Opinion of Advocate General Kokott delivered on 30 November 2023.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62022CC0181 |
ECLI | ECLI:EU:C:2023:935 |
Date | 30 November 2023 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 30 novembre 2023 (1)
Affaire C‑181/22 P
Nemea Bank plc,
contre
Banque centrale européenne (BCE)
« Pourvoi – Mécanisme de surveillance unique – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément de Nemea Bank plc pour l’accès à l’activité d’établissement de crédit – Article 24 – Procédure de réexamen administratif interne – Remplacement par une décision dont le contenu est identique – Recours en annulation – Disparition de l’objet du litige et de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer – Recours en indemnité – Irrecevabilité manifeste – Protection juridictionnelle effective – Article 47 de la Charte »
I. Introduction
1. Par son pourvoi, la société maltaise Nemea Bank plc demande à la Cour d’annuler l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 20 décembre 2021, Niemelä e.a./BCE (T‑321/17, EU:T:2021:942, ci‑après l’« ordonnance attaquée »). Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, d’une part, jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande de Nemea Bank en annulation de la décision (2) de la Banque centrale européenne (BCE) du 23 mars 2017 (ci-après la « décision litigieuse » ou la « décision initiale »). D’autre part, il a rejeté la demande en indemnité de Nemea Bank comme étant manifestement irrecevable. Par la décision litigieuse, la BCE avait quant à elle décidé de retirer à Nemea Bank son agrément en tant qu’établissement de crédit (ci-après le « retrait de l’agrément »).
2. Nous avons déjà répondu aux questions de droit soulevées par les deuxième et troisième moyens dans nos conclusions dans les affaires Pilatus Bank/BCE (C‑750/21 P et C‑256/22 P), encore pendantes, qui concernent également le secteur bancaire maltais. Ces questions portaient sur l’exercice effectif des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de la banque concernée par le conseil qu’elle avait mandaté (3). Nous y sommes parvenus à la conclusion que ce conseil est seul habilité à représenter les droits et les intérêts de cette banque tant dans la procédure administrative conduisant au retrait de l’agrément de celle-ci que dans la procédure contentieuse subséquente devant les juridictions de l’Union, pouvoir dont ne dispose pas l’administrateur de la banque nommé par les autorités nationales de surveillance.
3. Il n’a à ce jour pas été répondu à la question de droit sur laquelle est fondé le premier moyen du pourvoi. Elle porte sur les conditions dans lesquelles la banque concernée doit introduire un recours en annulation devant le Tribunal lorsqu’elle exerce son droit, conféré par l’article 24, paragraphe 5, du règlement (UE) nº 1024/2013 (4), de demander que la décision de retrait de l’agrément fasse l’objet d’un réexamen administratif interne par la commission administrative de réexamen de la BCE. Nemea Bank avait en effet introduit une telle demande dans la présente affaire, peu avant de former son recours en annulation contre la décision litigieuse. Elle a toutefois ensuite omis de former un recours devant le Tribunal, dans les formes et délais prescrits, contre la décision que la BCE a prise le 30 juin 2017 (5) à la suite de l’avis de la commission administrative de réexamen et dont le contenu est identique (ci-après la « seconde décision »), laquelle a remplacé la décision initiale. Celle-ci est donc (éventuellement) devenue inattaquable et définitive. Selon le Tribunal, cette circonstance a eu pour conséquence que Nemea Bank a perdu son intérêt à agir et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur sa demande en annulation de la première décision, au motif que la seconde décision a remplacé celle-ci avec effet rétroactif. Si l’analyse juridique du Tribunal est exacte, le retrait de l’agrément ne pourrait plus en l’espèce faire l’objet d’un contrôle de légalité, du moins dans le cadre d’une procédure en annulation.
4. La présente procédure soulève donc des questions fondamentales au sujet de la protection juridictionnelle effective contre les actes des institutions, organes ou organismes de l’Union qui, en vertu du droit dérivé, peuvent faire l’objet d’une procédure administrative de réexamen ou de réclamation avant ou parallèlement à la mise en œuvre de la procédure de recours juridictionnel. Les juridictions de l’Union se sont déjà prononcées à plusieurs reprises dans leur jurisprudence sur de telles dispositions de droit dérivé et sur leur rapport avec l’article 263TFUE (6). Ce rapport n’a toutefois pas encore fait l’objet d’une clarification cohérente et transversale pour toutes les procédures administratives internes de réexamen ou de réclamation. Il convient en particulier d’éviter que de telles procédures ne créent des lacunes dans la protection juridictionnelle au lieu de l’améliorer. Cela ne serait pas conciliable avec le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi qu’avec l’article 263TFUE.
5. Ces conclusions sont principalement consacrées à la question litigieuse du non‑lieu à statuer sur la demande en annulation en raison de la prétendue disparition de l’intérêt à agir de Nemea Bank, qui fait l’objet du premier moyen. Si la Cour devait suivre notre proposition de réponse à ce moyen et annuler l’ordonnance attaquée en raison du maintien de l’intérêt à agir de Nemea Bank, il ne serait plus nécessaire de traiter les deuxième et troisième moyens relatifs à l’exercice effectif des droits de la défense (7), puisque ceux-ci sont également dirigés contre le non‑lieu à statuer prononcé par le Tribunal.
II. Le cadre juridique
6. Le considérant 64 du règlement nº 1024/2013 prévoit notamment :
« La BCE devrait prévoir la possibilité pour des personnes physiques et morales de demander un réexamen des décisions arrêtées en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le présent règlement et dont elles sont destinataires ou qui les concernent directement et individuellement. Ce réexamen devrait porter sur la conformité formelle et matérielle de ces décisions au présent règlement, tout en respectant le pouvoir d’appréciation laissé à la BCE pour ce qui est de juger de l’opportunité de prendre ces décisions. À cet effet et pour des raisons de simplification de procédure, la BCE devrait mettre en place une commission administrative chargée de procéder à ces réexamens internes. [...] La procédure fixée pour ce réexamen devrait prévoir que le conseil de surveillance réexamine, le cas échéant, son ancien projet de décision. »
7. Sous l’intitulé « Missions confiées à la BCE », l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ce règlement énonce :
« Dans le cadre de l’article 6, la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :
a) agréer les établissements de crédit et retirer les agréments des établissements de crédit, sous réserve de l’article 14 ;
[...] »
8. L’article 14, paragraphe 5, deuxième alinéa, de ce règlement dispose :
« Lorsque l’autorité compétente nationale qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale. »
9. L’article 24 du règlement nº 1024/2013, intitulé « Commission administrative de réexamen », prévoit notamment :
« 1. La BCE met en place une commission administrative de réexamen chargée de procéder, à la suite d’une demande présentée conformément au paragraphe 5, à un réexamen administratif interne des décisions prises par la BCE dans l’exercice des compétences que lui confère le présent règlement. Ce réexamen administratif interne porte sur la conformité formelle et matérielle desdites décisions au présent règlement.
[...]
5. Toute personne physique ou morale peut, dans les cas visés au paragraphe 1, demander le réexamen d’une décision prise par la BCE en vertu du présent règlement, dont elle est le destinataire ou qui la concerne directement et individuellement. Une demande de réexamen portant sur une décision du conseil des gouverneurs visée au paragraphe 7 n’est pas recevable.
6. Toute demande de réexamen est motivée et présentée par écrit auprès de la BCE dans un délai d’un mois à compter, suivant le cas, de la date de notification de la décision à la personne qui demande le réexamen ou, à défaut, à compter du jour où celle-ci en a eu connaissance.
7. Après avoir statué sur la recevabilité de la demande de réexamen, la commission administrative de réexamen émet un avis dans un délai raisonnable par rapport à l’urgence de l’affaire et au plus tard dans les deux mois à compter de la réception de la demande, et renvoie le dossier au conseil de surveillance en vue de l’élaboration d’un nouveau projet de décision. Le conseil de surveillance tient compte de l’avis de la commission administrative de réexamen et soumet rapidement un nouveau projet de décision au conseil des gouverneurs. Le nouveau projet de décision abroge la décision initiale, la remplace par une décision dont le contenu est identique, ou la remplace par une décision modifiée. Le nouveau projet de décision est réputé adopté à moins que le conseil des gouverneurs ne s’y oppose dans un délai maximal de dix jours ouvrables.
8. La demande de réexamen introduite en application du paragraphe 5 n’a pas d’effet suspensif. Cependant, le conseil des gouverneurs peut, sur proposition de la commission administrative de réexamen, suspendre l’application de la décision contestée s’il estime que les circonstances l’exigent.
...To continue reading
Request your trialUnlock full access with a free 7-day trial
Transform your legal research with vLex
-
Complete access to the largest collection of common law case law on one platform
-
Generate AI case summaries that instantly highlight key legal issues
-
Advanced search capabilities with precise filtering and sorting options
-
Comprehensive legal content with documents across 100+ jurisdictions
-
Trusted by 2 million professionals including top global firms
-
Access AI-Powered Research with Vincent AI: Natural language queries with verified citations

