Conclusiones del Abogado General Sr. G. Hogan, presentadas el 8 de mayo de 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:392
Date08 May 2019
CourtCourt of Justice (European Union)
Celex Number62018CC0168

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD WILLIAM HOGAN

présentées le 8 mai 2019 (1)

Affaire C168/18

Pensions – Sicherungs – Verein VVaG

contre

Günther Bauer

[demande de decision préjudicielle du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail), (Allemagne)]

« Demande de decision préjudicielle – Protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de leur employeur – Directive 2008/94/CE – Article 8 – Régimes complémentaires de prévoyance – Protection des droits à des prestations de vieillesse – Champ d’application – Compensation par l’ancien employeur d’une réduction antérieure de la retraite – Niveau minimal de protection garanti – Effet direct à l’encontre d’un organisme de prévoyance professionnelle complémentaire »






1. L’article 8 de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO 2008, L 283, p. 36) impose-t-il à un organisme de garantie contre le risque d’insolvabilité en charge des retraites professionnelles de reprendre, à sa charge, les versements qu’un employeur, actuellement en état d’insolvabilité, avait l’obligation d’effectuer à un ancien travailleur salarié en vue de se conformer à une obligation légale ? Même s’il s’agit de la question essentielle qui se pose dans le cadre du présent renvoi préjudiciel du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne), ledit renvoi invite également la Cour à se prononcer, une fois encore, sur la portée et l’interprétation de cette disposition.

2. Cette obligation découle du droit national, en vertu duquel les employeurs doivent compenser toute réduction dans les prestations de retraite servies par une caisse de retraite lorsque ces prestations sont payées sur la base de cotisations versées par l’employeur.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 80/987

3. La directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO 1980, L 283, p. 23) disposait, en son article 8, ce qui suit :

« Les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droit en cours d’acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale ».

4. La directive 80/987 a été remplacée par la directive 2008/94 qui est entrée en vigueur le 17 novembre 2008.

2. La directive 2008/94

5. Les considérants 3, 6, 7 et 9 de la directive 2008/94 stipulent :

« (3) Des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur et pour leur assurer un minimum de protection, en particulier pour garantir le paiement de leurs créances impayées, en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté. À cet effet, les États membres devraient mettre en place une institution qui garantisse aux travailleurs concernés le paiement des créances impayées des travailleurs.

[…]

(6) En vue d’assurer la sécurité juridique des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité des entreprises exerçant leurs activités dans plusieurs États membres et de consolider les droits des travailleurs salariés dans le sens de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, il convient de prévoir des dispositions qui déterminent explicitement l’institution compétente pour le paiement des créances impayées de ces travailleurs dans ces cas et qui fixent pour objectif à la coopération entre les administrations compétentes des États membres le règlement, dans les délais les plus brefs, des créances impayées desdits travailleurs. […]

(7) Les États membres peuvent fixer des limites à la responsabilité des institutions de garantie, limites qui doivent être compatibles avec l’objectif social de la directive et peuvent prendre en considération les différents niveaux de créances.

[…]

(9) […] Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, la présente directive n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. »

6. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/94 dispose :

« La présente directive s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1 ».

7. Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de cette directive :

« La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition des termes “travailleur salarié”, “employeur”, “rémunération”, “droit acquis” et “droit en cours d’acquisition”.

Toutefois, les États membres ne peuvent exclure du champ d’application de la présente directive :

a) les travailleurs à temps partiel au sens de la directive 97/81/CE ;

b) les travailleurs ayant un contrat à durée déterminée au sens de la directive 1999/70/CE ;

c) les travailleurs ayant une relation de travail intérimaire au sens de l’article 1er, point 2), de la directive 91/383/CEE ».

8. L’article 8 de la directive 2008/94 est libellé comme suit :

« Les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droits en cours d’acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale. »

9. L’article 11, premier alinéa, de la directive 2008/94 dispose :

« La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs salariés. »

B. Le droit national

10. L’article 1er de la Gesetz zur Verbesserung der betrieblichen Altersversorgung (Betriebsrentengesetz) (Loi sur l’amélioration des retraites professionnelles, ci-après la « loi sur les retraites »), intitulé « Octroi d’une retraite professionnelle par l’employeur », tel que modifié, en dernier lieu, par la loi du 17 août 2017, dispose :

« Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux pensions de vieillesse […] octroyées par un employeur à un travailleur salarié sur la base de la relation de travail (retraite profesionnelle). Les prestations de retraite professionnelle peuvent être servies directement par l’employeur ou par l’intermédiaire de l’un des organismes d’assurance mentionnés à l’article 1b, paragraphes 2 à 4. L’employeur reste tenu de garantir l’exécution des prestations qu’il a octroyées même s’il n’en assure pas directement le service ».

11. L’article 1b de la loi sur les retraites énumère entre autres choses les possibilités ouvertes à un employeur en matière de retraite professionnelle. En substance, il prévoit que l’employeur peut souscrire à une assurance sur la vie du travailleur salarié (paragraphe 2) ou que les prestations de retraite professionnelle peuvent être servies par une Pensionskasse (caisse de retraite) – comme en l’espèce – ou par un Pensionsfonds (fonds de pension) (paragraphe 3) ou par ce qu’on appelle une « Unterstützungskasse » (caisse de prévoyance) (paragraphe 4).

12. L’article 7, paragraphe 1, de la loi sur les retraites, intitulé « Niveau de couverture », dispose :

« (1) Les bénéficiaires d’une prestation […] dont les prestations sont servies directement par l’employeur, mais ne peuvent pas être honorées au motif qu’une procédure d’insolvabilité a été ouverte sur le patrimoine ou la succession de celui-ci, peuvent engager une action à l’encontre de l’organisme de garantie contre le risque d’insolvabilité, à concurrence du montant de la prestation que l’employeur l’ayant octroyée aurait dû verser si la procédure d’insolvabilité n’avait pas été ouverte. […] »

13. L’article 10, paragraphe 1, de la loi sur les retraites, intitulé « Obligation de cotiser et calcul des cotisations » prévoit :

« Les ressources nécessaires à la mise en œuvre de la garantie contre le risque d’insolvabilité sont réunies, au titre d’une obligation de droit public, au moyen de cotisations versées par tous les employeurs qui ont octroyé des prestations de retraite professionnelle servies soit directement soit en vertu d’une assurance directe (Direktversicherung) (assurance-vie conclue par l’employeur en faveur du travailleur salarié) […] ou selon le régime d’une caisse de prévoyance ou d’un fonds de pension ».

14. L’article 14 de la loi sur les retraites, intitulé « Organisme de garantie contre le risque d’insolvabilité », indique que l’organisme de garantie contre le risque d’insolvabilité est le Pensions – Sicherungs – Verein Versicherungsverein auf Gegenseitigkeit.

15. Conformément à l’accord du 22 septembre 2000 entre la République fédérale d’Allemagne et le Grand Duché de Luxembourg concernant la coopération dans le domaine de la garantie des retraites professionnelles en cas d’insolvabilité, ledit organisme est également l’organisme de garantie contre le risque d’insolvabilité pour les prestations de retraite professionnelle octroyées par les sociétés établies au Grand-Duché de Luxembourg.

II. Le litige au principal et les questions préjudicielles

16. En décembre 2000, le...

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