Arrêts nº T-730/18 of Tribunal General de la Unión Europea, October 03, 2019

Resolution DateOctober 03, 2019
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-730/18

Fonction publique - Fonctionnaires - Article 24 du statut - Demande d’assistance - Article 12 bis du statut - Harcèlement moral - Portée du devoir d’assistance - Mesure d’éloignement - Durée de la procédure administrative - Responsabilité - Préjudice moral

Dans l’affaire T-730/18,

DQ, et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me M. Casado García-Hirschfeld, avocate,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par Mme E. Taneva et M. T. Lazian, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi du fait, essentiellement, du traitement inapproprié de leur demande d’assistance visant des faits de harcèlement moral imputés à leur supérieur hiérarchique,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. V. Valančius, faisant fonction de président, P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

  1. Antécédents du litige

    1 Les requérants, DQ et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, sont des fonctionnaires du Parlement européen affectés à l’unité [confidentiel] (2) (ci-après l’« unité ») de la direction [confidentiel] de la direction générale (DG) « [confidentiel] » (ci-après la « direction générale »).

    2 Au cours de l’année 2013, les requérants ainsi que deux autres de leurs collègues ont signalé au directeur de la direction [confidentiel] (ci-après le « directeur ») et au directeur général de la direction générale (ci-après le « directeur général »), supérieurs hiérarchiques du chef de l’unité (ci-après le « chef de l’unité »), des comportements inappropriés de la part de ce dernier.

    3 Plus particulièrement, dans une lettre datée du 11 novembre 2013 et adressée au directeur général, les requérants ainsi que deux autres de leurs collègues, s’estimant soucieux de la santé de leur supérieur hiérarchique ainsi que de la cohésion et du professionnalisme de l’unité, demandaient à ce que le test de langue auquel devait participer le chef de l’unité soit ajourné (ci-après la « lettre du 11 novembre 2013 »). Selon eux, les membres du jury de ce test avaient été menacés par le chef de l’unité sur toute perspective d’échec à ce test. En l’occurrence, le chef de l’unité aurait menacé de se suicider ou d’adopter des mesures de représailles en cas d’échec. Les requérants ainsi que deux autres de leurs collègues faisaient également référence, dans la lettre du 11 novembre 2013, au fait que l’un des médecins-conseils du service médical aurait, dans une note qui aurait été ultérieurement remise au directeur, fait un inventaire des différents comportements du chef de l’unité qui avaient été décrits, de manière concordante, par certains membres du personnel de l’unité lors de leurs visites au service médical au cours du mois d’octobre 2013. Les requérants faisaient ainsi part, à l’adresse du directeur général, de leurs graves préoccupations au sujet de la conduite professionnelle et sociale du chef de l’unité.

    4 Par courriel du 18 novembre 2013, le directeur général a annoncé aux requérants qu’il avait demandé au directeur, d’une part, d’enquêter, au sein de la direction générale, sur les faits dont ils l’avaient informé et, d’autre part, d’informer le chef de l’unité du report du test de langue auquel ce dernier devait participer.

    5 Par courriel du 5 décembre 2013, les requérants ont demandé au directeur de cesser d’interroger individuellement les membres de l’unité et de considérer leur démarche comme étant collective, ce qui impliquait de les rencontrer en groupe. En réponse, le directeur a expliqué que, selon son expérience, les membres de l’unité seraient davantage disposés à parler franchement dans le cadre d’une conversation privée plutôt que dans une rencontre en groupe et que c’était pour cette raison qu’il avait privilégié des entretiens individuels. Estimant qu’il avait désormais une image correcte de la situation grâce aux entretiens qu’il avait menés individuellement, il a indiqué aux requérants, tout en regrettant de ne pas avoir été informé plus tôt de ces problèmes relationnels au sein de l’unité, qu’une réunion avec l’ensemble du personnel de l’unité serait à ce stade prématurée et qu’il n’entendait convoquer une telle réunion que lorsque l’atmosphère serait plus appropriée.

    1. Sur la demande d’assistance et les mesures adoptées par l’AIPN

      6 Le 24 janvier 2014 et par l’intermédiaire d’un avocat, les requérants ainsi que deux autres de leurs collègues ont, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), introduit une demande d’assistance, au sens de l’article 24 du statut, concernant des faits allégués de harcèlement moral et sexuel du chef de l’unité contraires à l’article 12 bis dudit statut (ci-après la « demande d’assistance »), et ce auprès du secrétaire général du Parlement, lequel, avec le directeur général de la DG « Personnel », est responsable au sein de cette institution du traitement de telles demandes d’assistance.

