Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 28 de mayo de 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:402
Date28 May 2020
Celex Number62019CC0049
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 28 mai 2020 (1)

Affaire C49/19

Commission européenne

contre

République portugaise

« Manquement d’État – Directive 2002/22/CE – Communications électroniques – Financement des obligations de service universel – Mécanisme de répartition – Principes de transparence, de distorsion minimale du marché, de non‑discrimination et de proportionnalité »






I. Introduction

1. La directive 2002/22/CE (2) entend « créer un cadre réglementaire harmonisé qui garantisse la fourniture d’un service universel, c’est‑à‑dire d’un ensemble minimal de services déterminés à tous les utilisateurs finals à un prix abordable » (3), et traduit l’importance de l’accès de tous à certains services essentiels en matière de télécommunications. Les obligations de service universel mises en place par cette directive visent ainsi à pallier certains effets négatifs que la libéralisation du marché des télécommunications pourrait entraîner dans certaines zones géographiques ou pour certaines personnes dans l’Union européenne, qui se verraient sinon privées d’accès à des services indispensables (4).

2. Pour assurer la fourniture de ces services essentiels, les États membres peuvent charger une ou plusieurs entreprises de la fourniture du service universel. Cependant, ces obligations de service universel peuvent, dans certaines circonstances, n’être assumées qu’à perte par les entreprises qui en ont la charge ou à un coût net qui dépasse les conditions normales d’exploitation commerciale (5). Dans une telle situation, les États membres établissent un mécanisme de financement de ces coûts afférents aux obligations de service universel. Deux solutions s’offrent à eux selon l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2002/22 : l’utilisation de fonds publics pour indemniser le fournisseur en charge du service universel pour la charge qu’il supporte ou l’instauration d’un mécanisme de répartition des coûts nets liés au service universel, auquel contribuent les différents opérateurs de télécommunications. La République portugaise a opté pour cette seconde solution.

3. Le mécanisme de répartition prévu par la République portugaise présente toutefois une particularité. En effet, ce mécanisme prévoit notamment la mise en place d’une contribution extraordinaire visant à compenser les coûts afférents au service universel encourus avant la création du mécanisme de répartition. C’est la compatibilité de cette particularité avec l’article 13, paragraphe 3, et l’annexe IV, partie B, de la directive 2002/22 que met en cause la Commission européenne, estimant que la contribution extraordinaire en question ne respecte pas les exigences auxquelles doit répondre un mécanisme de répartition, telles que prévues par ces dispositions, à savoir les principes de transparence, de proportionnalité, de distorsion minimale de concurrence et de non‑discrimination.

4. Par le présent recours en manquement, la Commission demande ainsi à la Cour de juger que, en établissant une contribution extraordinaire à la répartition du coût net afférent aux obligations de service universel à partir de l’année 2007, conformément à la Lei n.° 35/2012 do Fundo de Compensação do Serviço Universal (loi nº 35/2012 sur le fonds de compensation du service universel), du 23 août 2012 (6), dans sa version applicable à la présente affaire, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphe 3, et de l’annexe IV, partie B, de la directive 2002/22.

5. La présente affaire offre donc à la Cour l’occasion de préciser la portée des exigences auxquelles doit répondre un mécanisme de répartition des coûts nets afférents au service universel.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6. Les considérants 18 à 21 et 23 de la directive 2002/22 énoncent :

« (18) Les États membres devraient, lorsqu’il y a lieu, établir des mécanismes de financement du coût net afférent aux obligations de service universel dans les cas où il est démontré que ces obligations ne peuvent être assumées qu’à perte ou à un coût net qui dépasse les conditions normales d’exploitation commerciale. Il importe de veiller à ce que le coût net découlant des obligations de service universel soit correctement calculé et que les financements éventuels entraînent un minimum de distorsions pour le marché et les entreprises, et sont compatibles avec les dispositions des articles [107 et 108 TFUE].

(19) Le calcul du coût net du service universel devrait tenir dûment compte des dépenses et des recettes, ainsi que des avantages immatériels découlant de la fourniture du service universel, mais ne devrait pas compromettre l’objectif général d’une structure des tarifs qui rende compte des coûts. Les coûts nets qui découlent des obligations de service universel devraient être calculés selon des procédures transparentes.