Unlock full access with a free 7-day trial
Transform your legal research with vLex
-
Complete access to the largest collection of common law case law on one platform
-
Generate AI case summaries that instantly highlight key legal issues
-
Advanced search capabilities with precise filtering and sorting options
-
Comprehensive legal content with documents across 100+ jurisdictions
-
Trusted by 2 million professionals including top global firms
-
Access AI-Powered Research with Vincent AI: Natural language queries with verified citations

Unlock full access with a free 7-day trial
Transform your legal research with vLex
-
Complete access to the largest collection of common law case law on one platform
-
Generate AI case summaries that instantly highlight key legal issues
-
Advanced search capabilities with precise filtering and sorting options
-
Comprehensive legal content with documents across 100+ jurisdictions
-
Trusted by 2 million professionals including top global firms
-
Access AI-Powered Research with Vincent AI: Natural language queries with verified citations

Unlock full access with a free 7-day trial
Transform your legal research with vLex
-
Complete access to the largest collection of common law case law on one platform
-
Generate AI case summaries that instantly highlight key legal issues
-
Advanced search capabilities with precise filtering and sorting options
-
Comprehensive legal content with documents across 100+ jurisdictions
-
Trusted by 2 million professionals including top global firms
-
Access AI-Powered Research with Vincent AI: Natural language queries with verified citations

Unlock full access with a free 7-day trial
Transform your legal research with vLex
-
Complete access to the largest collection of common law case law on one platform
-
Generate AI case summaries that instantly highlight key legal issues
-
Advanced search capabilities with precise filtering and sorting options
-
Comprehensive legal content with documents across 100+ jurisdictions
-
Trusted by 2 million professionals including top global firms
-
Access AI-Powered Research with Vincent AI: Natural language queries with verified citations

Start Your 7-day Trial
-
Opinion of Advocate General Kokott delivered on 11 July 2024.
...et Commission/BEI (C‑212/21 P et C‑223/21 P, EU:C:2022:1003, point 47) ainsi que dans l’affaire Nemea Bank/BCE (C‑181/22 P, EU:C:2023:935, point 12 Voir, notamment, arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission (C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 52). 13 Arrêt du 22 avril 202......