      7 Dans leur demande d’assistance, les requérants ainsi que deux autres de leurs collègues priaient le secrétaire général de suspendre immédiatement le chef de l’unité de ses fonctions en application de l’article 23 de l’annexe IX du statut ; de suspendre la procédure de notation les concernant pour l’exercice de notation portant sur leurs prestations professionnelles de 2013 (ci-après l’« exercice de notation 2014 ») ; d’ouvrir une enquête administrative et de prendre en charge les dépens de leur conseil.

      8 Le 28 janvier 2014, les requérants ainsi que deux autres de leurs collègues ont interpellé le directeur de la gestion administrative du personnel du Parlement sur leurs craintes concernant la tenue d’une réunion de service, prévue le lendemain en présence du chef de l’unité, en raison de l’introduction de la demande d’assistance. Par courriel du même jour, ils ont été informés que deux personnes, « envoyées par la direction générale », seraient présentes à cette réunion de service.

      9 À cet égard, les requérants auraient été surpris de découvrir que ces deux personnes étaient, d’une part, le directeur alors que celui-ci aurait été nommément visé dans la demande d’assistance et, d’autre part, le conseiller juridique du directeur général alors que ce dernier aurait également été visé dans ladite demande.

      10 Selon les requérants, lors de la réunion du 29 janvier 2014, après avoir vanté les mérites du travail du chef de l’unité, le directeur aurait, après le départ du chef de l’unité, évoqué l’existence de la demande d’assistance, tout en indiquant en ignorer le contenu et en demandant aux requérants de lui parler à cœur ouvert. Il leur aurait en effet dit : « Open your hearts and tell me what is on your liver » (Ouvrez-vous et dites-moi ce que vous avez sur le cœur). Il aurait également suggéré aux requérants de s’adresser au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail. Ceux-ci auraient demandé au directeur si cet entretien revêtait une nature officielle, car, dans l’affirmative, ils auraient demandé la présence de leur conseil, lequel se tenait à l’extérieur de la salle. Le directeur aurait répondu qu’il s’agissait d’une réunion interne, excluant que le conseil puisse y participer. Dans la requête, les requérants indiquent qu’ils ont perçu cette rencontre avec le directeur comme une nouvelle tentative d’intimidation, une mise à l’épreuve déloyale de leur cohésion et une atteinte à leur dignité humaine.

      11 Par lettre du 10 février 2014, le conseil des requérants s’est plaint du traitement de la demande d’assistance en se référant tant à la réunion du 29 janvier 2014, au cours de laquelle le directeur aurait eu des propos déplacés, qu’à une rencontre, deux jours plus tard, entre le chef de l’unité et l’un des membres du jury du test de langue. Il réitérait dans ce contexte l’importance d’ouvrir l’enquête administrative et d’adopter des mesures préventives dans les plus brefs délais.

      12 Par lettre du 17 février 2014, le directeur général de la DG « Personnel » a informé les requérants des mesures provisoires que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du Parlement avait déjà adoptées en réponse à la demande d’assistance. L’AIPN avait ainsi décidé de confier la gestion de l’unité au chef d’une autre unité et annonçait qu’elle désignerait, en remplacement du chef de l’unité, une autre personne amenée à être premier notateur des requérants pour l’exercice de notation 2014 et, enfin, qu’elle ouvrirait une enquête administrative dans les meilleurs délais.

      13 Le 4 mars 2014, le directeur a informé les requérants que le secrétaire général avait décidé de le désigner comme leur premier notateur tandis qu’un autre directeur devait jouer le rôle de notateur d’appel.

      14 Le 11 avril 2014, les requérants ont été informés de l’ouverture d’une enquête administrative concernant l’unité et de leur convocation à une audition prévue le 15 avril suivant.

      15 Le 21 mai 2014, les requérants ont, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision de l’AIPN de désigner le directeur comme étant leur premier notateur pour l’exercice de notation 2014, tout en demandant la suspension de cet exercice de notation ainsi que la suspension du chef de l’unité de ses fonctions et l’adoption de mesures de nature à garantir leur sécurité sur leur lieu de travail et la confidentialité dans le traitement de la demande d’assistance.

      16 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 22 mai 2014 et enregistrée sous le numéro F-49/14, les requérants ainsi qu’un des deux autres de leurs collègues ont notamment demandé à cette juridiction d’annuler la décision de l’AIPN de désigner le directeur comme leur premier notateur, de...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT