Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. NIAL FENNELLY
présentées le 14 décembre 1995 (1)
Affaire C-468/93
Gemeente Emmen
contre
Belastingdienst Grote Ondernemingen, Groningen
«»
1. Comment la notion de
terrains à bâtir doit-elle être définie pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la
TVA)? La sixième directive TVA exonère de la taxe les ventes de terrains en général, à l'exception des terrains à bâtir. Un déluge
de demandes de remboursement de la TVA que des pouvoirs locaux néerlandais avaient facturée sur la vente de terrains est à
l'origine de la présente procédure préjudicielle qui a été engagée par le Gerechtshof te Leeuwarden. On nous a dit que la
présente affaire était une procédure type
(2)
. Les juridictions néerlandaises ayant été, en l'absence de toute définition légale au plan national ou d'une autre définition
formelle, amenées à appliquer un critère préexistant de transformation du terrain, la Cour a été invitée à répondre à un certain
nombre de questions concernant l'interprétation qu'il y a lieu de donner à la notion de
terrains à bâtir.
I ─
La législation applicable
Les dispositions communautaires
2. Le régime communautaire de la TVA est fondé sur la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation
des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ─ Système commun de taxe sur la valeur ajoutée:
assiette uniforme
(3)
(ci-après la
sixième directive). L'article 13 est le premier article de la sixième directive qui a trait aux exonérations. Il concerne les exonérations
que les États membres sont tenus d'appliquer à l'intérieur de leurs territoires nationaux. Le texte de l'article 13 B est
le suivant:Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue
d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus
éventuels:...
h)les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l'article 4, paragraphe 3, sous
b).
3. L'article 4, paragraphe 3, a pour objet essentiel de permettre aux États membres de considérer comme
assujetti quiconque effectue
à titre occasionnel une
livraison d'un bâtiment [article 4, paragraphe 3, sous a)]
(4)
ou une
livraison d'un terrain à bâtir [article 4, paragraphe 3, sous b)]. Seule la définition de
terrains à bâtir qui figure dans cette dernière disposition et qui est empruntée aux fins de l'article 13 B, sous h), est pertinente en l'espèce.
Cette définition est la suivante:Sont considérés comme terrains à bâtir les terrains nus ou aménagés définis comme tels par les États membres.
Les dispositions nationales
4. L'article 11, paragraphe 1, sous a), 1°, de la Wet op de omzetbelasting 1968
(5)
(loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d'affaires; ci-après la
loi de 1968) dispose que:
1. Sont exonérées dans des conditions à fixer par règlement d'administration publique:
a)la livraison de biens immeubles, à l'exception de:
1°
la livraison d'un bien immeuble transformé qui a lieu avant ou au maximum, deux ans après la première mise en service de ce
bien
(6)
.
5. Conformément à l'article 3 de l'Uitvoeringsbeschikking omzetbelasting (arrêté d'application de la loi de 1968), du 30
août 1968
(7)
, les organismes de droit public, tels que la commune d'Emmen, sont considérés comme des assujettis lorsqu'ils vendent ou
viabilisent des terrains. Conformément à la Wet op belastingen van rechtsverkeer (loi sur l'imposition des transactions juridiques)
de 1970
(8)
, aucun droit de mutation n'est dû lorsque la TVA s'applique.
II ─
Antécédents du litige et procédure
6. Au mois de juin 1992, la commune d'Emmen, qui est la partie appelante au principal (ci-après l'
appelante), a livré huit terrains non bâtis à un prix qui incluait un montant de TVA. Dans sa déclaration fiscale suivante, elle a
inscrit et acquitté une somme de 67 542 HFL de TVA au titre de ces livraisons. Avec l'accord écrit de l'inspecteur de la TVA
compétent, elle a immédiatement formé un recours dans lequel elle conteste l'obligation pour elle de payer cette somme au
Belastingdienst Grote Ondernemingen, qui est la partie intimée au principal (ci-après l'
intimé). Les lots concernés étaient tous situés autrefois sur un plan d'occupation des sols qui les destinait à un usage agricole
mais leur destination avait été modifiée et ils étaient devenus terrains à bâtir avant leur livraison. Sur instruction de
l'appelante, en effet, le plan d'occupation des sols avait été modifié et sa mise en oeuvre entamée, ce qui impliquait, notamment,
le placement de drains et de canalisations nécessaires à différents services, l'installation d'un système d'égouttage ainsi
qu'un certain nombre d'autres opérations
(9)
.
