Goldsmiths (Jewellers) Ltd contra Commissioners of Customs & Excise.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:94
Docket NumberC-330/95
Celex Number61995CC0330
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date27 February 1997
EUR-Lex - 61995C0330 - FR 61995C0330

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 27 février 1997. - Goldsmiths (Jewellers) Ltd contre Commissioners of Customs & Excise. - Demande de décision préjudicielle: Value Added Tax Tribunal, Manchester - Royaume-Uni. - TVA - Sixième directive - Faculté de dérogation prévue à l'article 11, C, paragraphe 1 - Exclusion des opérations d'échange du remboursement en cas de non-paiement. - Affaire C-330/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-03801


Conclusions de l'avocat général

1 Par le présent renvoi préjudiciel, le Value Added Tax Tribunal, Manchester Tribunal Centre, demande à la Cour de préciser, par la voie de l'interprétation, la faculté de dérogation prévue à l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive en matière de TVA (1) (ci-après la «directive» ou la «sixième directive») dans le régime applicable à la réduction de la base d'imposition - en cas de constatation d'un non-paiement total ou partiel après l'achèvement de l'opération assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Plus précisément, la Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité d'une réglementation qui fait application de la disposition précitée, telle la réglementation édictée en l'espèce par le législateur britannique, et qui accorde le bénéfice du dégrèvement fiscal pour les opérations de vente contre paiement en argent, mais l'exclut, au contraire, pour les transactions dans lesquelles le prix est représenté autrement que par une somme d'argent.

Les faits

2 Les faits à l'origine du litige font intervenir deux sociétés: la société Goldsmiths (Jewellers) Ltd (ci-après «Goldsmiths»), qui exerce des activités de fabrication et de distribution d'articles de bijouterie, et la société RRI Ltd (ci-après «RRI»), spécialisée dans les opérations de troc et d'échange. Ces deux sociétés ont entamé des négociations commerciales portant sur la conclusion d'un contrat dans le cadre duquel Goldsmiths s'engageait à fournir à RRI des bijoux qu'elle n'avait pas pu vendre et, en contrepartie, RRI s'engageait à fournir certains services publicitaires.

3 En exécution de l'accord contractuel, Goldsmiths a livré à RRI des bijoux représentant une valeur de 202 809,47 UKL (comprenant un montant de TVA de 30 205,67 UKL mentionné par Goldsmiths dans la déclaration TVA correspondant à la période concernée et effectivement acquittée). RRI s'est engagée, pour sa part, à fournir à Goldsmiths des services publicitaires représentant un montant équivalent à celui des bijoux.

4 Après avoir procédé à la fourniture d'une première partie des services publicitaires qu'elle s'était engagée à fournir - pour une valeur de 68 678,03 UKL (comprenant un montant de 9 335 UKL à titre de TVA) -, RRI est devenue insolvable et a été déclarée en cessation de paiements. Le montant des prestations qu'elle n'avait pas fournies s'élevait donc à la somme de 135 162,12 UKL, comprenant un montant de 20 130,53 UKL au titre de la TVA.

5 A la suite de cette insolvabilité, Goldsmiths a considéré que les services publicitaires restant dus ne seraient plus fournis et a donc modifié sa déclaration de TVA pour la période clôturée le 28 février 1993. Elle a ainsi réduit le montant net de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant égal à celui à acquitter au titre de la TVA pour les prestations dues par RRI, désormais considérées comme passées par profits et pertes.

6 Les Commissioners of Customs and Excise se sont refusés à accorder à Goldsmiths le dégrèvement fiscal ainsi calculé. Le 1er juin 1993, un avis de mise en recouvrement de TVA d'un montant de 20 130 UKL, majoré des intérêts, a donc été délivré à Goldsmiths.

7 L'administration a pris cette décision sur la base de l'article 11, paragraphe 1, du Finance Act de 1990. En effet, comme le reconnaît d'ailleurs le juge de renvoi (2), cette disposition nationale limite le droit au remboursement de la TVA en cas de non-paiement total ou partiel et le réserve exclusivement aux cessions de biens ou de services effectuées en échange d'une «contrepartie en argent»: compte tenu de son libellé, la règle en question ne pouvait pas couvrir une prestation en nature telle que celle à laquelle RRI s'était engagée (3).

8 Estimant avoir néanmoins droit au dégrèvement fiscal pour le montant de la contrepartie qu'elle n'avait pas reçue, Goldsmiths a saisi le juge de renvoi devant lequel elle a fait valoir que la réglementation nationale était contraire à la sixième directive, et en particulier à son article 11, C, paragraphe 1, qui est libellé comme suit:

«En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

Toutefois, en cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger à cette règle.» (C'est nous qui soulignons).

