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JurisdictionEuropean Union
CourtGeneral Court (European Union)
Date11 March 1999
Celex Number61994TJ0156_EXT
61994TJ0156_FR

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Parties

Dans l'affaire T-156/94,

Siderúrgica Aristrain Madrid, SL, société de droit espagnol, établie à Madrid, représentée initialement par Mes Antonio Creus et Xavier Ruiz Calzado, puis par Mes Creus et Natalia Lacalle, avocats au barreau de Barcelone, cabinet Cuatrecasas, avenue d'Auderghem 78, Bruxelles,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, Francisco Enrique González Díaz, membres du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, Julian Currall, et Guy Charrier, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, en qualité d'agents, assistés de Me Ricardo García Vicente, avocat au barreau de Madrid, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(deuxième chambre élargie),

composé de MM. C. W. Bellamy, faisant fonction de président, A. Potocki et J. Pirrung, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale des 23, 24, 25, 26 et 27 mars 1998,

rend le présent

Arrêt (1)

Motifs de l'arrêt

Faits à l'origine du recours

A - Observations liminaires

1 Le présent recours tend à l'annulation de la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1, ci-après «Décision»), par laquelle elle a constaté la participation de 17 entreprises sidérurgiques européennes et d'une de leurs associations professionnelles à une série d'accords, de décisions et de pratiques concertées de fixation des prix, de répartition des marchés et d'échange d'informations confidentielles sur le marché communautaire des poutrelles, en violation de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA, et a infligé des amendes à quatorze entreprises de ce secteur pour des infractions commises entre le 1er juillet 1988 et le 31 décembre 1990.

2 D'après la Décision, la requérante Siderúrgica Aristrain Madrid, SL (ci-après «Aristrain Madrid»), anciennement connue sous le nom de José Maria Aristrain Madrid, SA, et Siderúrgica Aristrain Olaberría, SL (ci-après «Aristrain Olaberría»), anciennement connue sous le nom de José Maria Aristrain, SA, sont des sociétés soeurs appartenant au groupe sidérurgique Aristrain (ci-après «Aristrain»), dont le capital est détenu par la famille Aristrain.

[...]

D - Décision

3 La Décision a été notifiée à la requérante sous couvert d'une lettre de M. Van Miert datée du 28 février 1994 (ci-après «lettre»). La requérante en a accusé réception le 7 mars 1994.

4 Bien que la Commission ait, dans la motivation de la Décision, estimé que deux sociétés appartenant au groupe Aristrain, à savoir Aristrain Madrid et Aristrain Olaberría, avaient participé aux infractions en cause, seule Aristrain Madrid est destinataire de la Décision, qui comporte le dispositif suivant:

«Article premier

Les entreprises suivantes ont pris part, dans la mesure décrite dans la présente décision, aux pratiques anticoncurrentielles indiquées sous leur nom, qui empêchaient, restreignaient et faussaient le jeu normal de la concurrence dans le marché commun. Lorsque des amendes sont infligées, la durée de l'infraction est indiquée en mois, sauf dans le cas de l'harmonisation des suppléments, où la participation à l'infraction est indiquée par `X'.

[...]

Aristrain

a) Échange d'informations confidentielles par l'intermédiaire de la commission poutrelles (24)

b) Fixation des prix à la commission poutrelles (24)

c) Répartition des marchés, British Steel, Ensidesa et Aristrain (8)

h) Harmonisation des suppléments (X)

[...]

Article 4

Pour les infractions décrites à l'article 1er commises après le 30 juin 1988 (après le 31 décembre 1989 dans le cas d'Aristrain et d'Ensidesa) (2), les amendes suivantes sont infligées:

[...]

Siderúrgica Aristrain Madrid, SL 10 600 000 écus

[...]

[...]

Article 6

Sont destinataires de la présente décision:

[...]

* Siderúrgica Aristrain Madrid, SL

[...]»

[...]

Sur la demande tendant à l'annulation de l'article 1er de la Décision

[...]

A - Sur la violation des droits procéduraux de la partie requérante

Sur la violation du droit à un tribunal impartial

Résumé sommaire de l'argumentation de la partie requérante

5 La requérante fait valoir que la Décision a été adoptée en violation du droit fondamental à un tribunal indépendant et impartial. Ce droit, qui trouverait son origine dans le principe du «procès équitable», serait consacré par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après «CEDH») et, plus généralement, par les traditions constitutionnelles communes aux États membres, auxquelles renvoie l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, en tant que principe général du droit communautaire.

