Hendrik Evert Dijkstra contra Friesland (Frico Domo) Coöperatie BA y Cornelis van Roessel y otros contra De coöperatieve vereniging Zuivelcoöperatie Campina Melkunie VA y Willem de Bie y otros contra De Coöperatieve Zuivelcoöperatie Campina Melkunie BA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:277
Docket NumberC-399/93
Celex Number61993CC0319
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date12 September 1995
61993C0319

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIUSEPPE TESAURO

présentées le 12 septembre 1995 ( *1 )

1.

La Cour est invitée, par les présents renvois préjudiciels, à préciser les rapports entre l'article 85 du traité et le règlement n° 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles ( 1 ), et à délimiter, dans ce cadre, les compétences respectives de la Commission et des juridictions nationales.

Les faits

2.

Nous rappelons brièvement les faits des affaires au principal; elles portent toutes sur la légalité de l'obligation statutaire imposée aux membres d'une coopérative agricole de payer une indemnité de départ en cas de retrait ou d'exclusion de la société.

a) Affaire C-319/93

3.

M. Dijkstra, éleveur néerlandais de bétail laitier, a été exclu, par décision de l'assemblée générale, de la coopérative dont il était membre, la CZI De Torenmeter WA (ci-après « De Torenmeter »), pour avoir manqué à l'obligation de livrer à celle-ci toute sa production de lait ( 2 ). A la suite de l'adoption de cette mesure, la De Torenmeter, à laquelle a ultérieurement succédé la Friesland (Frico Domo) Coöperatie BA (ci-après « FFD »), a réclamé à M. Dijkstra, en vertu de l'article 13 des statuts, le paiement d'une indemnité de départ d'un montant égal à 10 % du prix du lait perçu en moyenne par ce dernier durant une année ( 3 ).

Le Rechtbank te Leeuwarden, saisi de la question, a déclaré fondée la demande de De Torenmeter. Dans l'appel introduit contre cette décision auprès du Gerechtshof te Leeuwarden, M. Dijkstra concluait à la nullité, en application de l'article 85 du traité, des clauses des statuts de la coopérative qui prévoient: a) l'obligation pour les membres de livrer à la coopérative toute leur production de lait; b) l'obligation de verser une indemnité de départ; c) le respect d'un délai de préavis pour l'exercice du droit de retrait ( 4 ); d) le financement obligatoire de la coopérative par ses membres au moyen d'une mise de fonds annuelle ( 5 ).

De Torenmeter objectait à ces arguments que l'article 85 était inapplicable en l'espèce en vertu de la dérogation spéciale prévue par l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26, précité.

4.

Au vu des incertitudes relatives à l'interprétation de l'article susdit et de l'existence de doutes quant à la répartition des compétences entre la Commission et les juridictions nationales, le Gerechtshof te Leeuwarden a décidé de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

La deuxième phrase de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26/62 portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce de produits agricoles, laquelle vise les accords, décisions et pratiques d'exploitants agricoles, d'associations d'exploitants agricoles ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul État membre, a-t-elle une signification autonome, en ce sens que la juridiction nationale doit en présumer la validité, aussi longtemps que la Commission n'a pas constaté qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 39 du traité CEE sont mis en péril?

2)

Dans l'affirmative, la constatation par la Commission que tel est le cas doit-elle obligatoirement figurer dans une décision rendue conformément aux dispositions du paragraphe 2?

3)

Dans la négative, la juridiction nationale devant laquelle est invoquée la nullité d'un accord ou d'une décision d'une coopérative agricole pour incompatibilité avec l'article 85 du traité CEE doit-elle, si la coopérative invoque la disposition de la deuxième phrase de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26/62, soumettre l'affaire à l'appréciation de la Commission? »

b) Affaire C-40/94

5.

Des questions préjudicielles d'une teneur identique ont été soumises à la Cour par l'Arrondissementsrechtbank te 's Hertogenbosch, dans le cadre d'une affaire analogue introduite par treize anciens membres contre la Coöperative Zuivelvereniging Campina BA, devenue en 1991, à la suite d'une fusion avec Melkunie Holland BA, la Cooperative vereniging Zuivelcoöperatie Campina Melkunie BA (ci-après « Campina »).

M. Van Roessel et les douze autres demandeurs dans le litige au principal avaient résilié leur affiliation à Campina entre 1990 et 1992. La coopérative a demandé aux membres dont le départ était intervenu avant le 1er janvier 1991 de verser une indemnité d'un montant égal, en application des articles 15 et 16 des statuts alors en vigueur, à 10 % des sommes qui leur avaient été versées en moyenne par exercice, pour le lait livré au cours des cinq derniers exercices précédant le retrait. Aux membres dont le départ est intervenu après cette date, il a en revanche été imposé, en application de l'article 60 des nouveaux statuts, un prélèvement équivalant à 4 % du prix du lait qu'ils avaient perçu au cours de l'exercice précédant l'année du retrait. Campina a procédé unilatéralement à la compensation de ces montants avec les sommes qu'elle devait encore aux membres concernés.

