Arrêts nº T-20/17 of Tribunal General de la Unión Europea, June 27, 2019

Resolution DateJune 27, 2019
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-20/17

Dans l’affaire T-20/17,

Hongrie, représentée par MM. M.-Z. Fehér, G. Koós et Mme E.-Zs. Tóth, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

République de Pologne, représentée par MM. B. Majczyna, M. Rzotkiewicz et Mme A. Kramarczyk-Szaładzińska, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et P.-J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2017/329 de la Commission, du 4 novembre 2016, concernant la mesure SA.39235 (2015/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par la Hongrie dans le domaine de la taxation des recettes publicitaires (JO 2017, L 49, p. 36),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et R. da Silva Passos, juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le 11 juin 2014, l’Assemblée nationale de Hongrie a adopté la loi n° XXII de 2014, relative à la taxe sur la publicité (ci-après la « loi relative à la taxe sur la publicité »). Celle-ci est entrée en vigueur le 15 août 2014 et a instauré une nouvelle taxe spéciale, progressive par tranches, sur les recettes liées à la diffusion de publicités en Hongrie (ci-après la « taxe sur la publicité »), prélevée en complément de la fiscalité existante pesant sur les entreprises, notamment de l’impôt sur les sociétés. Au cours de l’examen de la loi relative à la taxe sur la publicité effectué par la Commission européenne au titre du contrôle des aides d’État, les autorités hongroises ont affirmé que cette taxe visait à soutenir le principe de la proportionnalité fiscale.

2 Selon la loi relative à la taxe sur la publicité, quiconque diffuse de la publicité est assujetti à la taxe sur la publicité. Sont ainsi assujettis ceux qui rendent les publicités publiques (journaux, médias audiovisuels, afficheurs), mais non les annonceurs (pour qui la publicité est faite) ni les agences de publicité qui sont des intermédiaires entre les annonceurs et les diffuseurs. La base d’imposition de la taxe est le chiffre d’affaires net d’un exercice annuel généré par la diffusion de publicités. Le champ d’application territorial de la taxe couvre le territoire de la Hongrie.

3 Le barème de taux progressifs était défini comme suit :

- 0 % pour la tranche de base d’imposition ne dépassant pas 0,5 milliard de forints hongrois (HUF) (environ 1 562 000 euros) ;

- 1 % pour la tranche de base d’imposition allant de 0,5 milliards de HUF à 5 milliards de HUF (environ 15 620 000 euros) ;

- 10 % pour la tranche de base d’imposition allant de 5 milliards de HUF à 10 milliards de HUF (environ 31 240 000 euros) ;

- 20 % pour la tranche de base d’imposition allant de 10 milliards de HUF à 15 milliards de HUF (environ 47 000 000 euros) ;

- 30 % pour la tranche de base d’imposition allant de 15 milliards de HUF à 20 milliards de HUF (environ 62 500 000 euros) ;

- 40 % pour la tranche de base d’imposition à partir de 20 milliards de HUF (environ 94 000 000 euros) (Ce dernier taux a été porté à 50 % à partir du 1er janvier 2015).

4 Les assujettis dont le bénéfice avant impôt de l’exercice 2013 était nul ou négatif pouvaient déduire de leur base d’imposition de 2014 50 % des pertes reportées des exercices précédents.

5 Par décision du 12 mars 2015, après des échanges de courriers avec les autorités hongroises, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen en matière d’aides d’État prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard de la loi relative à la taxe sur la publicité, estimant que le caractère progressif du taux d’imposition et les dispositions relatives à la déduction des pertes reportées de la base imposable engendraient des aides d’État. Dans cette décision, la Commission a estimé que le taux d’imposition progressif établissait une distinction entre les entreprises ayant des recettes publicitaires élevées (c’est-à-dire les entreprises de grande taille) et celles ayant des recettes publicitaires faibles (c’est-à-dire les entreprises de petite taille) et que, ce faisant, un avantage sélectif était accordé à ces dernières sur la base de leur taille. La Commission a également estimé que la déductibilité de 50 % des pertes pour les entreprises n’ayant pas généré de bénéfices en 2013 accordait un avantage sélectif constitutif d’une aide d’État.

6 Dans le cadre de la même décision, la Commission a émis une injonction de suspension à l’égard de la mesure en cause sur le fondement de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

7 Par la suite, la Hongrie a modifié la taxe sur la publicité de sa propre initiative, sans notification préalable à la Commission ni autorisation de celle-ci, par la loi n° LXII de 2015, adoptée le 4 juin 2015, remplaçant le barème à taux progressifs composé de six taux allant de 0 à 50 % par le barème suivant, composé de deux taux d’imposition : ]

- 0 % pour la tranche de base d’imposition inférieure à 100 millions de HUF (environ 312 000 euros) ;

- 5,3 % pour la tranche de base d’imposition à partir de 100 millions de HUF.

