Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 28 May 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:404
Date28 May 2020
Celex Number62019CC0238
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 28 mai 2020(1)

Affaire C238/19

EZ

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral pour les migrations et les réfugiés)

[Demande de décision préjudicielle du Verwaltungsgericht Hannover (tribunal administratif de Hanovre, Allemagne)]

(Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Politique d’asile — Conditions d’octroi du statut de réfugié — Directive 2011/95/UE — Interprétation de l’article 9, paragraphe 3 — Motifs de la persécution, article 10, paragraphe 1, sous e) — Notion d’opinions politiques — Refus d’effectuer le service militaire — Objection de conscience)






1. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Shepherd (2), la Cour a examiné si un engagé volontaire ayant déserté parce qu’il refusait de poursuivre un service militaire dans les forces armées des États‑Unis d’Amérique en Irak pouvait se voir reconnaître le statut de réfugié (3). Le Verwaltungsgericht Hannover (tribunal administratif de Hanovre, Allemagne) demande aujourd’hui à la Cour d’apporter des précisions à cet arrêt. À la différence de M. Shepherd, le requérant au principal s’est enfui de son pays d’origine pour échapper à la conscription ; en l’espèce, le contexte particulier est celui de l’accomplissement d’un service militaire dans les forces armées syriennes alors que la guerre civile fait rage en Syrie. Certaines des problématiques soulevées par la juridiction de renvoi sont donc différentes de celles examinées dans le cas de M. Shepherd. La Cour m’a demandé de me focaliser plus particulièrement à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2011/95 dans mes conclusions et notamment sur le point de savoir s’il doit y avoir un lien de causalité entre les « motifs de la persécution » et les « actes de persécution » (ou une absence de protection contre de tels actes) au sens de ladite directive.

Le droit international

La convention relative au statut de réfugié

2. Aux termes de l’article 1er, section A, point 2, de la convention relative au statut de réfugié (4), toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » relève de la notion de « réfugié ».

3. Son article 1er, section F, sous a), énonce que ses dispositions ne sont pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis « un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes » (5).

La convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

4. L’article 9, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (6) garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui implique la liberté de changer de religion ou de conviction.

Le droit de l’Union

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

5. L’article 10, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») reprend l’article 9, paragraphe 1, de la CEDH. En vertu de l’article 10, paragraphe 2, de la Charte, le droit à l’objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui régissent ce droit. Son article 52, paragraphe 3, établit que les droits consacrés par la Charte doivent être interprétés de la même manière que les droits correspondants garantis par la CEDH.

La directive 2011/95

6. Le préambule de la directive 2011/95 renferme les déclarations suivantes. Ladite directive fait partie des mesures constituant le régime d’asile européen commun (ci‑après le « RAEC »), fondé sur l’application intégrale et globale de la convention de Genève et du protocole de 1967 qui, ensemble, constituent la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés (7). L’objectif principal de cette directive est d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et d’assurer à celles‑ci de manière uniforme un niveau minimal d’avantages (8). Elle respecte les droits fondamentaux ainsi que les principes reconnus par la Charte (9). Les États membres sont liés par les obligations qui découlent des instruments de droit international auxquels ils sont parties, notamment ceux qui interdisent la discrimination concernant le traitement des personnes relevant du champ d’application de ladite directive (10). « Des consultations avec le Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés peuvent contenir des indications utiles pour les États membres lorsqu’ils sont appelés à se prononcer sur l’octroi éventuel du statut de réfugié en vertu de l’article 1er de la convention de Genève [(11)]. Il convient que des normes relatives à la définition et au contenu du statut de réfugié soient établies pour aider les instances nationales compétentes des États membres à appliquer la convention de Genève [(12)]. Il est nécessaire d’adopter des critères communs pour reconnaître aux demandeurs d’asile le statut de réfugié au sens de l’article 1er de la convention de Genève [(13)]. Enfin, « l’une des conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié au sens de l’article 1er, section A, de la convention de Genève, est l’existence d’un lien de causalité entre les motifs de la persécution que sont la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, et les actes de persécution ou l’absence de protection contre de tels actes » (14).

7. Aux termes de son article 1er, la directive 2011/95 a notamment pour objet d’établir des normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale.

8. Son article 2, sous d), définit la notion de « réfugié » comme « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12 » (15). L’article 2, sous g), définit la notion de « statut conféré par la protection subsidiaire » comme « la reconnaissance, par un État membre, d’un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ».

9. Son chapitre II est intitulé « Évaluation des demandes de protection internationale ». En son sein, l’article 4, paragraphe 1, dispose qu’il appartient aux États membres d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande de protection internationale. Aux termes de son article 4, paragraphe 3, il convient de procéder à une évaluation individuelle en tenant compte des éléments qu’il énumère sous a) à e). Parmi ces éléments, figurent les suivants :

« a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués ;

[…]

c) le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave ;

[…] »

Aux termes de l’article 4, paragraphe 5, « [l]orsque les États membres appliquent le principe selon lequel il appartient au demandeur d’étayer sa demande, et lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a) le demandeur s’est réellement efforcé d’étayer sa demande ;

b) tous les éléments pertinents à la disposition du demandeur ont été présentés et une explication satisfaisante a été fournie quant à l’absence d’autres éléments probants ;

c) les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande ;

d) le demandeur a présenté sa demande de protection internationale dès que possible, à moins qu’il puisse avancer de bonnes raisons pour ne pas l’avoir fait ; et

e) la crédibilité générale du demandeur a pu être établie. »

10. Selon l’article 6, sous a), l’État peut être l’un des acteurs des persécutions ou des atteintes graves.

11. Les articles 9 à 12 forment le chapitre III, qui a pour titre « Conditions pour être considéré comme réfugié ». L’article 9 (intitulé « Actes de persécution ») énonce :

« 1. Pour être considéré comme un acte de persécution au sens de l’article 1er, section A, de la convention de Genève, un acte doit :

a) être suffisamment grave du fait de sa nature ou de son caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la [CEDH] [(16)] ; ou

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui...

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