Commissioners of Customs and Excise contra Midland Bank plc.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:467
Docket NumberC-98/98
Celex Number61998CC0098
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date30 September 1999
61998C0098

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTONIO SAGGIO

présentées le 30 septembre 1999 ( *1 )

1.

Par la présente demande préjudicielle, la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division, vous demande de préciser les critères nécessaires à la reconnaissance du droit à déduction de la TVA grevant un service en amont, fourni à un assujetti à titre de conséquence d'une opération ouvrant droit à déduction en aval. Le litige pendant devant la juridiction de renvoi porte, en effet, sur la question de savoir si une banque d'affaires qui effectue à la fois des opérations exonérées et des opérations taxées est en droit de déduire la TVA en amont qu'elle a acquittée pour des services d'assistance juridique dont elle a bénéficié aussi bien pour une opération ouvrant droit à déduction que pour la défense en justice de ses intérêts dans le cadre d'une action en responsabilité civile dirigée contre elle du fait de déclarations mensongères qu'aurait effectuées un de ses dirigeants à l'occasion de ladite opération.

La réglementation communautaire

2.

L'article 2, deuxième alinéa, de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ( 1 ), (ci-après la «première directive TVA»), dispose que « À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. »

3.

L'article 17, paragraphes 1, 2, sous a), 3, sous c), et 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme ( 2 ) (ci-après la «sixième directive»), prévoit ce qui suit:

«1.

Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2.

Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)

la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti redevable de la taxe à l'intérieur du pays ( 3 ),

...

3.

Les États membres accordent également à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée visée au paragraphe 2 dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins:

...

c)

de ses opérations exonérées conformément à l'article 13 titre B points a) et d) 1 à 5, lorsque le preneur est établi en dehors de la Communauté ou lorsque ces opérations sont directement liées à des biens qui sont destinés à être exportés vers un pays en dehors de la Communauté.

...

5.

En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois les opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. »

Par ailleurs, l'article 17, paragraphe 5, définit plusieurs méthodes de calcul du «prorata» de la déduction, dont le choix est par conséquent laissé aux États membres.

L'article 13, partie B, sous d), de la sixième directive, auquel renvoie l'article 17, paragraphe 3, sous c), déclare exonérées certaines opérations effectuées à titre habituel par les banques (telles que l'octroi et la négociation de crédits, ainsi que la gestion de crédits, les sûretés et garanties, les opérations portant sur des fonds, des actions, des parts de société et autres titres similaires).

La réglementation nationale

4.

Le Royaume-Uni a transposé l'article 17, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive par l'application d'un «taux zéro» aux opérations qui y sont prévues, en les considérant en principe comme des opérations théoriquement taxées de telle sorte que le droit à déduction existe, mais en prévoyant dans le même temps qu'aucune taxe n'est perçue en pratique.

Il existe au Royaume-uni diverses méthodes permettant de calculer le montant de la TVA acquittée en amont susceptible d'être déduit dans le cas où l'assujetti utilise des biens ou services pour effectuer à la fois des opérations taxées et des opérations exonérées.

Les faits et les questions préjudicielles

5.

Le présent renvoi préjudiciel a pour origine un litige opposant les Commissioners of Customs and Excise (services de contrôle des douanes et des accises, ci-après les «Commissioners») à une banque d'affaires londonienne dénommée Samuel Montagu & Co. Ltd (faisant partie du groupe Midland Bank, ci-après la «Midland») qui fournit à la fois des services taxés et des services exonérés. Le litige porte sur la déductibilité de la TVA acquittée sur des services rendus à cette société par un cabinet d'avocats anglais (ci-après «Clifford Chance»).

En effet, le cabinet Clifford Chance avait exercé en faveur de la Midland des activités de consultation juridique afférentes à une opération d'acquisition d'une société cotée en bourse dénommée Mercantile House Holding (ci-après «Mercantile»), opération que la Midland s'était engagée à réaliser pour le compte de la société Quadrex Holdings Inc. (ci-après «Quadrex») dont le siège social se trouve dans l'État du Delaware, aux États-Unis.

