Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola Pohjois-Savo – Kainuu ry contra Risto Mustonen y otros.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:394
Celex Number62017CC0674
Docket NumberC-674/17
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 May 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 8 mai 2019 (1)

Affaire C674/17

Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola Pohjois-Savo – Kainuu ry

en présence de

Risto Mustonen,

Kai Ruhanen,

Suomen riistakeskus

[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein hallinto‑oikeus (Cour administrative suprême, Finlande)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 92/43/CEE (“directive habitats”) – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Article 12, paragraphe 1, sous a) – Interdiction de mise à mort intentionnelle des espèces visées à l’annexe IV, sous a) – Espèce Canis lupus (loup) – Article 16, paragraphe 1, sous e) – Dérogation – Conditions – Pratique dite de la “chasse de gestion” »






I. Introduction

1. Par sa demande de décision préjudicielle, le Korkein hallinto‑oikeus (Cour administrative suprême, Finlande) interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 16, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/43/CEE (2), communément appelée « directive habitats ».

2. Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant le Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola – Pohjois‑Savo Kainuu ry (association de défense de l’environnement Tapiola – Pohjois‑Savo Kainuu, ci‑après « Tapiola ») au Suomen riistakeskus (Office finlandais de la faune sauvage, ci‑après « l’Office »). Tapiola sollicite de la juridiction de renvoi l’annulation de deux décisions par lesquelles l’Office avait, pour l’année cynégétique 2015‑2016, autorisé l’abattage de loups dans le cadre de la pratique de la chasse dite « de gestion ».

3. Cette pratique avait essentiellement pour objectif d’accroître la « tolérance sociale » des habitants des zones avoisinant celles occupées par les loups par rapport à la présence de ceux‑ci, dans le but de réduire le braconnage et d’améliorer ainsi l’état de conservation de la population de loups. La juridiction de renvoi cherche à savoir si, et le cas échéant à quelles conditions, les États membres peuvent autoriser la chasse de gestion sur le fondement de l’article 16, paragraphe 1, sous e), de la directive habitats. Cette disposition permet, dans le respect d’un certain nombre de conditions, aux États membres de déroger à leur obligation d’assurer l’interdiction de mise à mort intentionnelle des loups en tant que spécimens d’une espèce strictement protégée au titre de cette directive.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. Aux termes de l’article 1er, sous g), de la directive habitats, les « espèces d’intérêt communautaire » sont celles qui, sur le territoire visé à l’article 2 de cette directive, sont « en danger », « vulnérables », « rares » ou « endémiques et [requérant] une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat et/ou des incidences potentielles de leur exploitation sur leur état de conservation ». Ces espèces « figurent ou sont susceptibles de figurer à l’annexe II et/ou IV ou V ».

5. L’article 1er, sous i), de ladite directive définit l’« état de conservation d’une espèce » comme « l’effet de l’ensemble des influences qui, agissant sur l’espèce, peuvent affecter à long terme la répartition et l’importance de ses populations sur le territoire visé à l’article 2 » et énonce les critères permettant de considérer l’état de conservation d’une espèce comme étant « favorable ».

6. L’article 2 de la même directive dispose :

« 1. La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique.

2. Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire.

3. Les mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales. »

7. L’article 12, paragraphe 1, de la directive habitats prévoit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV, point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant :

a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ;

[...] »

8. À l’annexe IV, point a), de cette directive figure, au nombre des espèces animales présentant un intérêt communautaire et nécessitant une protection stricte, l’espèce Canis lupus, communément appelée loup, à l’exception, notamment, des « populations finlandaises à l’intérieur de la zone de gestion des rennes ».

9. L’article 16, paragraphe 1, de ladite directive énonce :

« À condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les États membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l’article 15[,] points a) et b) :

a) dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ;

b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;

c) dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ;

d) à des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ;

e) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié par les autorités nationales compétentes de certains spécimens des espèces figurant à l’annexe IV. »

B. Le droit finlandais

1. Les lois sur la chasse

10. Conformément à l’article 37, troisième alinéa, de la loi n° 615/1993 sur la chasse, telle que modifiée par la loi n° 159/2011 (ci‑après la « loi sur la chasse »), le loup est placé sous un régime de protection permanente. L’article 41, premier alinéa, de cette loi habilite, toutefois, l’Office à autoriser des dérogations à la protection ainsi prévue sous réserve du respect des conditions énoncées aux articles 41a à 41c de ladite loi.

11. L’article 41, quatrième alinéa, de la loi sur la chasse prévoit qu’un décret gouvernemental peut fixer des règles concernant la procédure d’octroi, les conditions et les modalités des dérogations. Selon l’article 41, cinquième alinéa, de cette loi, le nombre annuel de prises opérées sur la base des dérogations peut être plafonné par arrêté du ministère de l’Agriculture et des Forêts.

12. L’article 41a, premier alinéa, de la loi sur la chasse constitue la transposition en droit finlandais de l’article 16, paragraphe 1, sous a) à d), de la directive habitats. L’article 41a, troisième alinéa, de cette loi transpose l’article 16, paragraphe 1, sous e), de cette directive en disposant qu’« [u]ne dérogation concernant le loup [...] peut être accordée également pour capturer ou abattre de manière sélective et limitée certains spécimens dans des conditions strictement contrôlées ».

2. Le décret gouvernemental nº 452/2013

13. L’article 3 du décret gouvernemental nº 452/2013 prévoit qu’une dérogation au titre de l’article 41a, troisième alinéa, de la loi sur la chasse peut être accordée pour capturer ou mettre à mort des loups dans la zone de gestion des rennes entre le 1er octobre et le 31 mars, et, dans le reste du pays, entre le 1er novembre et le 31 mars.

14. L’article 4, premier alinéa, de ce décret dispose qu’une dérogation ne peut être octroyée que pour un territoire délimité dans lequel les conditions énoncées à l’article 41a de la loi sur la chasse sont remplies. L’article 4, troisième alinéa, dudit décret précise que les dérogations prévues à l’article 41a, troisième alinéa, de la loi sur la chasse ne peuvent être accordées que pour chasser dans des zones où l’espèce concernée est fortement représentée.

3. Les arrêtés du ministère de l’Agriculture et des Forêts

15. Pour l’année cynégétique 2015‑2016, l’article 1er de l’arrêté nº 1488/2015 du ministère de l’Agriculture et des Forêts relatif à la chasse au loup autorisée par dérogation en dehors de la zone de gestion des rennes (ci‑après l’« arrêté nº 1488/2015 »), adopté sur le fondement de l’article 41, cinquième alinéa, de la loi sur la chasse, fixait à 46 le nombre maximal de spécimens dont la prise pouvait être autorisée au titre de l’article 41a, troisième alinéa, de cette loi.

16. En ce qui concerne chacune des années cynégétiques de la période 2016‑2018, l’article 1er de l’arrêté nº 1335/2016 du ministère de l’Agriculture et des Forêts relatif à la chasse au loup autorisée par dérogation en dehors de la zone de gestion des rennes (ci‑après l’« arrêté nº 1335/2016 »), limitait à 53 le nombre de spécimens pouvant être prélevés sur la base des dérogations visées à l’article 41, premier alinéa, de la loi sur la chasse prises dans leur ensemble. Selon l’article 3, troisième alinéa, de cet arrêté, ce nombre incluait également les loups supprimés sur ordre de la police, tués à cause de la circulation ou dont la mort avait été constatée de quelque autre manière.

4. Le plan de gestion de la population de loups

17. Le 22 janvier 2015, le ministère de l’Agriculture et des Forêts a adopté un nouveau plan de gestion de la population de loups en Finlande (ci‑après le « plan de gestion ») (3). Ce plan visait à rétablir et à maintenir cette population dans un état de conservation...

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