Arrêts nº T-791/16 of Tribunal General de la Unión Europea, May 22, 2019

Resolution DateMay 22, 2019
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-791/16

Aides d’État - Aide octroyée par les autorités espagnoles en faveur d’un club de football professionnel - Règlement visant à compenser l’absence d’un transfert foncier initialement convenu entre une municipalité et un club de football - Montant excessif de la compensation accordée en faveur du club de football - Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur - Avantage

Dans l’affaire T-791/16,

Real Madrid Club de Fútbol, établi à Madrid (Espagne), représenté par Mes J. Pérez-Bustamante Köster et F. Löwhagen, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P.-J. Loewenthal, G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/2393 de la Commission, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.33754 (2013/C) (ex 2013/NN) accordée par l’Espagne au Real Madrid CF (JO 2016, L 358, p. 3),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le 20 décembre 1991, l’Ayuntamiento de Madrid (municipalité de Madrid, Espagne), la Gerencia Municipal de Urbanismo de cette municipalité (direction municipale d’urbanisme) et le requérant, Real Madrid Club de Fútbol, ont signé une convention relative à la rénovation du stade Santiago Bernabéu à Madrid (ci-après la « convention de 1991 »).

2 Le 29 novembre 1996, le requérant et la Comunidad autonoma de Madrid (communauté autonome de Madrid) ont signé une convention d’échange de terrains (ci-après la « convention de 1996 »).

3 Le 29 mai 1998, le requérant et la municipalité de Madrid ont signé une convention visant à exécuter l’échange prévu par la convention de 1996 (ci-après la « convention d’exécution de 1998 »). Aux termes de la convention d’exécution de 1998, il était prévu que le requérant cède certains terrains à ladite municipalité et que, en contrepartie, cette dernière cède au requérant des terrains pour un montant équivalant à ses obligations contractées à l’égard du requérant, à savoir la cession de parcelles dont la valeur avoisinait 13,5 millions d’euros. Il a été prévu que cette municipalité cèderait les parcelles situées dans la zone de Julián Camarillo Sur (parcelles 33 et 34) et la parcelle B-32 de Las Tablas à Madrid (ci-après la « parcelle B-32 »). Aux fins de cet échange, les services techniques de la même municipalité ont estimé la valeur de cette dernière parcelle à 595 194 euros.

4 Le 29 juillet 2011, le requérant et la municipalité de Madrid ont signé un accord dans le but de résoudre un différend d’ordre juridique les opposant, concernant la convention de 1991 et l’échange des biens immobiliers ayant fait l’objet de la convention de 1996 et de la convention d’exécution de 1998 (ci-après l’« accord transactionnel de 2011 »). Aux termes de cet accord, les parties ont reconnu l’impossibilité juridique de céder la parcelle B-32 en l’état actuel au requérant. Considérant impossible d’exécuter ses obligations prévues dans la convention d’exécution de 1998, ladite municipalité a décidé d’indemniser le requérant, en lui versant un montant correspondant à la valeur de ladite parcelle en 2011. Dans un rapport de 2011, les services techniques de cette municipalité de Madrid ont estimé cette valeur à 22 693 054,44 euros. Les parties sont convenues que l’indemnité serait réglée en remplaçant la cession de cette parcelle par la cession d’autres parcelles au requérant. Ces dernières parcelles ont été identifiées comme une propriété de 3 600 m2, divers terrains d’une superficie totale de 7 966 m2 et une zone de 3 035 m2 dont la valeur totale a été estimée à 19 972 348,96 euros. Les parties sont aussi convenues de compenser leurs dettes mutuelles. Le résultat a été un crédit net restant de 8,04 euros en faveur du requérant, dû par la même municipalité.

5 En vertu d’une convention d’urbanisme conclue en septembre 2011 entre la municipalité de Madrid et le requérant, ce dernier s’est engagé à restituer certains biens immobiliers. Dans le cadre de la transaction, ladite municipalité et la communauté autonome de Madrid ont modifié le plan général d’aménagement urbain de Madrid (ci-après le « PGOU »).

6 Informée en 2011 de l’existence d’aides d’État présumées en faveur du requérant, octroyées sous la forme d’une cession avantageuse de biens immobiliers, la Commission européenne a, le 20 décembre 2011, invité le Royaume d’Espagne à formuler des observations sur ces informations. Cet État membre a, le 23 décembre 2011 et le 20 février 2012, répondu à la demande de la Commission, qui a, le 2 avril 2012, transmis une nouvelle demande, à laquelle il a répondu le 18 juin 2012.

