que, lorsque les obligations de service universel donnent lieu à « une charge financière inéquitable » que le prestataire désigné de ce service devrait supporter à lui seul, l’État membre concerné peut introduire « un mécanisme de répartition du coût net des obligations de service universel entre les [différents] prestataires ».

    5 Selon l’article 7, paragraphe 4, de la directive postale, si un tel mécanisme est introduit, l’État membre intéressé peut alors « mettre en place un fonds de compensation qui peut être financé par une redevance imposée aux prestataires de[s] services [en question] ». En vertu de l’article 7, paragraphe 5, de la directive postale, lors de l’établissement dudit fonds de compensation et lors de la fixation du niveau des contributions financières visées aux paragraphes 3 et 4 dudit article, « les États membres veillent à ce que les principes de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité soient respectés ».

    6 Conformément au libellé de la partie B, deuxième alinéa, de l’annexe I de la directive postale, le coût net des obligations de service universel correspond à tout coût lié à la gestion de la fourniture du service universel. Ce coût est égal à « la différence entre le coût net supporté par un prestataire de [ce] service […] lorsqu’il est soumis aux obligations [prévues par la loi postale nationale] et celui qui est supporté par le même prestataire de services postaux lorsqu’il n’est pas soumis à ces obligations ».

    7 En Pologne, la directive postale a été transposée par l’ustawa Prawo pocztowe (loi postale), du 23 novembre 2012 (Dz. U. de 2012, position 1529) (ci-après la « loi postale polonaise »). Selon les termes de son article 2, les services relevant du service universel sont, dans ce pays, ceux comprenant les envois de lettres et de colis postaux ainsi que les envois pour les aveugles, qui ne sont pas effectués par l’opérateur désigné dans le cadre de ses obligations de service universel. Au titre du service postal universel, l’acheminement et la distribution de lettres et de colis postaux doivent être assurés chaque jour ouvrable et pas moins de cinq jours par semaine. Le poids des envois postaux concernés ne peut dépasser 2 000 grammes, celui des colis pouvant toutefois aller jusqu’à 10 000 grammes (articles 45 et 46 de la loi postale polonaise).

    8 Sur la base de la loi postale polonaise (article 178, paragraphe 1), la mise en œuvre de la réforme du service postal polonais a été confiée, dans un premier temps et pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2013, à PP, qui a été ainsi chargée d’assumer les obligations de prestataire du service postal universel sur l’ensemble du territoire polonais.

    9 Le cadre juridique de cette réforme ayant été ainsi établi, les autorités polonaises, en utilisant notamment les possibilités consenties par la directive postale (voir points 3 à 6 ci-dessus) ainsi que les dispositions pertinentes de la loi postale polonaise, ont alors notifié à la Commission européenne, le 10 juin 2014, un régime d’aide concernant, d’une part, un mécanisme de répartition du coût net des obligations de service universel et, d’autre part, la mise en place d’un fonds de compensation, complémentaire à l’établissement de ce mécanisme.

    10 Le fonds de compensation était financé, pour partie, par les contributions que les opérateurs postaux concernés étaient tenus de verser audit fonds ainsi que, pour partie, par le budget de l’État. En particulier, l’obligation de contribution prévue à l’article 108, paragraphe 2, de la loi postale polonaise visait les opérateurs postaux fournissant des services universels équivalents, dont les revenus annuels perçus à ce titre devaient néanmoins être supérieurs à 1 million de zlotys polonais (PLN). En tous les cas, le montant dû par chaque opérateur concerné ne pouvait pas dépasser, annuellement, le plafond de 2 % du montant des revenus provenant de ses prestations de service universel (ci-après le « pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution »).

    11 Prévu initialement pour couvrir la période allant de 2013 à 2026, ce mécanisme a été finalement limité, par une lettre que les autorités compétentes polonaises ont transmise à la Commission le 5 janvier 2015, à la période allant de 2013 à 2015 (ci-après le « régime national de compensation » ou la « mesure en cause »).

    12 Le 26 novembre 2015, la Commission a, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime national de compensation au motif qu’il s’agissait d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur (ci-après la « décision attaquée »). Selon la Commission, conformément aux critères énoncés aux sections 2.1 à 2.8 de sa communication relative à l’encadrement de l’Union applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (2011) (JO 2012, C 8, p. 15, ci-après l’« encadrement SIEG »), la mesure en cause n’est pas de nature à affecter les échanges commerciaux dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union. En outre, les principes de fonctionnement du fonds de compensation n’entraîneraient pas de graves distorsions de la concurrence et n’imposeraient donc pas d’exigences supplémentaires pour garantir que le développement des échanges ne soit pas affecté dans une mesure incompatible avec les intérêts de l’Union.

    13 Les requérantes sont, d’une part, Inpost Paczkomaty sp. z o.o. et, d’autre part, Inpost S.A. Ces sociétés font partie du groupe polonais Integer.pl S.A., qui, en vertu de l’article 2 de la loi postale polonaise, contribue au financement du fonds de compensation créé par ladite loi et permettant à PP de bénéficier des compensations correspondantes (voir point 9 ci-dessus).

  2. Procédure et conclusions des parties

    14 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 30 mai 2016, les requérantes ont introduit, respectivement, les recours enregistrés sous les références T-282/16 et T-283/16.

    15 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 septembre 2016, la République de Pologne a demandé à intervenir dans les présentes procédures au soutien des conclusions de la Commission.

    16 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 septembre 2016, la Commission a demandé la jonction des présentes affaires.

    17 Par décisions du 28 octobre 2016, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la République de Pologne.

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