WB contra Notariusz Przemysława Bac.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:166
Celex Number62017CC0658
Date28 February 2019
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
Docket NumberC-658/17
62017CC0658

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 28 février 2019 ( 1 )

Affaire C‑658/17

WB

en présence de

Notariusz Przemysława Bac

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Okręgowy w Gorzowie Wielkopolskim (tribunal régional de Gorzów Wielkopolski, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) no 650/2012 – Article 3, paragraphe 1, sous g) et i) – Notion de “décision” et d’“acte authentique” en matière de successions – Article 3, paragraphe 2 – Notion de “juridiction” en matière de successions – Absence de notification par l’État membre concerné des notaires en tant que juridictions – Notion de “fonctions juridictionnelles” – Qualification juridique du certificat d’hérédité national – Règlement d’exécution (UE) no 1329/2014 – Formulaire et attestation »

I. Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous g) et i), et paragraphe 2, ainsi que de l’article 39, paragraphe 2, de l’article 46, paragraphe 3, sous b), et de l’article 79 du règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen ( 2 ), ainsi que sur l’interprétation des annexes 1 et 2 du règlement d’exécution (UE) no 1329/2014 de la Commission, du 9 décembre 2014, établissant les formulaires mentionnés dans le règlement no 650/2012 ( 3 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant WB à un notaire polonais qui a refusé de lui délivrer, en vue de la reconnaissance d’une copie du certificat d’hérédité relatif à la succession de son père dont elle est héritière, l’une des attestations, prévues par le règlement no 650/2012, confirmant que ce certificat est soit une décision, soit un acte authentique, en matière de successions.

3.

Selon le droit national, le certificat d’hérédité contient la liste des héritiers ou des légataires ainsi que les précisions utiles relatives à l’étendue de leurs droits successoraux ( 4 ) et constitue, à ce titre, une pièce maîtresse du règlement de la succession.

4.

Cette affaire offre l’occasion à la Cour d’apporter d’utiles précisions sur les contours des notions de « décision » et de « juridiction » au sens du règlement no 650/2012, en décidant, en particulier, si un notaire auquel le droit national attribue le pouvoir de délivrer des certificats d’hérédité exerce des « fonctions juridictionnelles ».

5.

À l’issue de notre analyse, nous proposerons à la Cour de répondre au Sąd Okręgowy w Gorzowie Wielkopolskim (tribunal régional de Gorzów Wielkopolski, Pologne) que le notaire polonais, chargé de délivrer un certificat d’hérédité, n’exerce pas de fonctions juridictionnelles. L’acte qu’il établit est, selon nous, un acte authentique, dont la délivrance de copie peut être accompagnée du formulaire, visé à l’article 59, paragraphe 1, du règlement no 650/2012, qui figure à l’annexe 2 du règlement d’exécution no 1329/2014, à la demande de toute personne intéressée par l’utilisation de cet acte dans un autre État membre.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Le règlement no 650/2012

6.

Les considérants 7, 20 à 22, 62, 67, 69 et 76 du règlement no 650/2012 énoncent :

« (7)

Il y a lieu de faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur en supprimant les entraves à la libre circulation de personnes confrontées aujourd’hui à des difficultés pour faire valoir leurs droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences transfrontières. Dans l’espace européen de justice, les citoyens doivent être en mesure d’organiser à l’avance leur succession. Les droits des héritiers et légataires, des autres personnes proches du défunt ainsi que des créanciers de la succession doivent être garantis de manière effective.

[...]

(20)

Le présent règlement devrait respecter les différents systèmes de règlement des successions applicables dans les États membres. Aux fins du présent règlement, il convient dès lors de donner au terme “juridiction” un sens large permettant de couvrir, non seulement les juridictions au sens strict qui exercent des fonctions juridictionnelles, mais également les notaires ou les services de l’état civil dans certains États membres qui, pour certaines questions successorales, exercent des fonctions juridictionnelles au même titre que les juridictions, et les notaires et les professionnels du droit qui, dans certains États membres, exercent des fonctions juridictionnelles dans le cadre d’une succession donnée en vertu d’une délégation de pouvoirs accordée par une juridiction. Toutes les juridictions au sens du présent règlement devraient être liées par les règles de compétence prévues dans le présent règlement. Inversement, le terme “juridiction” ne devrait pas viser les autorités non judiciaires d’un État membre qui, en vertu du droit national, sont habilitées à régler les successions, telles que les notaires dans la plupart des États membres, lorsque, comme c’est généralement le cas, ils n’exercent pas de fonctions juridictionnelles.

