Opinion of Advocate General Richard de la Tour delivered on 16 July 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:594
Date16 July 2020
Celex Number62019CC0193
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN RICHARD DE LA TOUR

présentées le 16 juillet 2020 (1)

Affaire C193/19

A

contre

Migrationsverket

[demande de décision préjudicielle formée par le Förvaltningsrätten i Malmö, migrationsdomstolen (tribunal administratif siégeant à Malmö, statuant en matière d’immigration, Suède)]

« Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Convention d’application de l’accord de Schengen – Article 25, paragraphe 1 – Directive 2003/86/CE – Droit au regroupement familial – Conditions de délivrance d’un titre de séjour – Article 5, paragraphe 2 – Obligation de présenter un document de voyage – Législation nationale exigeant que l’identité du demandeur soit établie de manière certaine – Pratique nationale requérant, à cette fin, la présentation d’un passeport valable pour la durée de l’autorisation de séjour – Demande de renouvellement d’un titre de séjour introduite par un membre de la famille se trouvant déjà sur le territoire national – Membre de la famille signalé aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen – Refus de renouveler le titre de séjour au motif que l’identité n’est pas établie de manière certaine – Admissibilité »






I. Introduction

1. Un État membre peut-il subordonner le renouvellement d’un titre de séjour délivré à un ressortissant de pays tiers aux fins du regroupement familial à la condition que ce dernier établisse avec certitude son identité par la présentation d’un passeport valable pour la durée de l’autorisation de séjour ?

2. Tel est, en substance, l’objet des questions préjudicielles posées à la Cour par le Förvaltningsrätten i Malmö, migrationsdomstolen (tribunal administratif siégeant à Malmö, statuant en matière d’immigration, Suède).

3. Ces questions s’inscrivent dans le cadre d’un litige opposant A, un ressortissant gambien, au Migrationsverket (Office des migrations, Suède), ce dernier ayant refusé de renouveler le titre de séjour de A au motif que son identité n’avait pas pu être établie avec certitude. Cette décision a été adoptée dans un contexte particulier puisque l’intéressé a fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen (SIS), par les autorités norvégiennes, en raison, notamment, des multiples identités d’emprunt dont il a usé sur la base de passeports falsifiés.

4. Cette affaire est l’occasion pour la Cour de se prononcer sur la nature et la portée des exigences que pose le droit de l’Union quant à la preuve de l’identité d’un ressortissant de pays tiers, sollicitant, depuis le territoire de l’État membre sur lequel il se trouve, le renouvellement d’un titre de séjour aux fins du regroupement familial, alors qu’il fait l’objet d’un signalement dans le SIS aux fins de non-admission dans l’espace Schengen.

5. Dans le premier temps de mes conclusions, je proposerai à la Cour de dire pour droit que l’article 25, paragraphe 1, de la convention d’application de l’accord de Schengen (2), dont l’interprétation est demandée par la juridiction de renvoi, ne s’oppose pas à une décision par laquelle un État contractant (3) accepte de renouveler le titre de séjour d’un ressortissant de pays tiers qui est signalé aux fins de non-admission dans le SIS et alors même que l’identité de ce dernier ne peut pas être établie avec certitude. J’exposerai, néanmoins, les raisons pour lesquelles une telle décision doit être précédée de la consultation de l’État contractant ayant procédé au signalement de cette personne et doit reposer sur un motif sérieux.

6. Dans le second temps de mes conclusions, et afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, je proposerai à la Cour de se prononcer sur les dispositions prévues par la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (4).

7. Tout d’abord, j’expliquerai que les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 2, de cette directive ne s’opposent pas à une législation nationale telle que celle en cause, exigeant, aux fins de l’examen d’une demande de titre de séjour, que le ressortissant de pays tiers établisse son identité avec certitude en joignant la copie certifiée conforme d’un passeport valable pour la durée de l’autorisation de séjour sollicitée. Ensuite, je concentrerai mon examen sur le respect de deux principes gouvernant l’examen d’une demande de regroupement familial au sens de la directive 2003/86, à savoir celui de procéder à un examen individualisé de la demande et celui de garantir le droit au respect de la vie familiale du membre de la famille concerné. Je conclurai, enfin, que, dans l’hypothèse où ce dernier ne parvient pas à joindre à sa demande le document de voyage requis, l’autorité nationale compétente ne peut pas rejeter cette demande pour ce seul motif. J’expliquerai que celle-ci est avant tout tenue de procéder à un examen individualisé de la demande, en tenant compte, notamment, des raisons pour lesquelles ce document ne peut pas être présenté et de la coopération dont le membre de la famille concerné fait preuve aux fins d’établir, sans aucune équivoque, son identité par tout autre moyen approprié.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 2003/86

8. La directive 2003/86 fixe les conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial dont bénéficient les ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire des États membres.