6 La violation de ce droit résulterait essentiellement de ce que la procédure menée par la Commission n'attribue pas à des organes ou personnes différents les fonctions d'instruction et de décision, alors même que les dispositions du traité ne prévoient pas de recours de pleine juridiction, de la nature de celui exigé par la CEDH, contre les décisions de la Commission.

7 La requérante commence par écarter l'objection selon laquelle la Commission ne serait pas un «tribunal» au sens littéral de l'article 6 de la CEDH et n'aurait pas, dans cette mesure, à se conformer aux exigences de cet article, ainsi que la Cour l'a affirmé dans ses arrêts des 19 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission (209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125), et 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, ci-après «arrêt Pioneer»).

8 Il conviendrait, en effet, d'opter pour une conception «matérielle», et non «formelle», de la notion d'«accusation» visée audit article, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après «Cour européenne») [arrêts Deweer/Belgique du 27 février 1980 (n_ 35, série A, p. 23 et 24), Öztürk/Allemagne du 21 février 1984 (n_ 73, série A), Engel e.a./Pays-Bas du 8 juin 1984 (n_ 22, série A), Campbell et Fell/Royaume-Uni du 28 juin 1984 (n_ 80, série A), et Funke, Crémieux et Miailhe/France du 25 février 1993 (nos 256-A à C, série A)]. Ainsi, le fait que les sanctions prévues par les traités CECA et CE ne soient pas formellement qualifiées de pénales par le droit «interne» - en l'occurrence le droit communautaire - n'exclurait pas qu'elles présentent une telle nature sur le plan matériel, au regard de la CEDH.

9 La requérante fait ainsi valoir que les décisions de la Commission européenne des droits de l'homme (ci-après «Commission européenne») dans les affaires SA Stenuit/France (requête n_ 15598/85, déc. 11.7.89, D.R 61, p. 125 à 131, § 62) et M. & Co./Allemagne (requête n_ 13258/87, déc. 9.2.90, D.R. 64, p. 146 à 153) ont reconnu que les sanctions administratives en droit de la concurrence relevaient de la matière pénale, en tenant compte, d'une part, de l'objectif d'intérêt général des dispositions en cause et, d'autre part, de la nature et de la sévérité de l'amende administrative imposée.

10 En l'espèce, les amendes imposées par la Commission au titre de l'article 65 du traité constitueraient l'un des instruments de la réalisation des objectifs dudit traité et, notamment, de l'établissement d'un marché commun. Elles seraient également de nature dissuasive et répressive, comme en témoignerait le communiqué de presse publié par la Commission le 16 février 1994. Enfin, elles seraient d'un montant particulièrement élevé puisque la somme de 10,6 millions d'écus représenterait 11,9 % du chiffre d'affaires de la requérante, alors que dans l'affaire SA Stenuit/France, précitée, la Commission européenne a considéré qu'une amende pouvant atteindre 5 % du chiffre d'affaires annuel des entreprises contrevenantes montrait «très clairement que la sanction en question avait pour objet d'être dissuasive» (au point 62 de la décision précitée). Ces amendes présenteraient ainsi le caractère d'une sanction pénale au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, dont les garanties seraient dès lors applicables aux procédures conduisant à leur imposition.

11 Se fondant ensuite sur les arrêts de la Cour européenne Piersack/Belgique du 1er octobre 1982 (n_ 53, série A), Albert et Le Compte/Belgique du 10 février 1983 (n_ 58, série A), De Cubber/Belgique du 26 octobre 1984 (n_ 86, série A), Hauschildt/Danemark du 24 mai 1989 (n_ 154, série A), la requérante expose que, dans les affaires à caractère «pénal» impliquant l'intervention d'un organe administratif, les systèmes procéduraux conformes à l'article 6 de la CEDH sont soit ceux dans lesquels la phase de l'instruction est séparée de celle de la décision, soit, à tout le moins, ceux prévoyant un contrôle ultérieur par un tribunal ayant pleine juridiction sur toutes les questions de fait et de droit ainsi que sur le pouvoir discrétionnaire de l'organe administratif concerné (voir également l'arrêt de la Cour européenne Obermeier/Autriche du 28 juin 1990, n_ 179, série A).

12 Or, la Commission aurait adopté la Décision en assumant...

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