Compte tenu de cette disposition, la réglementation nationale ne pouvait pas, selon la thèse de Goldsmiths, se limiter à instituer une exonération fiscale pour le seul cas du non-paiement de la contrepartie en argent prévue dans les contrats de vente, mais devait aussi étendre le bénéfice de l'exonération aux contrats prévoyant une contrepartie en nature. En effet, ce que le législateur communautaire a reconnu aux États membres serait, d'après la définition de Goldsmiths, une faculté «tout ou rien». Cela s'oppose, selon la demanderesse, à un choix sélectif ou partiel des conditions d'octroi d'un dégrèvement fiscal. Selon elle, le fait que le Royaume-Uni applique la règle de base aux opérations de vente implique, en définitive, l'impossibilité d'exercer la faculté de dérogation pour des opérations d'un autre type (4).

9 Confronté à ce problème d'interprétation, le Value Added Tax Tribunal, Manchester Tribunal Centre, a déféré à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La dérogation inscrite à l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil 77/388/CEE, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (`la sixième directive'), doit-elle être interprétée en ce sens qu'elle autorise un État membre qui adopte des dispositions visant à permettre le remboursement de la taxe en cas de créances irrécouvrables à exclure ce remboursement lorsque la contrepartie impayée n'était pas libellée en argent?»

Appréciation juridique

10 La question soulevée par le Value Added Tax Tribunal, Manchester Tribunal Centre, porte, en substance, sur les limites du cadre dans lequel les États membres peuvent exercer la faculté, qui leur est reconnue par la directive, de déroger au principe d'une «réduction due» de la base d'imposition, établi à l'article 11, C, paragraphe 1, de cette législation communautaire.

11 Nous sommes en présence d'une réglementation, édictée par le Finance Act britannique, qui, nous dit le juge de renvoi, accorde le dégrèvement fiscal prévu dans la directive pour certaines catégories de transactions, à savoir les ventes contre paiement d'une somme d'argent, mais non certaines autres, dans lesquelles la contrepartie est prévue en nature. Du point de vue du droit communautaire, cela soulève deux ordres de problèmes qui se présentent à la Cour selon une progression logique: le second problème se pose, ou non, selon la solution apportée au premier, ainsi que nous l'expliquerons plus loin.

La réduction de la base d'imposition est prescrite par la sixième directive pour une série d'hypothèses qu'elle énumère: 1) annulation, 2) résiliation, 3) résolution, 4) non-paiement total ou partiel, 5) réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération. En tout cas, le dégrèvement fiscal obéit aux conditions déterminées par les États membres, chacun dans son ordre juridique. La faculté de dérogation - c'est ce que la norme prévoit - n'est accordée au législateur national que pour ce qui concerne l'hypothèse figurant sous 4) dans l'énumération, à savoir le «non-paiement total ou partiel» (5). Dans cette hypothèse, l'État membre peut ne pas accorder le droit à la réduction fiscale, qu'il est tenu, au contraire, d'observer et d'appliquer dans les autres cas envisagés par la directive, selon les modalités qu'il estime devoir prescrire.

12 Le premier problème posé à la Cour impose de vérifier comment le législateur communautaire a entendu organiser la faculté de dérogation litigieuse qu'il a accordée. Cela signifie, plus précisément, qu'il s'agit de vérifier si l'État membre qui recourt à la faculté de dérogation doit indistinctement supprimer la réduction de la base d'imposition pour toutes les situations de non-paiement, ou s'il peut agir de manière différente, ce qui a précisément été fait par le législateur britannique. Dans le premier cas, le pouvoir ou la faculté de déroger serait, selon la prescription de la disposition communautaire à interpréter, conçue de manière «rigide»: c'est-à-dire comme imposant nécessairement, dans le domaine dans lequel elle peut s'exercer, d'exclure l'application de la réglementation communautaire uniforme, sans exceptions. Dans la seconde solution, la faculté de dérogation est, au contraire, discrétionnaire en un double sens: le législateur national peut non seulement décider ou non d'en faire usage, ce qui est constant, mais il est également libre de différencier le contenu des règles dérogatoires en fonction des exigences laissées à son appréciation.

13 La première thèse est celle soutenue par la défense de Goldsmiths et la seconde, avec des arguments divers, par le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni. Il faut préciser dès maintenant que, si c'est le premier de ces deux points de vue opposés qui est accueilli, le litige est immédiatement tranché la racine. La solution adoptée dans l'ordre...

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