BNP Paribas SA v TR.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:452
Date08 June 2023
Docket NumberC-567/21
Celex Number62021CJ0567
CourtCourt of Justice (European Union)
62021CJ0567

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

8 juin 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile et commerciale – Règlement (CE) no 44/2001 – Articles 33 et 36 – Reconnaissance d’une décision rendue dans un État membre – Invocation de façon incidente devant une juridiction d’un autre État membre – Effets produits par cette décision dans l’État d’origine – Recevabilité d’une action introduite dans l’État membre requis postérieurement à ladite décision – Règles de procédure nationales imposant la concentration des demandes au sein d’une seule instance »

Dans l’affaire C‑567/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 8 septembre 2021, parvenue à la Cour le 15 septembre 2021, dans la procédure

BNP Paribas SA

contre

TR,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. M. Safjan, N. Piçarra, N. Jääskinen (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour BNP Paribas SA, par Mes V. Bringer, N. Coutrelis et M. Lévis, avocats,

pour TR, par Mes A. Lyon-Caen, T. Lyon-Caen et F. Thiriez, avocats,

pour le gouvernement français, par Mmes A. Daniel et A.‑L. Desjonquères, en qualité d’agents,

pour le gouvernement suisse, par Mmes N. Marville-Dosen et J. Schickel-Küng, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. S. Noë et W. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 33 et 36 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant BNP Paribas SA à TR au sujet du licenciement de celui‑ci, qui a fait l’objet d’une décision prononcée par un tribunal anglais, dont les effets sur la recevabilité d’une action introduite ultérieurement, devant des juridictions françaises, donnent lieu à une contestation.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 44/2001

3

Les considérants 2, 6, 16 et 19 du règlement no 44/2001 sont libellés comme suit :

« (2)

Certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur. Des dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution rapides et simples des décisions émanant des États membres liés par le présent règlement sont indispensables.

[...]

(6)

Pour atteindre l’objectif de la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale, il est nécessaire et approprié que les règles relatives à la compétence judiciaire, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions soient déterminées par un instrument juridique communautaire contraignant et directement applicable.

[...]

(16)

La confiance réciproque dans la justice au sein de la Communauté justifie que les décisions rendues dans un État membre soient reconnues de plein droit, sans qu’il soit nécessaire, sauf en cas de contestation, de recourir à aucune procédure.

[...]

(19)

Pour assurer la continuité nécessaire entre la convention [du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32)] et le présent règlement, il convient de prévoir des dispositions transitoires. La même continuité doit être assurée en ce qui concerne l’interprétation des dispositions de [cette] convention [...] par la Cour [...] »

4

Figurant au chapitre III dudit règlement, relatif à la reconnaissance et à l’exécution, sous la section 1 de ce chapitre, intitulée « Reconnaissance », l’article 33 du même règlement prévoit :

« 1. Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

2. En cas de contestation, toute partie intéressée qui invoque la reconnaissance à titre principal peut faire constater, selon les procédures prévues aux sections 2 et 3 du présent chapitre, que la décision doit être reconnue.

3. Si la reconnaissance est invoquée de façon incidente devant une juridiction d’un État membre, celle-ci est compétente pour en connaître. »

5

Sous cette section 1, l’article 36 du règlement no 44/2001 énonce :

« En aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond. »

6

Ce règlement a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1). Cependant, conformément à l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, le règlement no 44/2001 continue à être applicable aux décisions rendues dans les actions judiciaires intentées avant le 10 janvier 2015 qui relèvent du champ d’application de ce dernier règlement.

L’accord de retrait

7

L’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7, ci-après l’« accord de retrait »), a été adopté le 17 octobre 2019 et est entré en vigueur le 1er février 2020.

8

L’article 67 de cet accord, intitulé « Compétence, reconnaissance et exécution des décisions judiciaires, et coopération connexe entre autorités centrales », énonce, à son paragraphe 2, sous a) :

« Au Royaume-Uni ainsi que dans les États membres en cas de situations impliquant le Royaume-Uni, les actes ou dispositions suivants s’appliquent comme suit en ce qui concerne la reconnaissance et l’exécution des jugements, décisions, actes authentiques, transactions judiciaires et accords :

a)

le règlement [...] no 1215/2012 s’applique à la reconnaissance et à l’exécution des décisions rendues dans le cadre d’actions judiciaires intentées avant la fin de la période de transition [...] »

9

L’article 126 dudit accord prévoit une période de transition commençant à la date d’entrée en vigueur de celui-ci et se terminant le 31 décembre 2020, pendant laquelle, conformément à l’article 127, paragraphe 1, premier alinéa, du même accord, le droit de l’Union est applicable au Royaume-Uni et sur son territoire, sauf disposition contraire de l’accord de retrait.

Le droit national

Le droit français

10

L’article L. 1234‑5, premier alinéa, du code du travail dispose :

« Lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. »

11

Aux termes de l’article L. 1234‑9, premier alinéa, de ce code :

« Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié [...], a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. »

12

Selon l’article L. 1235‑3 dudit code, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et, si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur.

13

L’article R. 1452‑6 du même code, dans sa version en vigueur avant son abrogation par le décret no 2016‑660, du 20 mai 2016, relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (JORF du 25 mai 2016, texte no 30), énonçait :

« Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance.

Cette règle n’est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes. »

Le droit du Royaume-Uni

14

L’Employment Rights Act 1996 (loi de 1996 sur les droits en matière d’emploi, ci‑après l’« ERA 1996 ») comprend une partie X, intitulée « Licenciement abusif ».

15

Le chapitre I de cette partie X, intitulé « Droit à ne pas être licencié abusivement », contient une section 98, qui est libellée comme suit :

« (1) Pour déterminer aux fins de cette Partie si le licenciement d’un salarié est justifié ou abusif, l’employeur doit démontrer :

(a)

le motif (ou, s’il en existe plusieurs, le motif principal) du licenciement, et

(b)

qu’il s’agit soit d’un motif relevant de la sous-section (2) ou d’un autre motif de fond de sorte à justifier le licenciement d’un salarié occupant le poste que le salarié occupait.

(2) Un motif relève de la présente sous‑section s’il :

[...]

(b)

concerne le comportement du salarié.

[...]

(4) Lorsque l’employeur a satisfait aux exigences de la sous‑section (1), la décision de savoir si le licenciement est justifié ou abusif (au regard du motif démontré par l’employeur) :

(a)

dépend du fait de savoir si dans les circonstances (y compris la taille et les...

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