La société British and Commonwealth Holding pic (ci-après «B & C») était elle aussi intéressée par l'opération en question. En août 1987, les sociétés B & C et Quadrex ont conclu entre elles un accord aux termes duquel B & C devait acheter la société Mercantile, puis en revendre à Quadrex la «Division des grosses opérations de courtage» («Wholesale Broking Division»).

L'accord n'a cependant pas abouti au résultat escompté puisque Quadrex n'a pas pu racheter à B & C la division précitée, faute de liquidités suffisantes. Celle-ci a donc assigné Quadrex en justice, pour inexécution contractuelle, au début de l'année 1988. De son côté, Quadrex a appelé en garantie la Midland. Puis B & C a intenté, en mars 1988, une action en dommages et intérêts contre la Midland en raison de déclarations mensongères qui auraient été faites à B & C par son directeur à propos des capacités financières de Quadrex. Pour se défendre en justice, la Midland s'est à nouveau adressée au cabinet d'avocats Clifford Chance. Le litige s'est clos par une transaction intervenue entre les parties concernées à la fin de l'année 1994.

Pour ses prestations de défense en justice, le cabinet Clifford Chance a facturé des honoraires de 1988 à 1995 ( 4 ).

6.

Les Commissioners ont estimé que les services litigieux d'assistance juridique, fournis à la Midland entre 1987 et 1995, n'étaient constitués que pour partie de prestations ouvrant droit à déduction de la TVA, avec pour conséquence qu'il n'était pas possible de déduire l'intégralité de la taxe en amont acquittée sur ces services; la taxe devait faire l'objet d'une ventilation entre les opérations taxées et les opérations exonérées et la Midland n'était en droit de déduire que la part de la taxe afférente aux opérations taxées.

La Midland a contesté cette décision des Commissioners devant le «Value Added Tax and Duties Tribunal», faisant valoir que l'ensemble des services d'assistance juridique, y compris ceux ayant trait à sa défense devant les juridictions, étaient imputables à la prestation taxée fournie par la Midland à Quadrex (assistance à la réalisation de l'opération financière précitée d'acquisition d'une branche d'activité par Quadrex).

Par décision du 15 mai 1996, la juridiction précitée a accueilli le recours, jugeant intégralement déductible la taxe en amont acquittée sur les sommes versées au cabinet Clifford Chance en contrepartie de ses services d'assistance juridique.

Les Commissioners se sont pourvus en appel contre cette décision devant la High Court of Justice, Queen's Bench Division, faisant valoir que, même si les services d'assistance juridique avaient été fournis à la Midland en sa qualité d'assujettie, ils étaient en grande partie liés à la défense de ses intérêts face aux actions en réparation introduites contre elle du fait d'actes susceptibles de lui être imputés, accomplis en même temps que la prestation fournie à Quadrex [cette dernière prestation fait partie des opérations ouvrant droit à déduction de la TVA puisqu'il s'agit, selon la réglementation britannique, d'une opération assortie d'une taxe «au taux zéro», c'est-à-dire par conséquent d'un service théoriquement taxé, et ce service relève de l'article 17, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive, précité, dès lors que la Midland a fourni un service à une société, Quadrex, qui a son siège statutaire en dehors de la Communauté européenne] ( 5 ).

En définitive, les Commissioners persistent à affirmer qu'ici, puisque Clifford Chance a fourni à la fois des services taxés et des services exonérés à un assujetti qui effectue aussi bien des opérations exonérées que des opérations taxées, la taxe en amont doit être fractionnée, et que seule la part de cette taxe afférente aux prestations taxées peut être déduite, par application de ce que prévoit l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive.

7.

C'est dans ces conditions que la High Court of Justice a décidé de saisir, par voie préjudicielle, la Cour de justice des questions suivantes:

«Selon l'exacte interprétation de la directive...

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