(21)

Le présent règlement devrait permettre à tous les notaires qui sont compétents en matière de successions dans les États membres d’exercer cette compétence. La question de savoir si les notaires d’un État membre donné sont ou non liés par les règles de compétence prévues dans le présent règlement devrait dépendre de la question de savoir s’ils relèvent ou non de la définition du terme “juridiction” aux fins du présent règlement.

(22)

Les actes dressés par des notaires en matière de successions dans les États membres devraient circuler dans le cadre du présent règlement. Lorsque les notaires exercent des fonctions juridictionnelles, ils sont liés par les règles de compétence, et les décisions qu’ils rendent devraient circuler conformément aux dispositions relatives à la reconnaissance, à la force exécutoire et à l’exécution des décisions. Lorsque les notaires n’exercent pas des fonctions juridictionnelles, ils ne sont pas liés par les règles de compétence juridictionnelle et les actes authentiques qu’ils dressent devraient circuler conformément aux dispositions relatives aux actes authentiques.

[...]

(62)

L’“authenticité” d’un acte authentique devrait être un concept autonome recouvrant des éléments tels que la véracité de l’acte, les exigences de forme qui lui sont applicables, les pouvoirs de l’autorité qui le dresse et la procédure suivie pour le dresser. Elle devrait également recouvrir les éléments factuels consignés dans l’acte authentique par l’autorité concernée, tels que le fait que les parties indiquées ont comparu devant ladite autorité à la date indiquée et qu’elles ont fait les déclarations qui y sont mentionnées. Une partie souhaitant contester l’authenticité d’un acte authentique devrait le faire devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine de l’acte authentique en vertu de la loi dudit État membre.

[...]

(67)

Afin de régler de manière rapide, aisée et efficace une succession ayant une incidence transfrontière au sein de l’Union, les héritiers, les légataires, les exécuteurs testamentaires ou les administrateurs de la succession devraient être à même de prouver facilement leur statut et/ou leurs droits et pouvoirs dans un autre État membre, par exemple dans un État membre où se trouvent des biens successoraux. À cette fin, le présent règlement devrait prévoir la création d’un certificat uniforme, le certificat successoral européen [...] qui serait délivré en vue d’être utilisé dans un autre État membre. Afin de respecter le principe de subsidiarité, ce certificat ne devrait pas se substituer aux documents internes qui peuvent exister à des fins similaires dans les États membres.

[...]

(69)

Le recours au certificat [successoral européen] ne devrait pas être obligatoire. Cela signifie que les personnes en droit de déposer une demande de certificat ne devraient pas avoir l’obligation de le faire, mais devraient être libres de recourir aux autres instruments mis à disposition dans le présent règlement (décisions, actes authentiques ou transactions judiciaires). Cependant, aucune autorité ou personne devant laquelle serait produit un certificat [successoral européen] délivré dans un autre État membre ne devrait être en droit de demander la production d’une décision, d’un acte authentique ou d’une transaction judiciaire en lieu et place du certificat.

[...]

(76)

De la même manière, afin de faciliter l’application du présent règlement et pour permettre le recours aux technologies modernes de communication, il convient de prévoir des formulaires types pour les attestations à fournir en lien avec la demande de déclaration constatant la force exécutoire d’une décision, d’un acte authentique ou d’une transaction judiciaire et pour la demande d’un certificat successoral européen, ainsi que pour le certificat lui-même. »

7.

Aux termes de l’article 3 de ce règlement :

« 1. Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

g)

“décision”, toute décision en matière de successions rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du procès ;

[...]

i)

“acte authentique”, un acte en matière de succession dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans un État membre et dont l’authenticité :

i...

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