Arrêts nº T-17/19 of Tribunal General de la Unión Europea, February 03, 2021

Resolution DateFebruary 03, 2021
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-17/19

Dans l’affaire T-17/19,

Giulia Moi, demeurant à Siddi (Italie), représentée par Mes M. Pisano et P. Setzu, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. T. Lazian, Mmes S. Seyr et M. Windisch, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, à titre principal, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de divers actes adoptés dans le cadre d’une procédure en constatation et sanction de harcèlement ouverte contre la requérante et, à titre subsidiaire, une demande tendant à la constatation du caractère excessif et/ou disproportionné de la sanction qui lui a été imposée et à son remplacement par celle prévue à l’article 166, sous a), du règlement intérieur du Parlement et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à la condamnation du Parlement à lui accorder une indemnité et à charger le président de rendre l’information publique en session plénière du Parlement,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, P. Nihoul (rapporteur), Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

  1. Antécédents du litige

    1 La requérante, Mme Giulia Moi, a été députée au Parlement européen de 2014 à 2019.

    2 Le 22 novembre 2017, deux de ses assistants parlementaires accrédités (ci-après les « deux APA ») ont introduit une demande d’assistance sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), en invoquant une situation de travail difficile.

    3 Les 27 et 28 novembre 2017, les deux APA ont déposé une plainte pour harcèlement auprès du comité sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des assistants parlementaires accrédités à des députés au Parlement (ci-après le « comité consultatif »), institué par l’article 1er, paragraphe 1, de la réglementation interne sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des assistants parlementaires accrédités à des députés du Parlement du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015 (ci-après la « réglementation du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015 »).

    4 Par courrier du 23 février 2018, le comité consultatif a informé la requérante du contenu des plaintes des deux APA et l’a invitée à présenter ses observations sur leurs allégations.

    5 Le 27 février 2018, les deux APA ont été entendus par le comité consultatif.

    6 Le 9 mars 2018, la requérante a déposé ses observations sur les plaintes des deux APA.

    7 Le 20 mars 2018, la requérante a été entendue par le comité consultatif.

    8 Le 28 mars 2018, la requérante a adressé au comité consultatif des documents additionnels.

    9 Par courrier du 22 mai 2018, la présidente du comité consultatif a adressé au président du Parlement un avis dans lequel le comité consultatif concluait à l’existence d’un harcèlement au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

    10 Par courrier du 3 juillet 2018, notifié le lendemain, le président du Parlement a informé la requérante des conclusions de l’avis du comité consultatif quant à l’existence d’un harcèlement et l’a invitée à présenter ses observations sur ces conclusions pour le 20 juillet 2018.

    11 Par courrier du 18 juillet 2018, parvenu au Parlement le 20 juillet suivant, la requérante a répondu à l’invitation du président en contestant l’existence d’un harcèlement.

    12 Dans un courrier du 2 octobre 2018, le président du Parlement a, après avoir examiné l’avis du comité consultatif et les observations de la requérante, informé celle-ci qu’« [il partageait] l’avis du comité consultatif, qui [avait] établi que la situation invoquée par les deux plaignants [relevait] du harcèlement moral au sens du statut ». Au cours de la procédure devant le Tribunal, le Parlement a désigné ce courrier comme étant la « décision du président sur la situation de harcèlement ». Cet intitulé sera utilisé dans la suite du présent arrêt pour désigner le document en question.

    13 Le même jour, le président du Parlement a adressé à la requérante un autre document, intitulé « Décision du président du 2 octobre 2018 », dans lequel, d’une part, il a affirmé que la conduite de la requérante « viol[ait] les principes et les valeurs auxquels le règlement [intérieur du Parlement] fai[sai]t référence, en particulier l’article 2 [TUE] et les articles 1er (respect de la dignité humaine) et 31 (droit à des conditions de travail qui respectent la santé, la sécurité et la dignité des travailleurs) de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », et, d’autre part, il a indiqué avoir « décidé d’imposer à [la requérante], à titre de sanction pour son comportement à l’égard des [deux APA], qualifié de harcèlement moral, la perte du droit à son indemnité de séjour pour une période de douze jours ». Au cours de la procédure, le Parlement a désigné ce courrier comme étant la « décision du président sur la sanction ». Cet intitulé sera utilisé dans la suite du présent arrêt pour désigner ledit document.

