The Queen contra Secretary of State for the Home Department, ex parte Abdulnasir Savas.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:579
Date25 November 1999
Celex Number61998CC0037
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-37/98
EUR-Lex - 61998C0037 - FR 61998C0037

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 25 novembre 1999. - The Queen contre Secretary of State for the Home Department, ex parte Abdulnasir Savas. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Association CEE-Turquie - Restrictions à la liberté d'établissement et au droit de séjour - Articles 13 de l'accord d'association et 41 du protocole additionnel - Effet direct - Portée - Ressortissant turc en situation irrégulière dans l'Etat membre d'accueil. - Affaire C-37/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-02927


Conclusions de l'avocat général

I - Cadre juridique et factuel de l'affaire au principal

1 Par ordonnance de la High Court of Justice, Queen's Bench Division du 24 avril 1997 inscrite au registre de la Cour de justice, le 16 février 1998, la Cour a été saisie pour la première fois d'une demande d'interprétation des dispositions de l'association CEE-Turquie concernant la liberté d'établissement. Les questions préjudicielles qui lui ont été déférées par le juge de renvoi, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) sont les suivantes

«(1) L'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, signé à Ankara le 12 septembre 1963 [pour la République de Turquie, d'une part et par les États membres de la CEE et la Communauté, d'autre part] (`l'accord') ainsi que le protocole additionnel signé à Bruxelles, le 23 novembre 1970 (`le protocole additionnel') doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils octroient des droits à un ressortissant national qui est (a) entré ou (b) demeuré sur le territoire d'un Etat membre en violation de la législation applicable dans cet Etat membre en matière en matière d'immigration ?

(2) Si la réponse à l'une ou l'autre des deux branches de la première question est affirmative, (a) l'article 13 de l'accord, ou (b) l'article 41 du protocole additionnel ont-ils un effet direct dans le cadre des dispositions légales nationales applicables dans les Etats membres ?

(3) Les dispositions combinées de l'accord et du protocole additionnel font-elles obstacles à l'application par un Etat membre d'une disposition de sa législation nationale qui refuse à un ressortissant turc l'autorisation de rester sur le territoire dudit Etat membre au seul motif que son autorisation d'entrer sur le territoire ou d'y séjourner a expiré ?

(4) Lorsque nonobstant les dispositions du droit national applicable, les autorités compétentes d'un Etat membre examinent, dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, une demande introduite par un ressortissant turc pour rester sur le territoire de cet Etat membre, l'autorité compétente est-elle tenue de prendre en considération, l'existence de l'accord en même temps que celle du protocole additionnel ?

(5) Si la réponse à la question 4 est affirmative, l'autorité compétente de l'Etat membre est-elle tenue de tenir compte du principe de proportionnalité lorsqu'elle fait usage de son pouvoir discrétionnaire ?

(6) Si la réponse à la question 5 est affirmative, quels sont les facteurs qui doivent être pris en considération par l'autorité nationale compétente lorsqu'elle détermine si l'expulsion est une mesure proportionnelle ?»

2 L'accord a été conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par décision 64/732/CEE (1) du Conseil du 23 décembre 1963. Cet accord a pour objet de «promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties, en tenant pleinement compte de la nécessité d'assurer le développement accéléré de l'économie de la Turquie et le relèvement du niveau de l'emploi et des conditions de vie du peuple turc, [pour faciliter] ultérieurement l'adhésion de la Turquie à la Communauté» (2). En vue de poursuivre ces objectifs, l'association instituée par l'accord en cause est articulée en i) une phase préparatoire, visant à permettre à la Turquie de renforcer son économie avec l'aide de la Communauté; ii) une phase transitoire, visant à une mise en oeuvre progressive d'une union douanière et au rapprochement des politiques économiques des parties contractantes; et iii) une phase définitive fondée sur l'union douanière qui implique le renforcement de la coordination des politiques économiques (3). Les règles d'application de la phase finale ont été définies dans la décision n_ 1/95 du Conseil d'association CE-Turquie (4).

L'article 13 de l'accord, mentionné dans l'ordonnance de renvoi figure sous le chapitre («Autres dispositions de caractère économique») du titre II («Mise en oeuvre de la phase transitoire») de l'accord et dispose que «les parties contractantes conviennent de s'inspirer des articles 52 à 56 inclus ainsi que 58 du traité instituant la Communauté [devenus 43, 44, 45, 46 et 48 CE (5)] pour éliminer entre elles les restrictions à la liberté d'établissement».