6.

A ce propos, il convient de signaler que Campina avait modifié les dispositions de ses statuts relatives au retrait, à la suite de l'engagement, contre elle, d'une procédure en application de l'article 85 du traité. La Commission avait notamment estimé que le montant de l'indemnité de départ initialement fixé entravait de manière excessive la faculté des membres de quitter la coopérative et en venait à transformer l'obligation, également mise à leur charge, de livrer à la coopérative toute leur production de lait, en une obligation à durée indéterminée. Il en résultait non seulement que la liberté économique des membres, mais que les possibilités pour les concurrents de Campina de s'approvisionner en lait étaient aussi restreintes de manière incompatible avec les règles communautaires en matière de concurrence.

A l'issue des négociations qui se sont déroulées dans le cadre de la procédure administrative, Campina avait pris l'engagement, accepté par la Commission, de modifier les clauses statutaires litigieuses pour permettre à ses membres de résilier leur affiliation à trois dates différentes de l'année, avec un préavis de deux ans, sans avoir à verser aucune indemnité. En outre, la possibilité devait être laissée aux membres de renoncer à cette procédure et de donner un préavis plus court, de trois mois, mais dans ce cas il était admis que le droit de résiliation ne pourrait être exercé qu'à une seule date dans l'année et moyennant le versement d'une indemnité de départ réduite à 4 %. Or, bien qu'ayant estimé que l'obligation de livraison exclusive, couplée aux nouvelles clauses relatives au départ des membres, comportait encore des restrictions de la concurrence, la Commission a toutefois jugé les limitations susdites acceptables, eu égard à la structure spécifique du marché, et a conclu qu'elles pouvaient bénéficier des mesures d'exception visées au règlement n° 26, précité. Elle a donc classé l'affaire et a fait état de l'accord intervenu dans le rapport sur la politique de concurrence relatif à l'année 1991 ( 6 ).

7.

Cette précision étant faite, il y a lieu d'observer que, dans le litige au principal, les demandeurs ont invoqué la nullité des dispositions statutaires qui régissent l'indemnité de départ, pour incompatibilité avec les articles 85 et 86 du traité, du moins dans la mesure où le montant à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité était supérieur à 4 % du chiffre d'affaires moyen réalisé par le membre au cours des cinq années ayant précédé son retrait. D'autre part, eu égard à l'importance que revêtaient, pour la solution du litige, les conditions d'application du règlement n° 26, le juge a quo a sursis à statuer et a soumis à la Cour les mêmes questions préjudicielles que celles posées dans l'affaire C-319/93.

c) Affaire C-224/94

8.

Les circonstances de cette affaire ne sont pas différentes de celles de l'affaire C-40/94. Lorsqu'ils se sont retirés de la coopérative à laquelle ils adhéraient, à savoir Melkunie Holland BA (ci-après « Melkunie Holland »), retrait effectué avant la fusion avec la Cooperative Zuivelvereniging Campina BA qui s'est produite — comme nous l'avons dit — en 1991, M. Willem de Bie et quatorze autres éleveurs se sont vu imposer le paiement d'une indemnité de départ égale, en vertu de l'article 15 des statuts, à 4 % de la valeur du lait qu'ils avaient livré à la coopérative durant l'exercice comptable précédant celui durant lequel ils ont cessé d'être membres. Il faut signaler à cet égard que, mis à part le montant différent de l'indemnité, le régime appliqué par Melkunie Holland en cas de départ était en substance identique à celui appliqué par Campina avant les modifications statutaires introduites en 1991.

Devant l'Arrondissementsrechtbank te 's Hertogenbosch, les membres démissionnaires ont invoqué l'incompatibilité avec l'article 85 du traité des dispositions en cause des statuts de Melkunie Holland. Ils ont en particulier fait valoir que les conditions de retrait qui y sont prévues sont plus restrictives que celles jugées acceptables par la Commission dans le cas Campina. De son côté, la coopérative a soutenu, en premier lieu, que les clauses statutaires litigieuses, dans la mesure où elles étaient inhérentes à ce type particulier d'organisation sociétaire, doivent être considérées comme dénuées d'importance au regard de l'article 85, paragraphe 1; à titre subsidiaire, elle a donc affirmé que ces clauses bénéficient de l'exemption prévue par l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26 jusqu'à ce que la Commission prenne éventuellement une décision en sens contraire, ce qui ne s'est pas produit en l'espèce.

...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT