Commission européenne contre Royaume des Pays-Bas.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:875
Date16 November 2023
Docket NumberC-360/22
Celex Number62022CJ0360
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

16 novembre 2023 (*)

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Libre circulation des travailleurs – Libre prestation de services – Libre circulation des capitaux – Articles 45, 56 et 63 TFUE – Articles 28, 36 et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen – Transfert de la valeur des droits à pension – Retraite complémentaire constituée par l’intermédiaire de l’employeur – Situation transfrontalière »

Dans l’affaire C‑360/22,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 3 juin 2022,

Commission européenne, représentée par M. W. Roels, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. K. Bulterman et P. P. Huurnink, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, M. P. G. Xuereb (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en adoptant et en maintenant en vigueur les exigences en matière de transfert de capital de retraite prévues à l’article 85, paragraphe 1, sous b), et l’article 87, paragraphe 2, sous f), de la Pensioenwet (loi sur les pensions), lus en combinaison avec l’article 19b, paragraphe 2, de la Wet op de loonbelasting 1964 (loi de 1964 relative à l’impôt sur les rémunérations), dans sa version applicable au présent recours (ci-après la « loi relative à l’impôt sur les rémunérations »), le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 45, 56 et 63 TFUE ainsi que des articles 28, 36 et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’« accord EEE »).

Le cadre juridique

2 L’article 1er, troisième tiret, de la loi sur les pensions définit le « rachat » comme « tout acte par lequel les droits à pension [...] perdent leur finalité de pension ».

3 L’article 65, paragraphe 1, de cette loi prévoit :

« Le rachat n’est possible que dans les situations visées aux articles 66 à 69 ou en vertu de ceux-ci. »

4 L’article 70, paragraphe 3, de ladite loi dispose :

« Le transfert de valeur n’est possible que dans les situations visées aux articles 70a à 92a. »

5 L’article 85, paragraphe 1, sous b), de la même loi énonce :

« À la suite d’une demande de transfert de fonds de l’ancien affilié, l’organisme d’assurance est tenu de transférer la valeur de ses droits à pension à une institution de retraite d’un autre État membre ou à un assureur [...] à condition que :

[...]

b. les possibilités de rachat de la valeur des droits à pension transférés après le transfert de valeur ne soient pas plus étendues que celles prévues par la présente loi. »

6 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, sous f), de la loi sur les pensions :

« Un transfert de valeur à un établissement étranger n’est possible que s’il est démontré à la satisfaction de l’autorité de surveillance que :

[...]

f. les possibilités de rachat des droits à pension transférés après le transfert de valeur ne sont pas plus étendues que celles prévues par la présente loi [...] »

7 L’article 19b, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur les rémunérations prévoit :

« En cas de transfert total ou partiel d’une obligation au titre d’un régime de pension à un autre assureur, le droit au titre de ce régime est considéré comme racheté. [...] »

8 L’article 19b, paragraphe 6, de cette loi dispose :

« Notre ministre peut, si nécessaire, dans les conditions qu’il fixe, prévoir que le paragraphe 2, première phrase, ne s’applique pas lorsque l’obligation au titre d’un régime de pension est transférée à un fonds de pension ou à un organisme exerçant l’activité d’assurance qui n’est pas établi aux Pays-Bas [...] en vue d’acquérir des droits au titre d’un régime de pension dans le cadre de l’acceptation d’un emploi en dehors des Pays-Bas. [...] »

9 La section 3.3.1 du Besluit Loonheffingen, inkomstenbelasting, internationale aspecten van pensioenen en stamrechten (arrêté sur les prélèvements sur les salaires, l’impôt sur les revenus, les aspects internationaux des pensions et des droits à des versements périodiques), du 9 octobre 2015 (Stcrt. 2015, nº 36798, ci-après l’« arrêté »), prévoit que le transfert de la valeur d’un droit à pension vers un organisme d’assurance étranger peut intervenir sans prélèvement sur le salaire si les conditions énoncées à l’annexe IV de l’arrêté sont remplies.

