DÉCISION (UE) 2019/421 DE LA COMMISSION
du 20 juin 2018
concernant l'aide d'État SA.44888 (2016/C) (ex 2016/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur d'Engie
[notifiée sous le numéro C(2018) 3839]
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
LA COMMISSION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après le «traité»), et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,
vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),
après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et vu ces observations,
considérant ce qui suit:
1. PROCÉDURE
(1) | Par lettre du 23 mars 2015, la Commission a envoyé une demande de renseignements au Grand-Duché du Luxembourg (ci-après «le Luxembourg») (2) afin d'obtenir des informations concernant ses pratiques en matière de décision fiscale anticipative (ci-après les «DFA») à l'égard du groupe Engie (anciennement le groupe GDF Suez) (3). Dans cette lettre, la Commission demandait au Luxembourg de lui fournir l'ensemble des DFA accordées aux entités de ce groupe depuis 2004 et jusqu'à la date de la lettre, adressées à ce groupe ou à toute entité de ce groupe, qui étaient en vigueur à cette époque ou qui avaient été en vigueur au cours des dix années précédentes, ainsi que les comptes annuels de ce groupe et des entités juridiques de ce groupe pour 2011, 2012 et 2013, et une copie de leurs déclarations fiscales. |
(2) | Le 25 juin 2015, le Luxembourg a répondu à cette demande en transmettant des informations sur les DFA émises par l'administration fiscale luxembourgeoise en faveur de plusieurs sociétés du groupe Engie résidant au Luxembourg, dont la société GDF Suez LNG Supply S.A. (ci-après «LNG Supply») (4) et la société GDF Suez Treasury Management S.à.r.l. (ci-après «GSTM») (5). En particulier, le Luxembourg a fourni deux demandes de DFA, et leurs approbations respectives, qui concernaient deux transactions intragroupe quasiment identiques consistant en un transfert d'actifs par des sociétés du groupe Engie à LNG Supply, d'une part, et à GSTM, d'autre part. Dans un cas comme dans l'autre, ce transfert a été financé par un emprunt sans intérêts obligatoirement convertible en actions dénommé «ZORA» (6) (ci-après respectivement le «ZORA LNG» et le «ZORA GSTM», collectivement les «ZORA»), et par un contrat de vente à terme prépayé (respectivement le «contrat à terme LNG» et le «contrat à terme GSTM», collectivement, les «contrats à terme»). |
(3) | Par lettre du 1er avril 2016, la Commission a indiqué que, sur la base des informations fournies par le Luxembourg, elle ne pouvait pas exclure la possibilité que les DFA émises en faveur de ces sociétés du groupe Engie contiennent un élément d'aide d'État incompatible avec le marché intérieur. Par conséquent, elle demandait au Luxembourg d'indiquer les raisons pour lesquelles ces mesures ne seraient pas sélectives, ou en quoi elles pourraient, dans le cas contraire, être justifiées au regard du droit de l'Union en matière d'aides d'État, et de fournir des informations et des clarifications complémentaires. |
(4) | Par lettre du 3 mai 2016, la Commission a rappelé au Luxembourg de fournir les informations indiquées au considérant 3. |
(5) | Le 23 mai 2016, le Luxembourg a répondu à la demande de renseignements de la Commission datée du 1er avril 2016. |
(6) | Le 19 septembre 2016, la Commission a décidé d'ouvrir une procédure formelle d'examen en vertu de l'article 108, paragraphe 2, du traité, au sujet du traitement fiscal accordé à Engie au moyen des DFA émises par le Luxembourg, au motif qu'il pourrait constituer une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité (ci-après la «décision d'ouverture») (7). |
(7) | Le 21 novembre 2016, le Luxembourg a soumis par lettre ses observations sur la décision d'ouverture ainsi que les informations demandées. |
(8) | Le 3 février 2017, la décision d'ouverture a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (8). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur la mesure en cause. |
(9) | Le 27 février 2017, la Commission a reçu les observations d'Engie concernant la décision d'ouverture. Par lettre du 10 mars 2017, elle les a transmises aux autorités luxembourgeoises en leur donnant la possibilité d'y réagir. |
(10) | Par lettre du 22 mars 2017, après examen des observations transmises par les autorités luxembourgeoises et par Engie, la Commission a demandé au Luxembourg de lui fournir des informations additionnelles. |
(11) | Le 10 avril 2017, le Luxembourg a indiqué par courrier que les observations communiquées par Engie correspondaient à ses propres observations. |
(12) | Le 12 mai 2017, le Luxembourg a présenté les informations demandées le 22 mars 2017. |