    14 Les deux documents mentionnés aux points 12 et 13 ci-dessus ont été notifiés ensemble à la requérante.

    15 Le 16 octobre 2018, la requérante a, ainsi que le lui permettait l’article 167 du règlement intérieur du Parlement, tel qu’il est applicable (ci-après le « règlement intérieur »), introduit auprès du bureau du Parlement un recours interne contre la décision du président sur la sanction. Dans ce recours, elle a contesté le fait que son comportement à l’égard des deux APA pût être qualifié de harcèlement et, à titre subsidiaire, demandé qu’une sanction plus légère lui fût infligée.

    16 Par décision du 12 novembre 2018, prononcée le 14 novembre suivant en séance plénière et notifiée le même jour, le bureau du Parlement a confirmé la décision du président sur la sanction (ci-après la « décision du bureau du Parlement »).

  2. Procédure et conclusions des parties

    17 Par requête du 11 janvier 2019, la requérante a introduit le présent recours.

    18 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, invité le Parlement à déposer certains documents et posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre par écrit. Les parties ont répondu à ces demandes dans le délai qui leur était imparti.

    19 Sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

    20 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 juillet 2020.

    21 Par son recours, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    - à titre principal, annuler la décision du bureau du Parlement, la décision du président sur la sanction ainsi que « tout acte préalable, connexe et consécutif [à] la sanction visée » ;

    - à titre subsidiaire, « constater que la sanction disciplinaire infligée est excessive [ou] disproportionnée et, par suite, la remplacer par celle prévue à l’article 166, [paragraphe 3, sous] a), du règlement intérieur » ;

    - en tout état de cause, condamner le Parlement à lui accorder une indemnisation qu’il déterminera en équité, consistant dans le versement d’une somme fixée à 50 000 euros ou de tout autre montant supérieur ou inférieur qu’il juge juste, et charger le président du Parlement de rendre l’information publique en session plénière ;

    - condamner le Parlement aux dépens.

    22 La requérante formule en outre diverses demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction ainsi que des demandes de présentation de preuves et d’offres de preuve.

    23 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    - rejeter comme irrecevable la demande d’annulation de la décision du président sur la sanction ;

    - rejeter la demande d’annulation de tout autre acte préparatoire, connexe ou consécutif à la sanction comme irrecevable ;

    - rejeter les demandes faites au Tribunal d’adresser des injonctions au Parlement et de se substituer à ce dernier comme irrecevables ;

    - rejeter les demandes de présentation des preuves et des offres de preuve ainsi que les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction comme irrecevables ;

    - rejeter les demandes de dommages et intérêts comme irrecevables ;

    - rejeter le recours comme irrecevable pour partie et, en tout état de cause, comme non fondé pour le surplus ;

    - condamner la requérante à l’ensemble des dépens.

  3. En droit

    1. Sur le droit applicable

      24 À titre préliminaire, il y a lieu de relever que les dispositions applicables à l’espèce sont les articles 11, 166 et 167 du règlement intérieur ainsi que la réglementation du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015.

      25 Ainsi que l’a reconnu le Parlement dans ses réponses aux questions qui lui ont été posées par le Tribunal, c’est par erreur que, dans sa décision sur la sanction, le président du Parlement s’est référé à la décision du bureau du Parlement du 2 juillet 2018 relative au fonctionnement du comité consultatif chargé d’examiner les plaintes pour harcèlement qui concernent des députés du Parlement et aux procédures en la matière.

      26 En effet, conformément à son article 15, paragraphe 1, cette dernière décision ne s’applique qu’aux demandes d’assistance introduites après le 1er septembre 2018. Or, en l’espèce, comme il ressort du point 2 ci-dessus, les demandes d’assistance ont été introduites par les deux APA le 22 novembre 2017.

    2. Sur la demande d’annulation

      1. Sur la recevabilité de la demande d’annulation au regard de l’ article 7 6 du règlement de procédure

        27 Sans...

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