9. Au sein du chapitre III de cette directive, relatif au dépôt et à l’examen des demandes de titre de séjour, l’article 5, paragraphes 1 à 3, énonce :

« 1. Les États membres déterminent si, aux fins de l’exercice du droit au regroupement familial, une demande d’entrée et de séjour doit être introduite auprès des autorités compétentes de l’État membre concerné soit par le regroupant [ (5)], soit par les membres de la famille.

2. La demande est accompagnée de pièces justificatives prouvant les liens familiaux et le respect des conditions prévues aux articles 4 et 6 et, le cas échéant, aux articles 7 et 8, ainsi que de copies certifiées conformes des documents de voyage des membres de la famille.

Le cas échéant, pour obtenir la preuve de l’existence de liens familiaux, les États membres peuvent procéder à des entretiens avec le regroupant et les membres de sa famille et à toute enquête jugée nécessaire.

[...]

3. La demande est introduite et examinée alors que les membres de la famille résident à l’extérieur du territoire de l’État membre dans lequel le regroupant réside.

Par dérogation, un État membre peut accepter, dans des cas appropriés, qu’une demande soit introduite alors que les membres de la famille se trouvent déjà sur son territoire. »

10. Au sein du chapitre VII de la directive 2003/86, relatif aux sanctions et voies de recours, l’article 16, paragraphes 2 et 4, dispose :

« 2. Les États membres peuvent également rejeter une demande d’entrée et de séjour aux fins du regroupement familial, ou retirer ou refuser de renouveler le titre de séjour d’un membre de la famille, s’il est établi :

a) que des informations fausses ou trompeuses ou des documents faux ou falsifiés ont été utilisés, ou qu’il a été recouru à la fraude ou à d’autres moyens illégaux ;

[...]

4. Les États membres peuvent procéder à des contrôles spécifiques lorsqu’il existe des présomptions fondées de fraude ou de mariage, partenariat ou adoption de complaisance tels que définis au paragraphe 2. Des contrôles spécifiques peuvent également être effectués à l’occasion du renouvellement du titre de séjour de membres de la famille. »

11. Enfin, l’article 17 de la directive 2003/86 est rédigé en ces termes :

« Les États membres prennent dûment en considération la nature et la solidité des liens familiaux de la personne et sa durée de résidence dans l’État membre, ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d’origine, dans les cas de rejet d’une demande, de retrait ou de non-renouvellement du titre de séjour, ainsi qu’en cas d’adoption d’une mesure d’éloignement du regroupant ou des membres de sa famille. »

2. Lacquis de Schengen

a) La CAAS

12. L’article 25 de la CAAS, tel qu’il a été modifié par le règlement (UE) nº 265/2010 (6), dispose :

« 1. Lorsqu’un État membre envisage de délivrer un titre de séjour, il interroge systématiquement le [SIS]. Lorsqu’un État membre envisage de délivrer un titre de séjour à un étranger qui est signalé aux fins de non-admission, il consulte au préalable l’État membre signalant et prend en compte les intérêts de celui-ci ; le titre de séjour n’est délivré que pour des motifs sérieux, notamment d’ordre humanitaire ou résultant d’obligations internationales.

Lorsque le titre de séjour est délivré, l’État membre signalant procède au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur la liste nationale de signalement.

[...]

2. Lorsqu’il apparaît qu’un étranger titulaire d’un titre de séjour en cours de validité délivré par l’une des Parties Contractantes est signalé aux fins de non-admission, la Partie Contractante signalante consulte la Partie qui a délivré le titre de séjour afin de déterminer s’il y a des motifs suffisants pour retirer le titre de séjour.

Si le titre de séjour n’est pas retiré, la Partie Contractante signalante procède au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur sa liste nationale de signalement.

[...] »

13. L’article 96 de la CAAS est libellé comme suit :

« 1. Les données relatives aux étrangers qui sont signalés aux fins de non-admission sont intégrées sur la base d’un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou par les juridictions compétentes.

2. Les décisions peuvent être fondées sur la menace pour l’ordre public ou la sécurité et la sûreté nationales que peut...

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