Chapitre I. Le livre blanc sur la sécurité alimentaire ou de la réforme de l'activité législative

AuthorMagdalena Lewandowski-Arbitre
ProfessionDocteur en droit communautaire et international (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)
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L'exposé de la première partie présente deux évolutions simultanées et contiguës des mesures sanitaires et phytosanitaires. Ces préoccupations de sécurité alimentaire sont bien anciennes, mais ne suscitent l'intérêt du consommateur ou du citoyen que depuis peu. L'affaire "Hormones" et la "crise de la vache folle" et les réactions de la société civile qu'elles ont provoqué, ont initié un bouleversement du droit de la sécurité alimentaire.

En effet, ces deux crises ont remis en question les priorités politiques de l'Union européenne impliquant le choix entre la productivité économique et la protection de la santé du consommateur453. Le Livre blanc sur la Sécurité alimentaire, publié en 2000, par la Commission européenne, propose de nouvelles priorités communautaires dans ce domaine.

Ce mouvement juridique "écologique" est fondé sur une seule réalité : l'intégration par le droit des découvertes scientifiques et de leurs applications technologiques. Comme étudié précédemment, les découvertes scientifiques engendrent de nouveaux systèmes d'exploitations techniques économiques, et ne sont que tardivement reprises par les systèmes juridiques et judiciaires. Aujourd'hui, la réforme proposée par le Livre blanc de la Sécurité alimentaire intègre le rythme des découvertes scientifiques dans le processus législatif communautaire. Cette ouverture du droit à la science laisse naturellement présager cette même évolution dans l'application et la sanction de la non-application de cette législation par le système judiciaire positif...

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Section I Des crises sanitaires ou d'une nouvelle approche de la politique de la sécurité alimentaire (1996-1999)

Les scandales déclenchés par l'affaire "Hormones" et "la crise de la vache folle" provoquent une remise en question de la politique relative à la sécurité alimentaire par la Commission européenne. Celle-ci édicte un Livre vert relatif à la législation alimentaire454, et publie le 12 janvier 2000, le Livre blanc sur la sécurité alimentaire455 qui présente une approche révolutionnaire de cette législation globale "de la ferme à la table".

Paragraphe I - Crises alimentaires de la fin du XXe siècle
I - L'affaire "Hormones" ou les divergences sanitaires entre les systèmes international et communautaire
A - Litige entre les états-unis et l'union européenne

En janvier 1996, les États-Unis ont pris l'initiative de solliciter des consultations avec la Communauté européenne a propos de plusieurs directives adoptées Page 142 par le Conseil, en 1981456 et 1988457, prohibant l'administration d'hormones naturelles ou de synthèse à des animaux d'exploitation - sauf utilisation de trois hormones déterminées à des fins strictement thérapeutiques - et interdisant la mise sur le marché, ou l'importation en provenance de pays tiers, de viandes et de produits carnés traités avec ces substances. Àpartir du 1er janvier 1997, ces diverses directives ont été abrogées et remplacées par une directive unique reprenant intégralement le dispositif existant458.

Panels

Les consultations bilatérales s'étant révélées infructueuses, les États-Unis ont sollicité et obtenu l'établissement d'un panel, fin 1996, ainsi que le Canada par la suite. Le 30 juin 1997, les deux panels ont rendu leurs conclusions.

Face aux affirmations américaines et canadiennes selon lesquelles les dispositions communautaires constituaient en réalité des mesures de protection commerciale, les instances européennes affirmaient que les directives répondaient au contraire à de véritables considérations de santé publique. L'enjeu de ce contentieux était principalement de savoir dans quelle mesure un gouvernement dispose du pouvoir de déterminer le niveau de protection approprié pour garantir la santé de ses citoyens.

Le Canada et les États-Unis soutenaient notamment que les mesures communautaires n'étaient pas établies sur la base d'une évaluation des risques, ne tenaient pas compte des normes, directives et recommandations pertinentes, qu'elles étaient plus restrictives pour le commerce qu'il n'était requis pour obtenir le niveau de protection sanitaire approprié, et qu'elles constituaient une restriction déguisée au commerce international.

La Communauté européenne a répondu à ces diverses allégations en affirmant que les mesures incriminées satisfaisaient à toutes les conditions que l'Accord SPS imposait. Ces mesures étaient fondées sur des principes scientifiques comme l'exigeait l'article 2.2 de l'Accord et il avait été procédé à une évaluation des risques qui établissait la base scientifique d'une mesure de réglementation. La Communauté a fait observer à cet égard que l'Accord SPS reconnaissait à un Membre le droit d'établir un niveau de protection qu'il jugeait approprié, et a ainsi soutenu que sa législation visait à obtenir un niveau de protection plus élevé que celui qui pourrait être obtenu si les recommandations de la Commission du Codex alimentarius pour ces hormones étaient suivies, dans la mesure où des études récentes montraient que ces hormones étaient toxiques et cancérigènes.

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Elle a également affirmé que les panels de l'OMC n'étaient pas compétents pour juger de son niveau de protection sanitaire, ni des preuves scientifiques sur lesquelles il était fondé ; ils ne l'étaient que pour déterminer si ces mesures étaient en conformité avec l'Accord SPS. Enfin, la Communauté a fait valoir que ses mesures étaient fondées sur le principe de précaution, et qu'elles s'appliquaient à tous les animaux traités avec ces hormones et à la viande provenant de ces animaux quelle qu'en soit l'origine : il n'y avait par conséquent aucune discrimination, ni aucune restriction déguisée au commerce international.

Avis scientifique

Devant le caractère éminemment scientifique du différend qui leur étaient soumis, les panels ont sollicité l'avis d'experts choisis avec l'accord des parties au différend459, et le rapport du groupe spécial Mesures concernant les viandes et les produits carnés460. Sur la base de ces avis, et après un réexamen du rapport intérimaire remis aux...

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