10 Aux termes de l’annexe IV de l’arrêté :

« Dans le cas d’un transfert visé à la section 3.3.1 de l’arrêté, les conditions suivantes s’appliquent :

[...]

c. Exigences applicables à l’organisme d’assurance retraite acquérant et à l’organisme d’assurance transférant :

[...]

2. Si le transfert est effectué au titre de l’article 85 de la loi sur les pensions, l’organisme d’assurance transférant [...] démontre que les conditions dudit article sont remplies.

3. Si le transfert a lieu au titre de l’article 87 de la loi sur les pensions, l’organisme d’assurance transférant fournit une déclaration de la [Banque centrale des Pays-Bas] attestant que les conditions énoncées audit article sont remplies.

4. Si l’organisme d’assurance transférant ne relève pas de la loi sur les pensions, il le justifie. Dans ce cas, l’organisme d’assurance [...] démontre que les conditions énoncées à l’article 87 de la loi sur les pensions sont remplies lors du transfert.

[...] »

La procédure précontentieuse

11 Le 22 novembre 2012, la Commission a adressé au Royaume des Pays-Bas une lettre de mise en demeure dans laquelle elle a estimé que certaines dispositions nationales relatives à l’imposition des transferts de la valeur des droits à pension effectués par les travailleurs migrants étaient incompatibles avec les articles 45, 56 et 63 TFUE ainsi qu’avec les articles 28, 36 et 40 de l’accord EEE.

12 Le 21 mars 2013, le Royaume des Pays-Bas a répondu à ladite lettre de mise en demeure, en faisant valoir que les dispositions nationales en cause n’étaient pas incompatibles avec les articles 45, 56 et 63 TFUE ni avec les articles 28, 36 et 40 de l’accord EEE.

13 Le 20 juillet 2018, la Commission a adressé au Royaume des Pays-Bas un avis motivé, auquel cet État membre a répondu par lettre du 19 septembre 2018 indiquant qu’il ne partageait pas l’avis de la Commission et que la réglementation nationale demeurait inchangée.

14 Le 3 juin 2022, n’étant pas convaincue par les observations formulées par le Royaume des Pays-Bas, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Sur les libertés en cause

15 Par son recours, la Commission estime que le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent au titre des articles 45, 56 et 63 TFUE ainsi que des articles 28, 36 et 40 de l’accord EEE en ce que, en vertu de l’article 85, paragraphe 1, sous b), et de l’article 87, paragraphe 2, sous f), de la loi sur les pensions, lus en combinaison avec l’article 19b, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur les rémunérations, un transfert de la valeur des droits à pension vers un organisme d’assurance retraite situé dans un autre État membre que le Royaume des Pays-Bas n’est pas soumis à l’impôt uniquement si les possibilités de rachat de ces droits sous la forme d’un capital sont identiques à celles prévues par le droit néerlandais, ou plus strictes que ces dernières.

16 Il convient donc d’examiner si, comme le fait valoir la Commission, la réglementation nationale en cause se rapporte à la libre prestation de services ainsi qu’à la libre circulation des travailleurs et des capitaux ou si ledit grief de la Commission doit, comme l’estime le Royaume des Pays-Bas, être examiné uniquement au regard de la libre circulation des travailleurs.

17 En effet, selon cet État membre, le présent recours porte sur les mesures néerlandaises qui régissent une situation transfrontalière dans laquelle des travailleurs se déplacent dans un autre État membre que le Royaume des Pays-Bas et y acceptent un nouvel emploi. L’objectif de ces mesures serait de protéger la pension des travailleurs migrants qui souhaiteraient transférer la valeur de leurs droits à pension acquis aux Pays-Bas à un organisme d’assurance retraite établi dans cet autre État membre. Lesdites mesures seraient donc liées à la libre circulation des travailleurs, les autres libertés invoquées par la Commission étant accessoires.

18 À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une mesure nationale se rapporte à plusieurs des libertés de circulation garanties par les traités, la Cour examine la mesure en cause, en principe, au regard de l’une seulement de ces libertés s’il s’avère, au regard de l’objet de cette...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT