Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 10 de octubre de 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:852
Date10 October 2019
CourtCourt of Justice (European Union)
Celex Number62018CC0384

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 10 octobre 2019 (1)

Affaire C384/18

Commission européenne

contre

Royaume de Belgique

« Manquement d’État – Directive 2006/123/CE – Article 25 – Restrictions aux activités pluridisciplinaires des comptables »






1. Par le présent recours en manquement, la Commission demande à la Cour de constater que, premièrement, en interdisant l’exercice conjoint d’activités de comptable, d’une part, et d’activités de courtier, d’agent d’assurance, d’agent immobilier ou de toute activité bancaire ou de services financiers, d’autre part, et, deuxièmement, en permettant aux chambres de l’Institut professionnel des comptables et fiscalistes agrées (ci-après l’« IPCF ») d’interdire l’exercice conjoint d’activités de comptable, d’une part, et de toute activité artisanale, agricole et commerciale, d’autre part, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 25 de la directive 2006/123/CE (2) et de l’article 49 TFUE.

2. À la suite d’une demande de la Cour, les présentes conclusions se limitent à la question de savoir si la solution retenue par la Cour dans l’arrêt Wouters e.a. (3)est transposable au cas d’espèce.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3. Les considérants 97 et 101 de la directive 2006/123 énoncent :

« (97) Il y a lieu de prévoir dans la présente directive des règles garantissant un niveau de qualité élevé pour les services et notamment des exigences en matière d’information et de transparence. Ces règles devraient s’appliquer tant à la fourniture de services transfrontaliers entre États membres qu’aux services fournis dans un État membre par un prestataire établi sur son territoire, sans imposer de contraintes non nécessaires aux PME. Elles ne devraient en aucune manière empêcher les États membres d’appliquer, dans le respect de la présente directive et des autres dispositions du droit communautaire, d’autres exigences ou des exigences supplémentaires en matière de qualité.

[...]

(101) Il est nécessaire et dans l’intérêt des destinataires, en particulier des consommateurs, de veiller à ce qu’il soit possible aux prestataires d’offrir des services pluridisciplinaires et à ce que les restrictions à cet égard soient limitées à ce qui est nécessaire pour assurer l’impartialité, l’indépendance et l’intégrité des professions réglementées. Ceci ne porte pas atteinte aux restrictions ou interdictions de mener des activités spécifiques qui visent à assurer l’indépendance dans les cas où un État membre charge un prestataire d’une tâche particulière, notamment dans le domaine du développement urbain ; ceci ne devrait pas non plus affecter l’application des règles de concurrence. »

4. L’article 25 de cette directive dispose :

« 1. Les États membres veillent à ce que les prestataires ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l’exercice conjoint ou en partenariat d’activités différentes.

Toutefois, les prestataires suivants peuvent être soumis à de telles exigences :

a) les professions réglementées, dans la mesure où cela est justifié pour garantir le respect de règles de déontologie différentes en raison de la spécificité de chaque profession, et nécessaire pour garantir l’indépendance et l’impartialité de ces professions ;

b) les prestataires qui fournissent des services de certification, d’accréditation, de contrôle technique, de tests ou d’essais, dans la mesure où ces exigences sont justifiées pour garantir leur indépendance et leur impartialité.

2. Lorsque des activités pluridisciplinaires entre les prestataires visés au paragraphe 1, points a) et b), sont autorisées, les États membres veillent à :

a) prévenir les conflits d’intérêts et les incompatibilités entre certaines activités ;

b) assurer l’indépendance et l’impartialité qu’exigent certaines activités ;

c) assurer que les règles de déontologie des différentes activités sont compatibles entre elles, en particulier en matière de secret professionnel.

3. Dans le rapport prévu à l’article 39, paragraphe 1, les États membres indiquent les prestataires soumis aux exigences visées au paragraphe 1 du présent article, le contenu de ces exigences et les raisons pour lesquelles ils estiment qu’elles sont justifiées. »

Le droit belge

5. L’article 21 du code de déontologie de l’IPCF, approuvé par l’arrêté royal du 22 octobre 2013 (ci-après le « code de déontologie IPCF »), était à l’époque ainsi libellé :

« 1. La profession de comptable IPCF externe est incompatible avec toute activité artisanale, agricole ou commerciale, qu’elle soit exercée directement ou indirectement, individuellement ou en association ou en société, comme indépendant, en tant que gérant, administrateur, dirigeant d’entreprise ou associé actif.

