Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 25 novembre 2020.#Brasserie St Avold contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.#Marque de l’Union européenne – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Signe tridimensionnel – Forme d’une bouteille foncée – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001.#Affaire T-862/19.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2020:561
Date25 November 2020
Docket NumberT-862/19
Celex Number62019TJ0862
CourtGeneral Court (European Union)
62019TJ0862

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

25 novembre 2020 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Signe tridimensionnel – Forme d’une bouteille foncée – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑862/19,

Brasserie St Avold, établie à Saint-Avold (France), représentée par Mes P. Greffe, D. Brun et F. Donaud, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Folliard-Monguiral et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 21 octobre 2019 (affaire R 466/2019-4), concernant l’enregistrement international désignant l’Union européenne d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’une bouteille foncée,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz et Mme G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 28 février 2020,

à la suite de l’audience du 10 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 16 mars 2018, la requérante, la Brasserie St Avold, a désigné l’Union européenne pour l’enregistrement international no 1408065 d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’une bouteille foncée. La marque faisant l’objet de l’enregistrement international désignant l’Union européenne est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :

Image

2

Les produits pour lesquels la protection de la marque a été demandée relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

classe 32 : « Bières ; eaux minérales (boissons) ; eaux gazeuses ; boissons à base de fruits ; jus de fruits ; sirops pour boissons ; préparations pour faire des boissons ; limonades ; nectars de fruits ; sodas ; apéritifs sans alcool » ;

classe 33 : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; vins ; vins d’appellation d’origine protégée ; vins à indications géographique protégée ».

3

Par décision du 25 janvier 2019, l’examinatrice de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a refusé la protection de l’enregistrement international sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

4

Le 20 février 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinatrice.

5

Par décision du 21 octobre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours au motif que le signe litigieux était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

6

Afin d’arriver à cette conclusion, en premier lieu, la chambre de recours a considéré que, étant donné que le signe litigieux correspondait à l’une des formes de conditionnement les plus évidentes pour les boissons alcooliques et non alcooliques visées par la demande de protection, à savoir la bouteille, il ne saurait être considéré comme distinctif qu’à la condition de diverger de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur. Ces divergences devraient être particulières, mémorisables et perçues par le public comme étant des indicateurs de l’origine commerciale des produits.

7

En deuxième lieu, le public pertinent serait composé des acheteurs de boissons, alcooliques ou non, dans l’ensemble de l’Union.

8

En troisième lieu, la forme de la bouteille de couleur foncée, couronnée d’une capsule, serait habituelle dans le secteur des boissons. S’agissant de l’étiquette blanche enroulée de manière irrégulière sur le corps de la bouteille, les exemples concrets relevés par l’examinatrice montreraient qu’il s’agit d’une caractéristique qui n’est pas inhabituelle dans le secteur concerné, que l’étiquette couvre la bouteille en entier ou en partie. Ces exemples concrets appuieraient la conclusion selon laquelle le public concerné est davantage enclin à identifier l’origine commerciale des boissons, alcooliques ou non, par référence aux éléments verbaux des étiquettes plutôt que par référence à la forme ou à la position de celles-ci. Le public concerné ne percevrait pas le signe litigieux comme un indicateur d’origine, que l’étiquette soit perçue comme la représentation d’une mitre d’évêque ou comme une serviette de table pliée triangulairement. Le signe litigieux ne pourrait pas être facilement et immédiatement mémorisé par le public pertinent en tant que signe distinctif. Par ailleurs, l’étiquette pourrait être perçue comme ayant une fonction antigoutte lors du versement du liquide.

9

Ainsi, le signe litigieux ne serait constitué que par une combinaison d’éléments typiques des produits concernés, à savoir une bouteille et une étiquette, dont la forme et la disposition ne se différencieraient pas substantiellement de certaines formes de base desdits produits, mais apparaîtraient plutôt comme une simple variante de celles-ci. Les différences alléguées par rapport aux normes du secteur ne seraient perceptibles qu’à l’issue d’une inspection plutôt attentive à laquelle ne se livrerait pas le consommateur moyen, de sorte qu’elles ne seraient pas perçues comme des indications de l’origine commerciale des produits concernés. Ledit consommateur percevrait le signe litigieux comme étant une finition esthétique, décorative ou fonctionnelle des produits concernés, laquelle ne se différencierait d’ailleurs pas substantiellement des normes du secteur.

10

En quatrième lieu, la chambre de recours a précisé que les enregistrements obtenus en France et aux États‑Unis ne sauraient lier son appréciation.

Conclusions des parties

11

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’EUIPO aux dépens.

12

L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité des éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal

13

Au point 43 de la requête figurent deux photographies censées représenter respectivement un rayonnage de bouteilles munies d’étiquettes conformes à la prétendue norme du secteur et un rayonnage de produits de la requérante munis de la marque revendiquée.

14

Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne sauraient être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter ces pièces sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

Sur le fond

15

À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

16

Ledit moyen est articulé en trois branches. En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a erronément appréhendé les caractéristiques et la nature du signe litigieux. En deuxième lieu, la chambre de recours aurait, en substance, appliqué des critères erronés aux fins de l’appréciation du caractère distinctif du signe litigieux. En troisième lieu, la chambre de recours aurait commis une erreur en concluant à l’absence de caractère distinctif du signe litigieux.

Sur la première branche, tirée d’une erreur dans l’appréhension des caractéristiques et de la nature de la marque demandée

17

La requérante formule, en substance, trois griefs dans le cadre de cette branche. Premièrement, elle reproche à la chambre de recours d’avoir mal défini le signe litigieux. Celui-ci serait constitué de l’étiquette positionnée de façon spécifique sur une bouteille, sans que cette bouteille fasse partie du signe litigieux. Deuxièmement, elle soutient que la forme et le positionnement de cette étiquette sur la bouteille s’écartent de façon très significative de la norme et des habitudes du secteur. Troisièmement, ladite étiquette ne présenterait aucun aspect fonctionnel.

18

Dans la mesure où les arguments avancés dans le cadre des deux derniers griefs concernent l’appréciation concrète de l’existence du caractère distinctif du signe litigieux et complètent ceux présentés dans le cadre de la troisième branche, ils seront pris en compte dans le cadre de cette dernière branche.

19

En ce qui concerne le premier grief, la requérante fait valoir que le signe litigieux est composé des éléments suivants :

une étiquette en forme de triangle rectangle ;

...

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