7 Par lettre du 18 décembre 2013, la Commission a notifié au Royaume d’Espagne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Elle est parvenue à la conclusion préliminaire que l’indemnisation accordée au requérant par la municipalité de Madrid en vertu de l’accord transactionnel de 2011 constituait une aide d’État en faveur du requérant au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle a invité le Royaume d’Espagne et les parties intéressées à fournir des informations pertinentes afin de déterminer si la cession de la parcelle B-32 au requérant était effectivement impossible en vertu de la convention d’exécution de 1998 pour ladite municipalité et d’étudier les conséquences potentielles de cette impossibilité au regard du droit espagnol. Elle a demandé des précisions sur la valeur des parcelles incluses dans l’accord transactionnel de 2011 et dans la convention d’urbanisme visée au point 5 ci-dessus. Le Royaume d’Espagne a, le 16 janvier 2014, présenté ses observations sur cette décision d’ouvrir la procédure.

8 Par décision (UE) 2016/2393, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.33754 (2013/C) (ex 2013/NN) accordée par l’Espagne au Real Madrid CF (JO 2016, L 358, p. 3, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a retenu, aux termes de l’article 1er de cette décision, que l’aide d’État d’un montant de 18 418 054,44 euros, octroyée illégalement par le Royaume d’Espagne au requérant le 29 juillet 2011 en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, n’était pas compatible avec le marché intérieur.

9 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’un opérateur en économie de marché, dans des circonstances similaires à celles dans lesquelles se trouvait la municipalité de Madrid, n’aurait pas signé l’accord transactionnel de 2011. Elle a estimé en premier lieu que, au vu des incertitudes juridiques existantes en 2011 concernant la question de savoir si ladite municipalité avait la responsabilité d’indemniser le requérant pour n’avoir pas pu lui céder la parcelle B-32 en vertu de la convention d’exécution de 1998, un opérateur en économie de marché se trouvant dans la même situation aurait commandé une expertise juridique avant de signer ledit accord, afin d’établir la probabilité qu’il soit effectivement tenu responsable d’un tel manquement. La Commission a précisé que cette municipalité n’avait pas procédé à une telle expertise. En second lieu, elle a considéré qu’un opérateur en économie de marché se trouvant dans une situation similaire à celle de la même municipalité n’aurait pas accepté de payer au requérant une indemnisation de 22 693 054,44 euros en vertu d’un tel accord, puisque ce montant excèderait largement son niveau maximal de responsabilité juridique découlant du non-respect de l’obligation de céder ladite parcelle.

10 La Commission a examiné, dans la décision attaquée, l’évaluation des terrains réalisée par les services techniques de la municipalité de Madrid, celle contenue dans un rapport du ministère des Finances espagnol de 2011, celle du rapport communiqué par le requérant et commandé à un cabinet de conseil immobilier (ci-après le « rapport du cabinet de conseil immobilier ») et celle du rapport commandé par la Commission au cabinet d’expertise immobilière (ci-après le « rapport du cabinet d’expertise immobilière »). Elle a notamment estimé que ce dernier rapport proposait une comparaison détaillée et minutieuse et a retenu la valeur de la parcelle B-32 en 2011 évaluée dans ce rapport à hauteur de 4 275 000 euros.

Procédure et conclusions des parties

11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2016, le requérant a introduit le présent recours et conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours recevable ;

- annuler, dans son intégralité, la décision attaquée ;

- condamner la Commission aux dépens.

12 La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 2 mars 2017 et conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme non fondé ;

- condamner le requérant aux dépens.

13 Le requérant a déposé au greffe du Tribunal la réplique le 25 avril 2017 et la Commission la duplique le 6 juin 2017.

14 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre par écrit. Les parties ont répondu à ces questions dans les délais impartis.

15 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 septembre 2018.

En droit

Sur les demandes d’audition de témoins et de communication de pièces

16 Dans la requête, le requérant formule une demande d’audition des auteurs du rapport du cabinet de conseil immobilier, en invoquant les articles 85, 88 et 91, sous d), du règlement de procédure, aux fins d’obtenir les observations de ces personnes sur la...

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