Ordonnances nº T-293/18 of Tribunal General de la Unión Europea, January 30, 2020

Resolution DateJanuary 30, 2020
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-293/18

Recours en annulation - Politique commune de la pêche - Traité de Paris sur l’archipel du Spitzberg (Norvège) - Possibilités de pêche du crabe des neiges autour de la zone du Svalbard (Norvège) - Règlement (UE) 2017/127 - Navires enregistrés dans l’Union autorisés à pêcher - Immobilisation d’un navire letton - Article 265 TFUE - Invitation à agir - Prise de position de la Commission - Acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires - Irrecevabilité

Dans l’affaire T-293/18,

République de Lettonie, représentée par Mme V. Soņeca, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet, E. Paasivirta, I. Naglis et A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la lettre de la Commission du 12 mars 2018 par laquelle cette institution a pris position sur l’invitation à agir que la République de Lettonie lui avait adressée, au titre de l’article 265 TFUE, par lettre du 22 décembre 2017 et qui visait, en substance, à ce que la Commission prenne des mesures relatives à la défense des droits de pêche et des intérêts de l’Union européenne dans la zone de pêche du Svalbard (Norvège) et, d’autre part, à ordonner à la Commission d’adopter à ce sujet une position qui ne soit pas source d’effets juridiques défavorables à la République de Lettonie,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Antécédents du litige

1 Par lettre du 22 décembre 2017, reçue par la Commission européenne le 12 janvier 2018, la République de Lettonie a invité la Commission à agir, au titre de l’article 265 TFUE, en prenant des mesures relatives à la défense des droits de pêche et des intérêts de l’Union européenne dans la zone de pêche du Svalbard, en Norvège (ci-après l’« invitation à agir »). Plus précisément, elle a invité la Commission à prendre les mesures suivantes :

- au cours du premier trimestre (jusqu’au 31 mars 2018), organiser et participer à des négociations officielles avec le Royaume de Norvège en vue d’assurer le respect des droits de pêche de l’Union dans la zone de pêche du Svalbard, de telle sorte que les navires de l’Union, pour lesquels la réglementation de l’Union prévoit la possibilité de pêcher des crabes des neiges dans la zone de pêche du Svalbard, puissent exercer leurs droits ;

- au cas où il serait impossible de garantir jusqu’au 31 mars 2018 les droits de pêche de l’Union dans la zone de pêche du Svalbard, s’engager à diligenter une procédure judiciaire internationale contre le Royaume de Norvège.

2 Par lettre du 12 mars 2018, la Commission a répondu à l’invitation à agir, énonçant sa position sur la prétendue carence au sens de l’article 265 TFUE et, notamment, sur les deux mesures demandées par la République de Lettonie (ci-après la « lettre attaquée »).

3 S’agissant de la première mesure proposée par la République de Lettonie d’organiser et de participer à des négociations avec le Royaume de Norvège en vue d’assurer le respect des droits de pêche de l’Union dans la zone de pêche du Svalbard jusqu’à la date limite du 31 mars 2018, la Commission l’a rejetée implicitement en indiquant, en substance, qu’elle continuerait à participer aux négociations sans se fixer une date ultime pour la fin de ces négociations. Plus précisément, la Commission a indiqué ce qui suit :

53. Malgré l’impasse actuelle des discussions avec [le Royaume de] Norvège, la Commission continuera à rechercher avec les autorités norvégiennes des solutions à ce différend, fondées sur le dialogue et une approche constructive, plutôt que sur la confrontation. En même temps, compte tenu des grands enjeux au-delà de la pêche, la Commission tentera de faire en sorte que, quelle que soit la solution trouvée, celle-ci soit conforme à la position de l’Union sur le Svalbard.

54. La dernière note verbale invite [le Royaume de Norvège] à renouer le dialogue avec l’Union afin de parvenir, comme de nombreuses fois dans le passé, à un arrangement mutuellement satisfaisant permettant aux navires de pêche de l’Union de reprendre leurs activités de pêche dans la région. Compte tenu des réactions récentes [du Royaume de] Norvège, il est également clair qu’il est actuellement peu probable qu’une solution soit trouvée dans un avenir proche et que des précautions doivent être prises pour éviter une escalade du désaccord au détriment des intérêts stratégiques pressants dans les relations avec [le Royaume de] Norvège, ainsi que dans la région arctique.

