Conclusiones del Abogado General Sr. P. Pikamäe, presentadas el 20 de abril de 2023.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:322
Date20 April 2023
Celex Number62022CC0219
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 20 avril 2023 (1)

Affaire C219/22

Procédure pénale

contre

QS,

en présence de

Rayonna prokuratura Burgas, TO Nesebar

[demande de décision préjudicielle formée par le Rayonen sad Nesebar (tribunal d’arrondissement de Nesebar, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Décision-cadre 2008/675/JAI – Prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres – Modification des modalités d’exécution d’une condamnation antérieure – Condamnation assortie d’un sursis à exécution – Nouvelle infraction commise pendant la période de sursis – Révocation du sursis et exécution effective de la peine privative de liberté »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle, déférée par le Rayonen sad Nesebar (tribunal d’arrondissement de Nesebar, Bulgarie) au titre de l’article 267 TFUE, a pour objet l’interprétation de l’article 3 de la décision-cadre 2008/675/JAI du Conseil, du 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale (2). Cette demande a été présentée dans le cadre d’une requête soumise par le procureur du Rayonna prokuratura Nesebar (parquet d’arrondissement de Nesebar, Bulgarie) auprès de la juridiction de renvoi, aux fins de l’exécution effective, par cette juridiction, de la condamnation prononcée antérieurement à l’encontre d’un ressortissant roumain, QS, par une juridiction roumaine.

2. La présente affaire soulève des questions juridiques importantes relatives aux limites que le législateur de l’Union pose au principe de reconnaissance mutuelle, sur lequel se fonde la décision-cadre 2008/675 et qui permet au juge d’un État membre, entre autres, de tenir compte des décisions pénales définitives rendues dans d’autres États membres pour déterminer la nature des peines et les modalités d’exécution susceptibles d’être mises en œuvre. Plus précisément, la Cour sera amenée à se prononcer sur le rôle qu’il y a lieu d’accorder au principe traditionnel de « territorialité » du droit pénal, en tant qu’expression de la souveraineté de l’État, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union. Si la décision-cadre 2008/675 prévoit des dispositions visant à résoudre les conflits entre ces deux principes, il n’en reste pas moins que leur application se heurte à des obstacles liés à des doutes d’interprétation. Une prise de position de la Cour sur ces questions particulièrement sensibles apparaît indispensable, car une bonne coopération entre les autorités pénales en dépend.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La décision-cadre 2008/675

3. L’article 1er, paragraphe 1, de cette décision-cadre, intitulé « Objet », dispose :

« La présente décision-cadre a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles, à l’occasion d’une procédure pénale engagée dans un État membre à l’encontre d’une personne, les condamnations antérieures prononcées à l’égard de cette même personne dans un autre État membre pour des faits différents sont prises en compte. »

4. L’article 2 de ladite décision-cadre, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par “condamnation”, toute décision définitive d’une juridiction pénale établissant la culpabilité d’une personne pour une infraction pénale. »

5. L’article 3 de la même décision-cadre, intitulé « Prise en compte, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale, d’une condamnation prononcée dans un autre État membre », est ainsi libellé :

« 1. Tout État membre fait en sorte que, à l’occasion d’une procédure pénale engagée contre une personne, des condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre contre cette même personne pour des faits différents, pour lesquelles des informations ont été obtenues en vertu des instruments applicables en matière d’entraide judiciaire ou d’échange d’informations extraites des casiers judiciaires, soient prises en compte dans la mesure où des condamnations nationales antérieures le sont et où les effets juridiques attachés à ces condamnations sont équivalents à ceux qui sont attachés aux condamnations nationales antérieures conformément au droit interne.

2. Le paragraphe 1 s’applique lors de la phase qui précède le procès pénal, lors du procès pénal lui-même et lors de l’exécution de la condamnation, notamment en ce qui concerne les règles de procédure applicables, y compris celles qui concernent la détention provisoire, la qualification de l’infraction, le type et le niveau de la peine encourue, ou encore les règles régissant l’exécution de la décision.

3. La prise en compte de condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre, prévue au paragraphe 1, n’a pour effet ni d’influer sur ces condamnations antérieures ou toute décision relative à leur exécution dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure, ni de les révoquer, ni de les réexaminer.