2. Hormis les activités mentionnées au paragraphe 3, les Chambres peuvent, sur demande préalable et écrite d’un comptable IPCF externe, déroger à cette règle pour autant que l’indépendance et l’impartialité du membre ne soient pas mises en péril et que cette activité soit accessoire. Cette décision est toujours révocable par les chambres.

Le Conseil peut en outre toujours prévoir des dérogations via une directive générale pour certaines activités du secteur artisanal, agricole ou commercial, autres que les cellules mentionnées au paragraphe 3. Le conseil peut également déterminer des directives en vertu desquelles les incompatibilités ne sont temporairement pas d’application en cas de succession. Le comptable IPCF externe, qui tombe sous le couvert des directives fixées par le Conseil, doit en informer la Chambre par écrit.

3. Les activités professionnelles suivantes sont quant à elles toujours considérées comme mettant en péril l’indépendance et l'impartialité du comptable externe : celles de courtier ou d’agent d’assurance, celles d’agent immobilier sauf l’activité de syndic et toutes les activités bancaires et les activités de services financiers pour lesquelles l’inscription auprès de l’Autorité des Services et Marchés Financiers (FSMA) est requise. »

6. L’arrêté royal du 22 octobre 2013 a été abrogé par l’arrêté royal du 18 juillet 2017 portant approbation du code de déontologie IPCF (ci‑après le « nouveau code de déontologie IPCF »). Le nouvel article 21 du code de déontologie IPCF prévoit :

« 1. Sous réserve des activités visées au paragraphe 2, l’exercice d’activités pluridisciplinaires, en tant que personne physique ou en tant que personne morale, est autorisé par les Chambres, sur demande écrite d’un comptable IPCF externe, pour autant que l’indépendance et l’impartialité du membre ne soient pas mises en péril.

2. Les activités professionnelles suivantes, qu’elles soient exercées en tant que personne physique ou en tant que personne morale, sont toujours considérées comme mettant en péril l’indépendance et l’impartialité du comptable IPCF externe: celle de courtier ou d’agent d’assurances, celle d’agent immobilier, sauf l’activité de syndic, ainsi que toutes les activités bancaires et toutes les activités de services financiers pour lesquelles l’inscription auprès de [la FSMA] est requise. »

7. L’article 458 du code pénal du 8 juin 1867, dans sa version en vigueur à l’époque des faits (4), prévoit :

« Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d’enquête parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cent euros à cinq cents euros. »

Les antécédents du litige

La procédure précontentieuse

8. Le 17 mars 2015, la Commission a ouvert la procédure EU Pilot 7402/15/GROW en demandant au Royaume de Belgique de lui fournir des informations relatives à l’interdiction, pour les comptables agréés, de combiner leurs activités de comptable avec certaines autres activités, et de préciser les motifs pour lesquels des activités du secteur artisanal, agricole ou commercial pouvaient être considérées comme incompatibles avec la profession de comptable.

9. Cet État membre a répondu aux questions de la Commission par lettre du 29 mai 2015.

10. N’étant pas satisfaite de la réponse, la Commission a envoyé audit État membre, le 11 décembre 2015, une lettre de mise en demeure par laquelle elle soutenait que l’article 21 du code de déontologie IPCF n’était pas conforme avec l’article 25 de la directive 2006/123 et l’article 49 TFUE.

11. Par lettres du 12 avril et du 6 juillet 2016, le Royaume de Belgique a contesté l’infraction reprochée en expliquant les raisons pour lesquelles il considérait que la réglementation nationale était conforme au droit de l’Union.

12. Le 18 novembre 2016, la Commission a adressé un avis motivé à cet État membre, qui y a répondu le 12 janvier 2017. N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a décidé, le 13 juillet 2017, d’introduire un recours en manquement. Le 4 août 2017, le Royaume de Belgique a notifié à la Commission le nouveau code de déontologie IPCF, qu’il considérait conforme au droit de l’Union.

La procédure devant la Cour

13. Ne partageant pas l’avis de cet État membre, la Commission a introduit le présent recours en manquement. La requête de la Commission a été déposée le 8 juin 2018.

14. Le Royaume de Belgique et la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 23 mai 2019.

Analyse

Argumentation des parties

La Commission

15. La Commission fait valoir que l’objectif de l’article 25 de la directive 2006/123 est d’assurer que les États membres n’empêchent pas l’exercice des services pluridisciplinaires. Elle souligne que, jusqu’à sa modification, l’article 21, paragraphe 1, du code de déontologie IPCF interdisait l’exercice...

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