3 Le protocole additionnel - par lequel les parties contractantes ont entendu définir les conditions, les modalités et les rythmes de réalisation de la phase transitoire prévue par l'accord (voir ci-dessus, point 2) et qui a remplacé les protocoles qui avaient été annexés à l'accord à l'origine -, a été approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n_ 2760/72 du Conseil du 19 décembre 1972 (6). Conformément à ses articles 62 et 63, paragraphe 2, le protocole additionnel fait avec ses annexes partie intégrante de l'accord et il est entré en vigueur le 1er janvier 1973, c'est à dire le jour de l'adhésion du Royaume-Uni à la Communauté).

L'article 41 du protocole additionnel, c'est à dire la seconde disposition communautaire invoquée par le juge de renvoi, figure sous le chapitre II («Droit d'établissement, services et transports») du titre II («Circulations des personnes et des services») et dispose comme suit:

«1. Les parties contractantes s'abstiennent d'introduire entre elles de nouvelles restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services.

2. Le Conseil d'association fixe, conformément aux principes énoncés aux articles 13 et 14 de l'accord d'association, le rythme et les modalités selon lesquels les parties contractantes suppriment entre elles progressivement les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services. Le Conseil d'association fixe ce rythme et ces modalités pour les différentes catégories d'activités, en tenant compte des dispositions analogues déjà prises par la Communauté dans ces domaines, ainsi que de la situation particulière de la Turquie sur le plan économique et social. Une priorité sera accordée aux activités contribuant particulièrement au développement de la production et des échanges (7)».

Le conseil d'association n'a jusqu'à présent adopté aucune mesure sur la base de l'article 41, paragraphe 2 du protocole additionnel.

4 La présente affaire tire son origine de la demande dont M. Savas, ressortissant turc a saisi la High Court of Justice pour obtenir qu'elle exerce son contrôle sur i) la mesure par laquelle le Secretary of State for the Home Department (ci-après: le SSHD) lui a refusé l'autorisation de séjourner au Royaume-Uni comme travailleur indépendant ainsi que ii) la décision de mettre en oeuvre les mesures d'expulsion adoptées à l'encontre de M. Savas et de son épouse.

5 M. et Mme Savas sont entrés au Royaume-Uni le 22 décembre 1984, avec un visa régulier de tourisme valable pour un mois expressément assorti de l'interdiction d'occuper un emploi et d'exercer une activité commerciale, tant à titre salarié qu'indépendant. Selon le juge de renvoi, on ne sait pas quel emploi les époux Savas ont bien pu exercer, ni de quels moyens ils ont disposé du 21 janvier 1985, date d'expiration de leur visa d'entrée au Royaume-Uni à l'ouverture d'une entreprise de confection de chemises par M. Savas en novembre 1989. Les époux Savas ont cherché pour la première fois à régulariser leur séjour au Royaume-Uni en 1991. Par lettres des 31 janvier et 29 mai 1991, envoyées à l'Immigration et Nationality Departement of the Home Office (ci-après: l'«IND») par l'intermédiaire de leurs avocats, ils demandaient à être autorisés à rester au Royaume-Uni sur la base des dispositions pertinentes de droit national. Le 1er juillet 1991, l'IND a demandé aux époux Savas des informations sur leur situation financière. Toutefois, en raison d'un dysfonctionnement de ses services, l'IND n'a pas procédé dans les délais à l'examen des documents que les époux Savas lui ont fait parvenir par la suite. Après que M. Savas ait débuté des activités de restauration rapide en décembre 1992, le 21 juillet 1993, l'IND a répondu, en contactant les représentants des époux Savas qui ont fourni, à plusieurs reprises, d'autres informations, sur demandes de l'IND et du SSHD.

6 Le 21 mars 1994, le SSHD a refusé aux époux Savas l'autorisation qu'ils demandaient, et leur a notifié un avis d'expulsion. Dans l'exercice de ses pouvoirs discrétionnaires, le SSHD a examiné la demande des époux Savas sur la base du régime dit du permis de long séjour (long résidence concession), en vertu duquel une personne qui a dix ans ou plus de résidence continue légale au Royaume-Uni ou 14 ans de résidence continue - légale ou non - peut bénéficier, en raison de sa situation spécifique, d'un permis de séjour de durée illimitée. Cependant, selon le SSHD, les époux Savas ne remplissaient aucun de ces critères et ne pouvaient faire valoir aucune autre circonstance justifiant que le Secretary of State fasse usage de son pouvoir discrétionnaire en leur faveur, tels que l'existence de liens spécifiques avec le pays d'accueil ou éventuellement de motifs humanitaires.

Le recours introduit par les époux Savas contre la décision d'expulsion a été rejeté par l'Immigration Adjudicator par décision du 13 décembre 1994. La demande ultérieure présentée par M. Savas, visant à...

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