Arrêts nº T-93/18 of Tribunal General de la Unión Europea, December 16, 2020

Resolution DateDecember 16, 2020
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-93/18

Concurrence - Association d’entreprises - Compétitions de patinage de vitesse - Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE - Réglementation d’une fédération sportive - Conciliation entre droit de la concurrence et spécificité du sport - Paris sportifs - Tribunal arbitral du sport - Lignes directrices sur le calcul des amendes - Champ d’application territorial de l’article 101 TFUE - Restriction de concurrence par objet - Mesures correctives

Dans l’affaire T-93/18,

International Skating Union, établie à Lausanne (Suisse), représentée par Me J.-F. Bellis, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet, G. Meessen et Mme F. van Schaik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Mark Jan Hendrik Tuitert, demeurant à Hoogmade (Pays-Bas),

Niels Kerstholt, demeurant à Zeist (Pays-Bas),

et

European Elite Athletes Association, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

représentés par Mes B. Braeken et J. Versteeg, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 8230 final de la Commission, du 8 décembre 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT/40208 - Règles d’éligibilité de l’Union internationale de patinage),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, P. Nihoul, Mme R. Frendo (rapporteure) et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

  1. Faits à l’origine du litige

    1. L’Union internationale de patinage

      1 L’International Skating Union (ci-après la « requérante » ou l’« UIP ») est la seule fédération sportive internationale reconnue par le Comité international olympique (CIO) chargée de la réglementation et de la gestion du patinage artistique et du patinage de vitesse sur glace à l’échelle mondiale.

      2 La requérante est composée des fédérations nationales qui gèrent le patinage artistique et le patinage de vitesse sur glace à l’échelle nationale (ci-après les « membres »). Ces dernières sont composées de clubs et d’associations de patinage locaux dont les athlètes, adhérents à titre individuel, pratiquent le patinage de vitesse ou le patinage artistique en tant qu’activité économique.

      3 La requérante exerce également une activité commerciale dans la mesure où elle organise les compétitions internationales de patinage de vitesse les plus importantes, dont elle détient tous les droits. Les compétitions internationales organisées par la requérante englobent, notamment, les championnats d’Europe et les championnats du monde de patinage de vitesse sur longue piste et sur piste courte, la coupe du monde de patinage de vitesse sur piste longue et la coupe du monde de patinage de vitesse sur piste courte. De plus, les compétitions de patinage de vitesse des Jeux olympiques d’hiver sont organisées par la requérante sous la forme de compétitions internationales.

    2. Les règles fixées par la requérante

      4 En tant qu’instance chargée de la gestion du patinage artistique et du patinage de vitesse sur glace à l’échelle mondiale, la requérante est responsable, notamment, de la détermination des règles d’affiliation que ses membres ainsi que les patineurs individuels sont tenus de respecter.

      5 Les règles fixées par la requérante sont explicitées dans ses statuts, qui comprennent sa « constitution » et les dispositions procédurales, les règlements généraux et spéciaux, les règles techniques, le code éthique, les règles antidopage, les règles sur les procédures antidopage et toutes les communications en vigueur de la requérante.

      6 Parmi cet ensemble de règles, les règles 102 et 103 des règlements généraux de la requérante (ci-après les « règles d’éligibilité ») déterminent les conditions dans lesquelles les patineurs peuvent participer aux compétitions de patinage de vitesse et de patinage artistique relevant de la compétence de la requérante. Depuis 1998, les règles d’éligibilité prévoient un « système global de pré-autorisation » (ci-après le « système d’autorisation préalable ») selon lequel les patineurs ne peuvent participer qu’aux compétitions autorisées par la requérante ou par ses membres, organisées par des représentants agréés par la requérante et en vertu des règlements de cette dernière. Aux fins de la présente affaire, les versions pertinentes des règles d’éligibilité sont celles datant de juin 2014 (ci-après les « règles d’éligibilité de 2014 ») et de juin 2016 (ci-après les « règles d’éligibilité de 2016 »).

      7 S’agissant des règles d’éligibilité de 2014, il ressort de la lecture combinée de la règle 102, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 7, et de la règle 103, paragraphe 2, que, en cas de participation à une compétition non autorisée par la requérante ou par l’un de ses membres, les patineurs professionnels et les représentants de la requérante s’exposaient à une sanction d’exclusion à vie de toute compétition organisée par la requérante.