(13) | Le 1er juin 2017, les services de la Commission ont tenu une réunion avec les autorités luxembourgeoises et Engie. La teneur de cette réunion a fait l'objet d'un procès-verbal convenu entre la Commission et le Luxembourg. À la suite de cette réunion, le Luxembourg a soumis des informations additionnelles le 16 juin 2017. |
(14) | Par lettre du 11 décembre 2017 faisant suite aux observations soumises par les autorités luxembourgeoises et Engie au cours de la réunion du 1er juin 2017, la Commission a souhaité clarifier certains éléments de l'enquête (ci-après la «lettre du 11 décembre 2017») et a demandé des informations additionnelles. La Commission a invité le Luxembourg à transmettre une copie de cette lettre à Engie. |
(15) | Le 31 janvier 2018, les autorités luxembourgeoises et Engie ont soumis leurs observations en réponse à la lettre du 11 décembre 2017. À cette même date, le Luxembourg a également transmis les informations demandées dans la lettre du 11 décembre 2017. |
2. CONTEXTE
2.1. LE GROUPE ENGIE
(16) | Le groupe Engie se compose d'Engie S.A., société établie en France, et de l'ensemble des sociétés directement ou indirectement contrôlées par Engie S.A. (désignées collectivement «Engie»). Engie est le résultat de la fusion, en 2008, des groupes français GDF et Suez (anciennement Lyonnaise des Eaux) (9). Le siège d'Engie se trouve en France. Engie S.A. est cotée en bourse à Paris, à Bruxelles et à Luxembourg (10). |
(17) | Engie est présente dans trois grands secteurs: production d'électricité, gaz naturel et gaz naturel liquéfié, et services d'efficacité énergétique. Engie exerce principalement des activités de production et de fourniture d'électricité (11) et de trading d'énergie, d'exploration-production, d'approvisionnement, de transport et de distribution de gaz naturel, de fourniture de services d'efficacité énergétique et d'installations énergétiques. |
(18) | Engie emploie 153 090 personnes dans le monde dans 70 pays (12). En 2016, son chiffre d'affaires s'est élevé à 66,6 milliards d'EUR (13). Sur l'ensemble du chiffre d'affaires du groupe, 52,2 milliards d'EUR étaient réalisés en Europe (14). En 2016, 67,3 % du résultat avant intérêts, impôts et amortissements (EBITDA) a été généré en Europe (15). |
(19) | Au Luxembourg, Engie est présente au travers de diverses entités juridiques, dont certaines sont concernées par les transactions visées dans les DFA en cause. Compagnie européenne de Financement C.E.F. S.A. (ci-après «CEF») (16) est une filiale d'Engie constituée au Luxembourg en 1933. L'objet de cette société consiste en l'acquisition de participations au Luxembourg et dans des entités étrangères et en la gestion, l'exploitation et le contrôle de ces participations (17). Elle est principalement chargée de fournir des garanties et d'accorder des prêts intragroupe pour les filiales du groupe. Les revenus de CEF proviennent des intérêts et frais prélevés pour la mise à disposition de ces prêts et de ces garanties (18). |
(20) | GSTM est une société de droit luxembourgeois détenue à 100 % par CEF. Elle exerce des activités de gestion de trésorerie et de financement pour Engie depuis le Luxembourg. D'après la demande de décision fiscale anticipative du 15 juin 2012, «en général, GSTM accorde des prêts en diverses devises (généralement EUR et USD) à des sociétés liées et exerce une activité de centralisation de trésorerie […]. L'activité de centralisation de trésorerie de GSTM représente entre [2-7] et [7-12] milliards d'EUR» (19). |
(21) | GDF Suez LNG Holding S.à.r.l. (ci-après «LNG Holding») (20) est une filiale d'Engie constituée au Luxembourg en 2009. L'objet de cette société consiste en l'acquisition de participations au Luxembourg et dans des entités étrangères et en la gestion de ces participations (21). LNG Holding est détenue à 100 % par CEF. |
(22) | LNG Supply est détenue à 100 % par LNG Holding. Elle exerce des activités d'achat, de vente et de trading de gaz naturel liquéfié («GNL»), de gaz et de produits dérivés du gaz, ainsi que de transport de GNL, et a passé un nombre important de contrats avec des entreprises énergétiques internationales (22). En 2018, Engie a annoncé son intention de vendre certaines parties de son activité GNL, dont LNG Supply, à Total S.A (23). |
2.2. LES DFA EN CAUSE
2.2.1. INTRODUCTION
(23) | La présente décision concerne deux séries de décisions fiscales anticipatives émises par l'administration fiscale luxembourgeoise en faveur de sociétés du groupe Engie (ci-après les «décisions fiscales anticipatives en cause» ou les «DFA en cause»). Les DFA en cause concernent deux transactions intragroupe analogues mises en œuvre par Engie entre |
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