Deutsche Post AG v Gesellschaft für Zahlungssysteme mbH GZS) (C-147/97) and Citicorp Kartenservice GmbH (C-148/97).

JurisdictionEuropean Union
Date01 June 1999
CourtCourt of Justice (European Union)
EUR-Lex - 61997C0147 - FR 61997C0147

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 1er juin 1999. - Deutsche Post AG contre Gesellschaft für Zahlungssysteme mbH GZS) (C-147/97) et Citicorp Kartenservice GmbH (C-148/97). - Demande de décision préjudicielle: Oberlandesgericht Frankfurt am Main - Allemagne. - Entreprise publique - Service des postes - Repostage incorporel. - Affaires jointes C-147/97 et C-148/97.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-00825


Conclusions de l'avocat général

I - Les questions préjudicielles et le cadre normatif et factuel des affaires au principal

1 Par ordonnances du 25 mars 1997, parvenues au greffe de la Cour le 17 avril suivant, l'Oberlandesgericht Frankfurt am Main a demandé à la Cour les éléments interprétatifs nécessaires pour apprécier la compatibilité avec le traité d'une mesure nationale qui autorise l'opérateur postal public (ci-après l'«OPP») à appliquer les tarifs nationaux, ou à refuser de fournir le service, pour la distribution de courrier provenant de l'étranger qui a fait l'objet de ce que l'on appelle un repostage incorporel (non-physical remailing) de type ABA (1). Les questions préjudicielles soulevées par le juge a quo sont les suivantes:

A) Dans les affaires C-147/97 et C-148/97:

«1) Faut-il interpréter l'article 90 du traité CE [devenu article 86 CE] en ce sens qu'une loi d'approbation portant sur les conventions de l'Union postale universelle du 14 décembre 1989, dans la mesure où elle accorde au service postal de l'État membre A le droit d'exiger des taxes intérieures pour la distribution d'envois de la poste aux lettres déposés dans l'État membre B ou de refuser la distribution en l'absence de paiement des taxes intérieures lorsque le contenu des courriers est établi par une entreprise de l'État membre A et communiqué par voie informatique à une entreprise ayant son siège dans l'État membre B en vue de l'impression, de la confection et du dépôt des envois auprès du service postal dans cet État, constitue une mesure étatique, par laquelle, en violation de l'article 90, paragraphe 1, du traité CE, a été édictée une mesure contraire aux règles de l'article 86 du traité CE [devenu article 82 CE], ne relevant pas de l'exception prévue à l'article 90, paragraphe 2, du traité CE?

2) Faut-il interpréter les articles 30 [devenu, après modification, article 28 CE] et suivants, ainsi que les articles 59 [devenu, après modification, article 49 CE] et suivants du traité CE en ce sens que le droit du service postal de l'État membre A de réclamer des taxes intérieures pour la distribution à des destinataires domiciliés dans l'État membre A d'envois de la poste aux lettres déposés dans l'État membre B ou de refuser la distribution en l'absence de paiement des taxes intérieures est contraire à la garantie de la libre circulation des marchandises lorsque le contenu des courriers est établi par une entreprise dans l'État membre A et communiqué par voie informatique à une entreprise ayant son siège dans l'État membre B en vue de l'impression, de la confection et du dépôt des envois auprès du service postal de cet État?

3) Dans l'hypothèse où la réponse aux questions précédentes révélerait une violation du droit communautaire au seul motif que le service postal de l'État membre A perçoit ou peut, par le refus de distribution, obtenir de force des taxes intérieures en sus des taxes postales versées dans l'État membre B ou en sus des frais terminaux perçus conformément à la Convention postale universelle et/ou de l'accord CEPT:

Faut-il interpréter l'article 5, deuxième alinéa, du traité CE [devenu article 10, deuxième alinéa, CE] en ce sens qu'une loi d'approbation de l'État membre A portant sur les conventions de l'Union postale universelle du 14 décembre 1989 est inapplicable dans sa totalité ou seulement dans la mesure où le versement de taxes intérieures en sus des frais postaux versés dans l'État membre B et/ou en sus des frais terminaux perçus conformément à la Convention postale universelle ou de l'accord CEPT est réclamé ou peut, par le refus de distribution, être obtenu de force?»

B) Dans la seule affaire C-148/97:

«4) La réponse aux questions préjudicielles 1 à 3 est-elle différente lorsque l'entreprise ayant son siège dans l'État membre B, chargée de l'impression, de la confection et du dépôt des envois auprès du service postal dans cet État est liée au même groupe que l'entreprise de l'État membre A, laquelle détermine le contenu de la communication?

5) La réponse aux questions préjudicielles 1 à 3 dépend-elle du fait que l'entreprise ayant son siège dans l'État membre B, chargée de l'impression, de la confection et du dépôt des envois auprès du service postal dans cet État, travaille uniquement pour l'entreprise qui détermine le contenu de la communication, dans l'État membre A, ou travaille aussi pour plusieurs autres donneurs d'ouvrages similaires?»