8 La loi n° LXII de 2015 a également introduit la possibilité d’une application rétroactive de ses dispositions depuis l’entrée en vigueur de la loi relative à la taxe sur la publicité en 2014. Ainsi, l’assujetti pouvait décider s’il souhaitait faire appliquer l’ancien ou le nouveau barème pour son chiffre d’affaires de l’exercice fiscal précédent.

9 La Commission a clos la procédure formelle d’examen par la décision (UE) 2017/329, du 4 novembre 2016, concernant la mesure SA.39235 (2015/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par la Hongrie dans le domaine de la taxation des recettes publicitaires (JO 2017, L 49, p. 36, ci-après la « décision attaquée »). À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a conclu que le régime fiscal composé de taux progressifs et de dispositions prévoyant une réduction du montant de l’obligation fiscale sous forme de déduction de pertes reportées pour les entreprises n’ayant pas généré de bénéfices en 2013, établi par la loi n° XXII de 2014 relative à la taxe sur la publicité, y compris dans sa version résultant de sa modification du 4 juin 2015, constituait une aide d’État, introduite par la Hongrie de manière illégale, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de plus incompatible avec le marché intérieur au regard de l’article 107 TFUE.

10 Aux articles 2 et 3 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins indiqué que certaines aides individuelles octroyées en vertu de ce régime, sous réserve de respecter différentes conditions, ne constituaient pas des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur.

11 À l’article 4 de la décision attaquée, la Commission a ordonné à la Hongrie de récupérer auprès des bénéficiaires les aides déclarées incompatibles avec le marché intérieur.

12 À cet égard, les autorités hongroises devaient récupérer auprès des entreprises ayant eu des recettes publicitaires au cours de la période allant de l’entrée en vigueur de la taxe sur la publicité en 2014 à, soit la suppression de la taxe, soit son remplacement par un régime entièrement compatible avec les règles relatives aux aides d’État, la différence entre : le montant (1) de la taxe dont elles auraient dû s’acquitter en application d’un régime de référence compatible avec les règles relatives aux aides d’État (un régime d’imposition à taux unique, fixé à 5,3 % sauf choix d’une autre valeur par les autorités hongroises, sans déduction des pertes reportées), et le montant (2) de la taxe dont les entreprises s’étaient déjà acquittées ou qu’elles devaient acquitter. Ainsi, dans l’éventualité où la différence entre le montant (1) et le montant (2) aurait présenté une valeur positive, le montant de l’aide devait être récupéré, majoré d’intérêts calculés à partir de la date d’échéance de la taxe. La Commission a cependant indiqué que la récupération ne serait pas nécessaire si la Hongrie supprimait le régime fiscal en cause avec effet rétroactif depuis la date de son entrée en vigueur en 2014. Cela ne devait pas empêcher la Hongrie d’introduire par la suite, par exemple à partir de 2017, un régime fiscal non progressif n’introduisant pas de différenciation entre les opérateurs économiques assujettis.

13 En substance, dans la décision attaquée, la Commission a pour l’essentiel justifié la qualification d’aide d’État du régime en cause de la façon suivante, au regard de la définition figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

14 Tout d’abord, quant à l’imputabilité de la mesure en cause à l’État et à son financement par des ressources d’État, la Commission a estimé que, du fait de l’adoption de la loi relative à la taxe sur la publicité par le Parlement hongrois, la Hongrie a renoncé à des ressources qu’elle aurait dû percevoir auprès des entreprises ayant un chiffre d’affaires moins élevé (c’est-à-dire des entreprises plus petites) si elles avaient été soumises à la même obligation fiscale que les entreprises ayant un chiffre d’affaires plus élevé (c’est-à-dire les entreprises plus grandes).

15 Quant à l’existence d’un avantage, la Commission a rappelé que des mesures qui allégeaient les charges normalement supportées par les entreprises apportaient, tout comme les prestations positives, un avantage. En l’occurrence, la taxation à un taux considérablement inférieur aurait allégé les charges des entreprises ayant un chiffre d’affaires modeste par rapport aux charges des entreprises dont le chiffre d’affaires est élevé et aurait fourni ainsi un avantage aux petites entreprises par rapport aux entreprises plus grandes. La Commission a ajouté que la possibilité offerte par la loi relative à la taxe sur la publicité aux...

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