4 S’agissant de la seconde mesure proposée par la République de Lettonie d’engager une procédure judiciaire internationale contre le Royaume de Norvège après le 31 mars 2018, la Commission a indiqué, en substance, qu’elle ne pouvait y donner suite, car il y avait des obstacles d’ordre procédural. Plus précisément, la Commission a signalé ce qui suit :

55. En ce qui concerne la suggestion dans l’[invitation à agir] d’engager une procédure judiciaire internationale contre [le Royaume de] Norvège, en faisant abstraction de toute considération de fond, il existe des obstacles procéduraux manifestes, que l’[invitation à agir] ne prend pas en compte.

56. Premièrement, il convient de noter que le traité de Paris de 1920 ne prévoit pas de mécanisme de règlement des différends. Les mécanismes de règlement des différends prévus par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Unclos) ne sont pas applicables, car les questions en litige ne concernent pas l’interprétation et l’application [de l’]Unclos, mais plutôt l’interprétation et l’application du traité de Paris de 1920.

57. Deuxièmement, l’arbitrage international est soumis à la conclusion d’un accord avec [le Royaume de] Norvège, ce qui est actuellement très peu probable compte tenu des circonstances qui prévalent.

58. Troisièmement, le mécanisme de règlement des différends par défaut qui reste est la Cour internationale de justice. Pourtant, l’Union européenne n’a pas qualité pour agir devant cette Cour. En outre, alors qu’un certain nombre d’États membres sont parties au traité de Paris de 1920, l’Union européenne ne l’est pas. Néanmoins, l’Union a une compétence exclusive en matière de conservation des ressources biologiques marines.

59. En tout état de cause, l’ouverture de procédures internationales dans un contexte multilatéral pourrait avoir des conséquences importantes. Le traité de Paris implique 46 parties contractantes, chacune interprétant différemment ses dispositions. Une telle mesure risquerait également d’affecter les relations bilatérales de l’Union avec [le Royaume de] Norvège au-delà des questions de pêche qui sont en jeu.

60. Enfin, s’il existe un principe général de règlement pacifique des différends en droit international, il n’y a aucune obligation sous le droit de l’Union européenne ou le droit international d’engager une procédure judiciaire, le droit international prévoyant différentes manières de régler les différends [qui ne sont] pas toutes de nature judiciaire.

5 Enfin, sur sa prétendue carence, au sens de l’article 265 TFUE, la Commission a conclu ce qui suit :

61. […] La Commission ne s’est pas abstenue d’agir conformément à ses devoirs, mais a au contraire agi et continue de le faire. Dans l’accomplissement de ses missions, la Commission choisit les voies et les mesures les plus appropriées pour protéger au mieux les droits et intérêts de l’Union en matière de pêche dans la zone du Svalbard, y compris des pourparlers ou d’autres moyens pour régler les divergences avec [le Royaume de] Norvège. À cet égard, elle tient également compte des relations de l’Union avec [le Royaume de] Norvège et du caractère multilatéral du traité de Paris.

62. La Commission estime qu’elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour trouver une solution bilatérale appropriée, non conflictuelle, au désaccord avec [le Royaume de] Norvège concernant le crabe des neiges. Ainsi que le montre l’exposé qui précède, elle a traité ce dossier de différentes manières et à différents niveaux, y compris directement avec [le Royaume de] Norvège, dans le cadre du Conseil ou avec la [République de] Lettonie.

63. Les enjeux liés au Svalbard vont au-delà d’intérêts de pêche et les risques de contagion à d’autres domaines constituent un aspect important qu’il a fallu prendre en compte à chaque étape. La Commission, qui représente l’Union européenne en tant qu’unique interlocutrice des pays tiers sur les questions liées à la pêche, a étroitement collaboré avec le Conseil et les États membres à tous les stades du processus. La préparation et la mise en œuvre de chaque étape [se sont accompagnées] d’une consultation de tous les États membres au niveau du Conseil et de leur information régulière.

Procédure...

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