      8 Selon la règle 102, paragraphe 1, sous a), i), dans sa version de 2014, une personne « a le privilège de participer aux activités et compétitions relevant de la compétence de l’UIP si cette personne respecte les principes et politiques de l’UIP tels que formulés dans les statuts de l’UIP ».

      9 La règle 102, paragraphe 1, sous a), ii), disposait depuis 2002 que « la condition d’éligibilité [étai]t conçue pour assurer la protection adéquate des intérêts économiques et autres de l’UIP, qui utilise ses revenus financiers pour la gestion et le développement des disciplines sportives de l’UIP ainsi que pour le soutien ou le bénéfice des membres de l’UIP et de leurs patineurs ».

      10 En juin 2016, les règles d’éligibilité ont fait l’objet d’une révision qui visait, notamment, à modifier les règles relatives à l’imposition de sanctions. Désormais, en vertu de la règle 102, paragraphe 7, les sanctions en cas de participation des sportifs à une compétition relevant de la compétence de la requérante et non autorisée par celle-ci sont déterminées en fonction de la gravité de l’infraction. Le système prévoit un avertissement en cas de première violation, une sanction d’exclusion jusqu’à 5 ans en cas de participation négligente à des compétitions non autorisées, une sanction d’exclusion jusqu’à 10 ans en cas de participation consciente à des compétitions non autorisées et, enfin, une sanction d’exclusion à vie pour des violations très graves, et en particulier en cas de participation à des compétitions non autorisées qui mettent en péril l’intégrité et la compétence de la requérante.

      11 En outre, la référence à la protection adéquate des intérêts économiques de la requérante, figurant dans les règles d’éligibilité de 2014, a été supprimée dans la version de 2016. La nouvelle règle 102, paragraphe 1, sous a), ii), dispose désormais que « la condition d’éligibilité est conçue pour assurer une protection adéquate des valeurs éthiques, des objectifs statutaires et d’autres intérêts légitimes » de la requérante, « qui utilise ses revenus financiers pour la gestion et le développement des disciplines sportives de l’UIP ainsi que pour le soutien ou le bénéfice des membres de l’UIP et de leurs patineurs ».

      12 En outre, il y a lieu de relever que, depuis le 30 juin 2006, l’article 25 de la constitution de la requérante (ci-après le « règlement d’arbitrage ») prévoit la possibilité pour les patineurs d’introduire un recours contre une décision d’inéligibilité uniquement auprès du Tribunal arbitral du sport (ci-après le « TAS ») établi à Lausanne (Suisse).

      13 Le 25 octobre 2015, la requérante a publié la communication no 1974, intitulée « Compétitions internationales ouvertes », qui définit la procédure à suivre pour obtenir une autorisation d’organiser une compétition internationale ouverte dans le cadre du système d’autorisation préalable. Cette procédure est applicable tant aux membres qu’aux organisateurs tiers.

      14 La communication no 1974 prévoit que toutes ces compétitions doivent être préalablement autorisées par le conseil de la requérante et organisées conformément à ses règles. S’agissant du délai prévu pour introduire une demande d’autorisation, ladite communication opère une distinction entre les membres et les organisateurs tiers. En effet, les organisateurs tiers doivent soumettre leurs demandes au moins six mois avant la date prévue pour la compétition, alors que ce délai est réduit à trois mois pour les membres.

      15 En outre, la communication no 1974 énumère toute une série d’exigences générales, financières, techniques, sportives et éthiques auxquelles un organisateur est tenu de se conformer. Tout d’abord, il ressort de cette communication que toute demande d’autorisation doit être accompagnée d’informations techniques et sportives, telles que des informations relatives au lieu de la compétition et au montant des prix qui seront octroyés, ainsi que d’informations générales et financières, telles que, notamment, les plans d’affaires, le budget et la couverture télévisuelle prévue pour l’événement. Ensuite, pour se conformer aux exigences éthiques, l’organisateur et toute personne qui coopère avec celui-ci sont tenus de soumettre une déclaration confirmant qu’ils acceptent le code éthique de la requérante et, notamment, qu’ils s’engagent à ne pas être impliqués dans des activités liées aux paris. Enfin, la communication no 1974 dispose que la requérante se réserve le droit de demander des informations additionnelles pour chacune de ces catégories d’exigences.

      16 S’agissant plus particulièrement des exigences éthiques, l’article 4, sous h), du code éthique de la requérante dispose, depuis le 25 janvier 2012, que tous ceux qui coopèrent avec elle, à quelque titre que ce soit, doivent « s’abstenir de participer à toute forme de paris ou de soutenir toute...

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