2 L'identité partielle des questions préjudicielles soulevées par le juge a quo dans les deux affaires au principal reflète le fait que leur cadre factuel et normatif est analogue en substance. Gesellschaft für Zahlungssysteme mbH (GZS) (ci-après «GZS»), la partie défenderesse dans l'affaire C-147/97, est le principal opérateur dans le traitement des données concernant les transactions effectuées avec les cartes de crédit Eurocard émises en Allemagne. GZS, dont les associés sont des établissements de crédit qui émettent sous licence lesdites cartes de crédit, établit pour les quelque 7 millions de titulaires de ces cartes de crédit ainsi que pour les entreprises partenaires des décomptes mensuels qui sont expédiés par la poste. Depuis 1995, GZS fournit, par voie informatique, les données nécessaires à l'établissement de ces décomptes à un prestataire de services établi au Danemark. C'est là que les décomptes sont rassemblés, imprimés, mis sous enveloppe et ensuite déposés à la poste danoise qui les transmet à la Deutsche Post AG (ci-après «DP») en vue de leur acheminement ultérieur en Allemagne et de leur distribution aux destinataires qui résident dans ce dernier pays. Pour les lettres envoyées à des destinataires résidant en Allemagne, le service postal danois encaisse le tarif postal ordinaire en vigueur au Danemark pour les envois à l'étranger, port qui est inférieur au tarif en vigueur en Allemagne pour les envois internes, et paie à la demanderesse les «frais terminaux» fixés dans le cadre de la convention de l'Union postale universelle (ci-après l'«UPU»).

3 Citicorp Kartenservice GmbH (ci-après «CKG»), la partie défenderesse dans l'affaire C-148/97, est une entreprise du groupe Citibank qui s'occupe de la gestion des cartes de crédit Citibank-Visa et Diners, émises respectivement par les sociétés associées Citibank Privatkunden AG et Diners Deutschland GmbH. CKG avance que jusqu'au 30 juin 1995 le traitement des données concernant les débits et les crédits sur les comptes courants des utilisateurs des cartes émises en Allemagne était effectué dans son centre de calcul de Francfort. Les données élaborées étaient donc transmises, par voie informatique, à Citicorp European Service Center BV (ci-après «CESC»), société ayant son siège aux Pays-Bas, pour l'établissement des extraits de compte, des attestations et des décomptes relatifs aux comptes courants, ainsi que des ordres de paiement ou de compensation. Ces documents étaient imprimés sous forme de lettres standard, puis mis sous enveloppe et affranchis pour expédition (2). Depuis le 1er juillet 1995, les données ne sont plus traitées dans des établissements installés dans les différents pays, mais de manière centralisée au niveau mondial. Selon la défenderesse, les données concernant les transactions commerciales avec les entreprises affiliées, les montants relatifs à l'utilisation des cartes de crédit émises en Allemagne et la situation de leurs titulaires sont saisies par le centre de traitement de Francfort et transmises par satellite au centre mondial de traitement des données de Citibank dans le Dakota du Sud (États-Unis). C'est là qu'a lieu l'enregistrement du crédit et du débit correspondant sur le compte du titulaire de la carte de crédit. Les données traitées sont ensuite transmises à CESC qui imprime les lettres et les expédie, comme on l'a dit plus haut. Pour les envois à des destinataires résidant en Allemagne, l'OPP néerlandais perçoit le tarif national pour le courrier destiné à l'étranger, soit environ 0,55 DM et verse à la demanderesse de 0,37 à 0,40 DM par lettre standard à titre de frais terminaux.

4 La demanderesse, société de droit privé dont le capital est entièrement détenu par l'État allemand, dispose du monopole légal pour la fourniture des services postaux en Allemagne, y compris la distribution du courrier transfrontalier entrant (3). Elle a introduit les deux actions qui sont à l'origine des présents litiges pour obtenir que soient réformés les jugements rendus le 8 mai 1996 par le Landgericht Frankfurt (am Main). Le juge de première instance avait rejeté les recours intentés en 1995 par DP pour obtenir de GZS et de CKG le paiement du tarif postal intérieur, soit 1 DM par lettre, pour les lettres postées, respectivement, au Danemark et aux Pays-Bas et remises par ses soins aux destinataires domiciliés sur le territoire allemand. La demanderesse invoque à cette fin les dispositions de l'article 25, paragraphe 3, de la convention (voir ci-après, point 5), mis en oeuvre dans l'ordre juridique allemand par les dispositions combinées de la loi du 31 août 1992 relative aux conventions de l'Union postale universelle du 14 décembre 1989 (4) et de l'article 9 de la loi sur les postes.

5 La convention de l'UPU (ci-après la «convention»), adoptée en 1964 dans le cadre de l'Organisation des Nations unies, à laquelle ont adhéré tous les États membres de la Communauté, constitue le cadre de référence pour les relations entre les...

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