(20) Tenir compte des avantages immatériels revient à dire qu’une estimation, en termes monétaires, des avantages indirects qu’une entreprise tire du fait de sa position en tant que fournisseur du service universel, devrait être déduite du coût net direct des obligations de service universel afin de déterminer le coût d’ensemble.

(21) Lorsqu’une obligation de service universel représente une charge excessive pour une entreprise, il y a lieu d’autoriser les États membres à établir des mécanismes efficaces de couverture des coûts nets. L’une des méthodes de couverture des coûts nets afférents aux obligations du service universel est le prélèvement sur des fonds publics. Il est également envisageable de compenser les coûts nets établis en mettant l’ensemble des utilisateurs à contribution de manière transparente par le biais de taxes prélevées sur les entreprises. Les États membres devraient être en mesure de financer les coûts nets des différents éléments du service universel par des mécanismes divers et/ou de financer les coûts nets de certains éléments ou de tous ces éléments soit par l’un de ces mécanismes soit par une combinaison des deux. Dans le cas d’une mise à contribution des entreprises, les États membres devraient veiller à ce que la méthode de répartition du prélèvement s’appuie sur des critères objectifs et non discriminatoires et respecte le principe de proportionnalité. Ce principe n’empêche pas les États membres d’exempter de contribution les nouveaux arrivants dont la part de marché n’est pas encore significative. Les mécanismes de financement devraient avoir pour but d’assurer la participation des acteurs du marché au seul financement des obligations de service universel, et non à des activités qui ne seraient pas directement liées à la fourniture du service universel. Les mécanismes de couverture devraient, dans tous les cas, respecter les principes du droit communautaire et, en particulier dans le cas de mécanismes de répartition du financement, ceux de la non‑discrimination et de la proportionnalité. Un mécanisme de financement devrait être conçu de telle manière que les utilisateurs d’un État membre ne contribuent pas à la couverture des coûts du service universel dans un autre État membre, par exemple lorsqu’ils effectuent des appels d’un État membre à l’autre.

[...]

(23) Le coût net des obligations de service universel peut être réparti entre toutes les entreprises ou certains groupes spécifiés d’entreprises. Les États membres devraient veiller à ce que le mécanisme de répartition respecte les principes de transparence, de distorsion minimale du marché, de non‑discrimination et de proportionnalité. Par “distorsion minimale du marché”, on entend que les contributions devraient être récupérées d’une manière qui, dans la mesure du possible, réduise au minimum l’incidence de la charge financière supportée par les utilisateurs finals, par exemple par une répartition des contributions aussi large que possible. »

7. L’article 12 de la directive 2002/22, intitulé « Calcul du coût des obligations de service universel », prévoit :

« 1. Lorsque les autorités réglementaires nationales estiment que la fourniture du service universel, telle qu’elle est énoncée dans les articles 3 à 10, peut représenter une charge injustifiée pour les entreprises désignées comme fournisseurs de service universel, elles calculent le coût net de cette fourniture.

À cette fin, les autorités réglementaires nationales :

a) calculent le coût net de l’obligation de service universel, compte tenu de l’avantage commercial éventuel que retire une entreprise désignée pour fournir un service universel, conformément aux indications données à l’annexe IV, partie A, ou

b) utilisent le coût net encouru par la fourniture du service universel et déterminé par mécanisme de désignation conformément à l’article 8, paragraphe 2.

2. Les comptes et/ou toute autre information servant de base pour le calcul du coût net des obligations de service universel effectué en application du paragraphe 1, point a), sont soumis à la vérification de l’autorité réglementaire nationale ou d’un organisme indépendant des parties concernées et agréé par l’autorité réglementaire nationale. Le résultat du calcul du coût et les conclusions de la vérification sont mis à la disposition du public. »

8. L’article 13 de la directive 2002/22, intitulé « Financement des obligations de service universel », dispose :

« 1. Lorsque, sur la base du calcul du coût net visé à l’article 12, les autorités réglementaires nationales constatent qu’une entreprise est soumise à une charge injustifiée, les États membres décident, à la demande d’une entreprise désignée :

a) d’instaurer un mécanisme pour indemniser ladite entreprise pour les coûts nets tels qu’ils ont été calculés, dans des conditions de transparence et à partir de fonds publics, et/ou

b) de répartir le coût net des obligations de service universel entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques.

2. En cas de répartition du coût comme prévu au paragraphe...

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