Staatssecretaris van Financiën contra J. Heerma.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:259
Date20 May 1999
Celex Number61998CC0023
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-23/98
EUR-Lex - 61998C0023 - FR 61998C0023

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 20 mai 1999. - Staatssecretaris van Financiën contre J. Heerma. - Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas. - Sixième directive TVA - Opérations entre un associé et la société. - Affaire C-23/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-00419


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 Par la présente demande de décision préjudicielle introduite au titre de l'article 234 (ex-article 177) du traité, le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) a soumis à la Cour une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (1) (ci-après la «sixième directive»). La Cour est appelée, en particulier, à interpréter cette disposition pour juger si la location à une société civile d'un immeuble par un associé de ladite société constitue une «activité économique accomplie d'une façon indépendante» en sorte que ledit associé, dont cette mise en location est la seule activité économique, puisse être qualifié d'assujetti à la taxe sur la valeur (ci-après la "TVA") ajoutée au sens des dispositions de ladite directive.

II - Le cadre juridique

2 Le champ d'application du système commun introduit par la sixième directive TVA est déterminé par l'article 2 de la directive, qui dispose:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1. Les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

2. les importations de biens.»

3 L'article 4 de cette même directive, qui fait partie du titre IV, intitulé «Assujettis», dispose;

«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité (2).

2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

3. ...

4. Le terme `d'une façon indépendante' utilisé au paragraphe 1 exclut de la taxation les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l'employeur.

Sous réserve de la consultation prévue à l'article 29, chaque État membre a la faculté de considérer comme un seul assujetti les personnes établies à l'intérieur du pays qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l'organisation.

5. ... »

4 L'article 13, B, sous b), de la sixième directive prévoit l'exonération en principe de la TVA pour les locations de biens immeubles. Toutefois, l'article 13, C, sous a), autorise les États membres, dans ce cas, à accorder à leurs assujettis le droit d'opter pour la taxation.

Comme le mentionnent la Commission (3) ainsi que le gouvernement néerlandais (4), conformément aux dispositions précitées de la sixième directive, la législation néerlandaise prévoit la possibilité d'opter pour la taxation dans le cas d'une location de biens immeubles, telle que celle dont il est question dans le litige au principal.

III - Les éléments de fait

5 M. J. Heerma, demeurant à Welsrijp, qui avait une exploitation agricole, a formé avec son épouse, le 1er janvier 1994, la société J. Heerma/K. Heerma-Graanstra (ci-après la «société»), dont le siège est établi à Welsrijp, à laquelle il a fait apport des biens meubles constituant les moyens de production de cette exploitation et, ce faisant, apport de l'intérêt économique des autres moyens de production de cette exploitation.

6 Vers le mois de juin 1994, l'intéressé a entrepris la construction d'une étable. A propos de cette étable, M. J. Heerma et la société civile ont conclu, le 18 novembre 1994, un bail à ferme d'une durée de six ans pour un loyer annuel de 12 000 HFL, commençant à courir le 1er novembre 1994. Ainsi que le relève le gouvernement néerlandais, le 23 décembre 1994, ce bail à ferme a été approuvé par la chambre d'agriculture de Frise (Grondkamer voor Friesland).

7 Comme le mentionne la juridiction de renvoi, pour ce bail à ferme, M. J. Heerma et la société, agissant conjointement, ont introduit, le 15 août 1994, auprès de l'inspecteur des impôts une demande d'application de l'article 11, paragraphe 1, sous b), point 5, de la loi néerlandaise de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d'affaires (dans sa version de 1994). Par cette demande, M. J. Heerma et la société sollicitaient une dispense de l'exonération de la taxe sur le chiffre d'affaires.

Cette demande a été rejetée par décision de l'inspecteur des impôts du 14 octobre 1994. Cette décision a fait l'objet d'une réclamation administrative que ce même inspecteur a rejetée dans une nouvelle décision.

L'intéressé a formé un recours contre cette décision, devant le Gerechtshof te Leeuwarden, qui a annulé cette décision ainsi que le premier rejet et qui a dit pour droit que la location de l'étable par l'intéressé, à partir du 1er novembre 1994, n'était pas exonérée de la taxe sur le chiffre d'affaires.

8 Plus précisément, dans son arrêt du 4 octobre 1996, le Gerechtshof, eu égard aux circonstances, qualifie la situation de M. J. Heerma, au regard de l'étable, d'exploitation par un opérateur économique d'un élément de patrimoine en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence, au sens de l'article 7 de la loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires. En outre, selon le Gerechtshof, en l'espèce, ce bail à ferme n'est pas affecté par la circonstance que le bailleur est un associé de la société qui intervient en qualité de locataire du bien et on ne saurait soutenir à propos de M. J. Heerma que ledit bail à ferme ne constitue pas une intervention dans la vie économique eu égard au lien existant entre lui-même et la société.

9 Le Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d'État néerlandais aux finances) a formé un pourvoi contre cet arrêt du Gerechtshof te Leeuwarden. Dans ce pourvoi, le Staatssecretaris van Financiën soutient que le fait de donner en location ledit bien immeuble entraîne en réalité, pour l'intéressé, la prise en location de son propre patrimoine d'entreprise, que l'intéressé limite son activité économique à la location du bien immeuble à la société civile et, partant, qu'il s'agit en l'occurrence d'opérations en circuit fermé; en conclusion, pour le pourvoi, il ne saurait être question d'une participation à la vie économique et dès lors il ne saurait non plus être question d'entreprise.

10 Le Hoge Raad der Nederlanden considère, tout d'abord, que la société civile, c'est-à-dire une union de personnes physiques qui n'est pas dotée de la personnalité morale mais possède l'indépendance de fait d'une société, accomplit des activités économiques d'une façon indépendante et doit être considérée, à ce titre, comme assujettie au sens de l'article 4 de la sixième directive.

11 La juridiction de renvoi reconnaît ensuite que, eu égard à l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 26 septembre 1996, Enkler (5), la location d'un bien immeuble dans les conditions visées ci-dessus doit être qualifiée d'activité économique au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la directive, puisque le Gerechtshof a considéré - et ce point n'est pas contesté dans le cadre de la procédure en cassation - que la location était accomplie en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

12 Néanmoins, la juridiction de renvoi relève que le moyen soulève la question de savoir s'il convient d'interpréter l'article 4, paragraphe 1, précité, en ce sens que, dans un tel cas de figure, eu égard au lien existant entre le bailleur et la locataire, cette location d'un bien immeuble doit être qualifiée d'activité économique accomplie de façon indépendante, ou s'il convient de considérer que la condition de l'indépendance visée par la disposition de la directive fait défaut; cette dernière considération pourrait impliquer qu'il faille assimiler l'associé bailleur à la société et qu'en conséquence, il n'y ait qu'un seul assujetti au sens de ladite disposition de la directive.

IV - La question préjudicielle

13 Les motifs évoqués ci-dessus ont amené le Hoge Raad der Nederlanden, juridiction de renvoi, à demander à la Cour, au titre de l'article 234 (ex-article 177) du traité CE, de statuer à titre préjudiciel sur la question suivante:

«Convient-il d'interpréter l'article 4, paragraphe 1, de la sixième directive en ce sens que, lorsqu'une personne a pour seule activité économique la location d'un bien corporel à la société civile dont il est un associé, il y a lieu de considérer que cette location, bien qu'étant une activité économique, n'est pas accomplie de façon...

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