7. Le litige a été porté devant le Gerechtshof te Leeuwarden (ci-après la
juridiction nationale). La principale question qui divise l'appelante et l'intimé est celle de savoir si les huit lots sont à considérer comme
des
biens immeubles transformés (
vervaardigde onroerende zaken) au sens de la loi de 1968. L'appelante a soutenu devant la juridiction nationale que les travaux qui avaient été effectués
n'avaient pas transformé les lots en biens immeubles de cette nature et qu'en conséquence, aucune TVA n'était due. L'intimé
prétendait, quant à lui, qu'ils avaient été correctement classés en biens immeubles transformés, que ce soit en raison des
services dont chaque lot avait bénéficié ou en raison des travaux préparatoires qui avaient été effectués sur chacun des lots,
et il soutenait donc que leur livraison était donc bien soumise à la TVA.
8. Dans son ordonnance de renvoi, la juridiction nationale explique que, lorsqu'il a mis la sixième directive en oeuvre, le royaume
des Pays-Bas a choisi d'adapter la notion de
biens immeubles transformés (
vervaardigd onroerend goed), qui figurait déjà dans la loi de 1968, et de l'appliquer à la livraison de terrains, convaincu de mettre ainsi correctement
en oeuvre la sixième directive. Il en a résulté que l'exonération de TVA instituée par la sixième directive au bénéfice des
livraisons de terrains était applicable aux Pays-Bas sauf lorsque le bien immeuble concerné pouvait être considéré comme un bien immeuble transformé
au sens de la loi de 1968. La juridiction nationale se réfère à un arrêt que le Hoge Raad des Pays-Bas (qui est la Cour suprême
de ce pays) a rendu le 21 novembre 1990
(10)
(ci-après l'
arrêt de 1990) et dans lequel il a dit pour droit qu'à cette fin, la notion de
terrain à bâtir (
bouwterrein) devait être entendue comme se référant exclusivement aux
terrains aménagés (
bouwrijp gemaakte terreinen)
(11)
. Selon la juridiction nationale, le Hoge Raad s'est fondé sur un arrêt antérieur qu'il avait rendu le 12 mars
1980 (ci-après
l'
arrêt de 1980) et dans lequel il avait donné une interprétation stricte
(12)
.
9. La juridiction nationale considère que l'arrêt de 1980 concerne une affaire, et donc des faits, antérieurs à l'adaptation
de la législation néerlandaise au système prescrit par la sixième directive. Elle affirme en outre que, comme les exceptions
aux exonérations prévues par la sixième directive ne sont pas d'interprétation stricte, l'arrêt de 1980 n'est plus d'aucun
secours pour l'interprétation de la notion de
terrains aménagés
(13)
. Elle estime dès lors qu'en l'absence d'une définition plus précise de la notion de
terrain à bâtir dans la législation néerlandaise, il faut se référer à l'article 13 B, sous h), et à l'article 4, paragraphe 3, sous b),
de la sixième directive pour dégager la signification de l'expression
terrain aménagé.
10. Cette approche comportant l'interprétation de dispositions de droit communautaire, la juridiction nationale a décidé d'adresser
les questions suivantes à la Cour:
I. a)Convient-il de comprendre par
terrains aménagés, au sens de l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la directive, uniquement des terrains dont le sol lui-même a été apprêté
et/ou au profit desquels ont été réalisés des équipements qui ne présentent d'utilité que pour ces terrains mêmes ou
b)étant donné le fait que les exceptions aux dispositions d'exonération doivent être interprétées de façon extensive, est-il
déjà question de
terrains aménagés lorsque les terrains figurent sur un plan d'affectation tel que visé au point 2.3
(14)
, et que, avant la livraison et une première mise en service, des équipements d'infrastructure y ont déjà été apportés, tels
que:
-
- ─
le creusement de cunettes et l'installation d'un réseau d'égouts et de rues (servant aux travaux de construction);
-
- ─
l'installation de raccordements, tels qu'ils sont décrits au point 2.3
- 14
Les raccordements visés ici comprennent la pose, par les différentes entreprises de services publics, des câbles directeurs
pour l'installation d'une antenne collective, des raccordements des PTT et des canalisations principales pour les réseaux
de gaz, d'eau et d'électricité. Ces opérations impliquent normalement que l'on creuse, puis que l'on referme, des tranchées
destinées à recevoir les canalisations ou les câbles, ou les deux. Il apparaît clairement dans l'ordonnance de renvoi que
la juridiction nationale ne souhaite pas s'étendre sur l'ampleur différente des travaux qui ont effectivement été réalisés
sur chacun des huit lots de terrain qui sont en cause dans la procédure au principal.?
II. Pour le cas où la question énoncée sous I. a) appelle une réponse affirmative, convient-il que les deux conditions formulées
dans cette question soient réunies? Un terrain, qui figure sur un plan...