BU v Comune di Copertino.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2024:51
Date18 January 2024
Docket NumberC-218/22
Celex Number62022CJ0218
CourtCourt of Justice (European Union)
62022CJ0218

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

18 janvier 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2003/88/CE – Article 7 – Article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Indemnité financière au titre des jours de congé non pris versée à la fin de la relation de travail – Réglementation nationale interdisant le paiement de cette indemnité en cas de démission volontaire d’un agent public – Maîtrise de la dépense publique – Besoins d’organisation de l’employeur public »

Dans l’affaire C‑218/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Lecce (tribunal de Lecce, Italie), par décision du 22 mars 2022, parvenue à la Cour le 24 mars 2022, dans la procédure

BU

contre

Comune di Copertino,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. T. von Danwitz, P. G. Xuereb, A. Kumin et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour BU, par Me A. Russo, avvocata,

pour Comune di Copertino, par Me L. Caccetta, avvocata,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme L. Fiandaca, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par M. B.-R. Killmann et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 8 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), ainsi que de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant BU, un ancien agent public du Comune di Copertino (commune de Copertino, Italie), à celui-ci au sujet du refus de verser à BU une indemnité financière au titre des jours de congé annuel payé non pris à la date de la cessation de la relation de travail résultant de la démission volontaire de BU afin d’accéder à une retraite anticipée.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le considérant 4 de la directive 2003/88 énonce :

« L’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique. »

4

L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé « Congé annuel », dispose :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »

Le droit italien

5

L’article 36, paragraphe 3, de la Constitution italienne prévoit :

« Le travailleur a droit au repos hebdomadaire et à un congé annuel payé et ne peut y renoncer. »

6

L’article 2109 du Codice civile (code civil), intitulé « Période de repos », dispose à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Le travailleur a droit à un jour de repos par semaine, coïncidant normalement avec le dimanche.

2. Il a également droit à une période annuelle de congé payé, éventuellement continue, à un moment déterminé par l’employeur, compte tenu des besoins de l’entreprise et des intérêts du travailleur. La durée de cette période est fixée par la loi, les normes corporatives, les usages ou l’équité. »

7

L’article 5 du decreto-legge n. 95 – Disposizioni urgenti per la revisione della spesa pubblica con invarianza dei servizi ai cittadini nonché misure di rafforzamento patrimoniale delle imprese del settore bancario (décret-loi no 95, portant dispositions urgentes pour la révision des dépenses publiques sans modification des services aux citoyens et mesures de renforcement patrimonial des entreprises du secteur bancaire), du 6 juillet 2012 (supplément ordinaire à la GURI no 156, du 6 juillet 2012), converti en loi, avec modifications, par l’article 1er, paragraphe 1, de la loi no 135 du 7 août 2012, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « décret-loi no 95 »), intitulé «Réduction des dépenses des administrations publiques », prévoit, à son paragraphe 8 :

« Les congés de vacances, temps de repos et autres congés revenant au personnel, y compris de direction, des administrations publiques incluses dans le compte économique consolidé de l’administration publique, telles qu’identifiées par [l’Istituto nazionale di statistica – ISTAT (Institut national de statistiques, Italie)] conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la loi no 196 du 31 décembre 2009, ainsi que des autorités indépendantes, y compris [la Commissione nazionale per le società e la borsa – Consob (Commission nationale des sociétés et de la Bourse, Italie)], doivent être pris conformément aux dispositions des règlements respectifs de ces administrations, et ne peuvent en aucun cas donner lieu au versement d’indemnités compensatrices. Cette disposition s’applique également dans le cas où la relation de travail prend fin pour cause de mobilité, de démission, de licenciement, de retraite et d’atteinte de la limite d’âge. Les éventuelles dispositions réglementaires et contractuelles plus favorables cessent de s’appliquer à compter de l’entrée en vigueur du présent décret-loi. La violation de la présente disposition, outre qu’elle entraîne la récupération des sommes indûment versées, est source de responsabilité disciplinaire et administrative pour le dirigeant responsable. Le présent paragraphe ne s’applique pas au personnel enseignant, administratif, technique et auxiliaire qui a la qualité de remplaçant temporaire et occasionnel ou d’enseignant sous contrat jusqu’à la fin des cours ou des activités d’enseignement, dans la limite de la différence entre les jours de congé dus et les jours où le personnel en question est autorisé à prendre ses congés. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

BU a été employé, du 1er février 1992 au 1er octobre 2016, par la commune de Copertino, où il occupait un poste d’Istruttore direttivo (instructeur exécutif).

9

À partir du 1er octobre 2016, BU a, à la suite d’une démission volontaire, cessé ses fonctions afin d’accéder à une retraite anticipée.

10

Estimant qu’il avait droit à une indemnité financière au titre de 79 jours de congé annuel payé acquis au cours de la période comprise entre l’année 2013 et l’année 2016, BU a saisi le Tribunale di Lecce (tribunal de Lecce, Italie), qui est la juridiction de renvoi, d’une demande de compensation financière de ces jours de congé non pris.

11

Devant la juridiction de renvoi, la commune de Copertino a contesté cette demande en invoquant l’article 5, paragraphe 8, du décret-loi no 95. Selon cette dernière, le fait que BU ait pris des congés au cours de l’année 2016 démontrerait qu’il avait connaissance de son obligation, en vertu de cette disposition, de prendre les jours de congé qu’il avait acquis avant la fin de la relation de travail. En outre, il n’aurait pas pris le solde de ses congés alors même qu’il avait démissionné.

12

La juridiction de renvoi expose que les 79 jours de congé non pris invoqués par BU correspondent à des jours de congé annuel payé prévus par la directive 2003/88, dont 55 seraient dus au titre des années antérieures à l’année 2016 et le reste au titre de cette dernière année d’emploi. Cette juridiction ajoute que BU a pris des congés au cours de l’année 2016, correspondant à des jours acquis au titre d’années plus anciennes, lesquels avaient été reportés sur l’année 2013 et les années suivantes. Cette situation n’impliquerait toutefois aucun comportement abusif de la part de BU, susceptible de correspondre à ceux visés au point 48 de l’arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C-684/16, EU:C:2018:874).

13

La juridiction de renvoi fait également observer que la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie), dans l’arrêt no 95/2016, a jugé que l’article 5, paragraphe 8, du décret-loi no 95, applicable aux agents publics et prévoyant, sous réserve de certaines exceptions, qu’aucune compensation financière ne peut être versée pour les congés payés non pris était conforme aux principes consacrés par la Constitution italienne, sans porter atteinte à ceux du droit de l’Union ainsi qu’aux règles de droit international. Cette juridiction serait parvenue à cette conclusion en identifiant différentes exceptions à cette règle, qui ne seraient pas pertinentes en l’espèce.

14

La Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) aurait tenu compte à la fois de la nécessité de maîtriser les dépenses publiques et de contraintes organisationnelles pour l’employeur public, en relevant que cette réglementation visait à mettre un terme au recours incontrôlé à la « compensation financière » des congés non pris ainsi qu’à réaffirmer la prééminence de la prise effective des congés. Selon cette dernière, l’interdiction de verser une indemnité financière serait écartée lorsque les congés n’ont pas été pris pour des raisons indépendantes de la volonté du travailleur, telles que la maladie, mais non pas en cas de démission volontaire.

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