Yolanda Del Cerro Alonso v Osakidetza-Servicio Vasco de Salud.

JurisdictionEuropean Union
Date10 January 2007
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 10 janvier 2007 (1)

Affaire C‑307/05

Yolanda Del Cerro Alonso

contre

Osakidetza (Servicio Vasco de Salud)

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Social de San Sebastián (Espagne)]

«Accord‑cadre CES, UNICE et CEEP – Travail à durée déterminée – Conditions de travail – Indemnité d’ancienneté – Non‑perception due à des accords entre représentation syndicale du personnel et administration – Raisons objectives suffisantes»





1. Par décision du 6 juillet 2005, le Juzgado de lo Social de San Sebastián (Espagne) a introduit devant la Cour une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE portant sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci‑après l’«accord‑cadre»), mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999 (JO L 175, p. 43).

I – Le contexte juridique et factuel

2. Les faits de la cause à l’origine de cette demande sont les suivants. Mme Del Cerro Alonso est employée d’un hôpital public rattaché au service de santé publique de la Communauté autonome espagnole du Pays basque. Ayant la qualité de personnel statutaire fixe, elle a demandé à bénéficier de primes au titre de périodes antérieures durant lesquelles elle se trouvait en position de personnel statutaire temporaire.

3. Ces primes d’ancienneté sont accordées à raison de l’accomplissement de trois années de services effectifs. Cependant, le décret 231/2000 relatif aux conditions d’emploi du personnel du Servicio Vasco de Salud, comme la loi 55/2003, du 16 décembre 2003, relative au statut cadre du personnel statutaire des services de santé, que ce décret met en œuvre dans la Communauté autonome espagnole du Pays basque, prévoient que les primes sont réservées au personnel ayant la qualité de personnel fixe.

4. Sa demande étant restée sans réponse, Mme Del Cerro Alonso a saisi la juridiction de renvoi. Pour s’opposer à ses prétentions, le service de santé publique relève que, n’ayant pas la qualité de personnel fixe à la date concernée par sa demande, la requérante ne peut bénéficier de telles primes.

5. Le débat qui s’est noué devant la juridiction de renvoi a permis de soulever une question relative à l’interprétation du droit communautaire. Il est apparu que le refus opposé à la requérante était susceptible d’être constitutif d’une discrimination à l’encontre des travailleurs à durée déterminée. La clause 4 de l’accord‑cadre prévoit à cet égard que «pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives». Il convient dès lors de se demander si l’octroi de primes telles que celles en cause en l’espèce peut être qualifié de «conditions d’emploi» au sens de la directive 1999/70. Tel est le sens des questions posées par le Juzgado de lo Social de San Sebastián:

«1) Quand la directive 1999/70/CE dispose que les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités de manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée, fait‑elle également référence aux conditions économiques?

Dans l’affirmative:

2) Le fait que l’article 44 de la [loi] 55/2003 […] dispose qu’il est impossible de percevoir le complément économique lié à l’ancienneté qui est octroyé aux travailleurs à durée indéterminée constitue‑t‑il une raison objective suffisante?

3) Les accords souscrits entre les représentants syndicaux du personnel et l’administration constituent‑ils des raisons objectives suffisantes pour ne pas octroyer le complément lié à l’ancienneté au personnel temporaire?»

II – Analyse

A – Considérations préliminaires

6. Cette demande de décision préjudicielle pose une question préalable relative à l’applicabilité de la directive 1999/70 à la situation en cause. Aux yeux de la juridiction de renvoi, il ne fait pas de doute que le personnel statutaire relève de la catégorie des travailleurs visés par cette directive. Aussi s’abstient‑elle d’évoquer cette question dans sa demande. Toutes les parties intervenantes ne partagent pas ces certitudes. Il en est ainsi notamment du Royaume d’Espagne qui considère que la directive 1999/70 n’est pas applicable au litige au principal. Il conclut à l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle.

7. Avant de répondre aux questions posées, il convient de vérifier que la directive 1999/70 est applicable à la situation en cause dans la mesure où celle‑ci concerne un agent du personnel statutaire bénéficiant d’un statut de droit public.

B – Sur l’applicabilité de la directive 1999/70 à la situation en cause

8. Le champ d’application de la directive est défini par la clause 2, point 1, de l’accord‑cadre. Celui‑ci dispose que «le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre».

9. La jurisprudence récente de la Cour a eu l’occasion de se pencher sur cette disposition (2). Il en ressort que les dispositions de l’accord‑cadre ont vocation à s’appliquer aux contrats et relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et les autres entités du secteur public. Il est constant, en effet, que la notion de «travailleurs à durée déterminée» au sens de l’accord‑cadre englobe l’ensemble des travailleurs, sans opérer de distinction selon la qualité publique ou privée de l’employeur auquel ils sont liés. Reste cependant à savoir s’il convient de distinguer selon la qualité et la nature de la relation liant les administrations et entités publiques à leur personnel. La directive 1999/70 s’applique aux agents contractuels des administrations publiques. Mais s’applique‑t‑elle aux agents statutaires de ces mêmes entités? Telle est la question posée dans cette affaire.

10. Afin d’y répondre de manière positive, la juridiction de renvoi invoque, dans les motifs de sa décision de renvoi, la définition large de la notion de «travailleurs» dégagée par la jurisprudence de la Cour portant sur la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40). La Commission des Communautés européennes conteste la pertinence de cette référence dans le contexte de la présente affaire.

11. La jurisprudence de la Cour nous enseigne que la notion de travailleur n’est pas univoque en droit communautaire mais varie en fonction du domaine d’application envisagé (3). Ainsi, il est constant que, en matière d’égalité de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, la notion de travailleur est une notion autonome de droit communautaire qui doit être interprétée de manière large. Dès lors, il ne saurait être exclu que les fonctionnaires puissent être regardés comme constituant une catégorie particulière de travailleurs (4). En revanche, il apparaît que, en matière de maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, dans laquelle la directive adoptée ne vise qu’à une...

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