4. Conformément au paragraphe 3, le paragraphe 1 ne s’applique pas dans la mesure où, si la condamnation antérieure avait été une condamnation nationale dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure, la prise en compte de la condamnation antérieure aurait eu pour effet, conformément au droit national dudit État membre, d’influer sur la condamnation antérieure ou toute décision relative à son exécution, de les révoquer ou de les réexaminer.

5. Si l’infraction à l’origine de la nouvelle procédure a été commise avant que la condamnation antérieure ne soit prononcée ou entièrement exécutée, les paragraphes 1 et 2 n’ont pas pour effet d’obliger les États membres à appliquer leurs règles nationales en matière de prononcé des peines, lorsque l’application de ces règles à des condamnations prononcées à l’étranger aurait pour conséquence de limiter le pouvoir qu’a le juge d’imposer une peine dans le cadre de la nouvelle procédure.

Toutefois, les États membres veillent à ce que leurs tribunaux puissent, dans de tels cas, tenir compte d’une autre manière des condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres. »

2. La décision-cadre 2008/947/JAI

6. L’article 1er de la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution (3), intitulé « Objectifs et champ d’application », prévoit :

« 1. La présente décision-cadre vise à faciliter la réhabilitation sociale des personnes condamnées, à améliorer la protection des victimes et de la société en général, et à faciliter l’application de mesures de probation et de peines de substitution appropriées lorsque l’auteur de l’infraction ne vit pas dans l’État de condamnation. [...]

[...]

3. La présente décision-cadre ne s’applique pas :

a) à l’exécution des jugements en matière pénale portant condamnation à une peine ou mesure privative de liberté qui entre dans le champ d’application de la décision-cadre 2008/909/JAI[ (4)] ;

[...] »

7. L’article 5 de la décision-cadre 2008/947, intitulé « Critères applicables à la transmission d’un jugement et, le cas échéant, d’une décision de probation », dispose :

« 1. L’autorité compétente de l’État d’émission peut transmettre un jugement et, le cas échéant, une décision de probation, à l’autorité compétente de l’État membre dans lequel la personne condamnée a sa résidence légale habituelle, dans les cas où la personne condamnée est retournée ou souhaite retourner dans cet État.

2. L’autorité compétente de l’État d’émission peut, à la demande de la personne condamnée, transmettre le jugement et, le cas échéant, la décision de probation, à l’autorité compétente d’un État membre autre que celui dans lequel la personne condamnée a sa résidence légale habituelle, à condition que cette autorité ait consenti à cette transmission.

[...] »

8. L’article 14 de cette décision-cadre, intitulé « Compétence pour toute décision ultérieure et loi applicable », est ainsi libellé en son paragraphe 1 :

« L’autorité compétente de l’État d’exécution est compétente pour prendre toute décision ultérieure ayant trait à une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve, une libération conditionnelle, une condamnation sous condition ou une peine de substitution, en particulier lorsqu’une mesure de probation ou une peine de substitution n’a pas été respectée ou lorsque la personne condamnée commet une nouvelle infraction pénale.

Ces décisions ultérieures sont notamment :

[...]

b) la révocation du sursis à l’exécution du jugement ou la révocation de la décision de libération conditionnelle ; [...] »

B. Le droit bulgare

9. L’article 8 du Nakazatelen kodeks (code pénal) dispose, à son paragraphe 2 :

« Une condamnation prononcée dans un autre État membre de l’Union européenne, passée en force de chose jugée, pour un acte qui constitue une infraction conformément au code pénal bulgare est prise en compte dans toute procédure pénale menée contre la même personne en République de Bulgarie. »

10. L’article 68, paragraphe 1, de ce code est libellé comme suit :

« Si, avant la fin de la période de mise à l’épreuve fixée par le tribunal, la personne condamnée commet une autre infraction intentionnelle faisant l’objet de poursuites à la diligence du ministère public et pour laquelle une peine privative de liberté lui est infligée, même après la période de mise à l’épreuve, elle doit également s’acquitter de la peine assortie d’un sursis. »

11. Aux termes de l’article 343 b, paragraphe 1, dudit code :

« La conduite d’un véhicule automobile avec un taux d’alcoolémie supérieur à 1,2 pour mille, dûment établie, est sanctionnée d’une peine privative de liberté d’une à trois années et d’une amende de deux cents à mille [leva bulgares (BGN)]. »

III. Les faits à l’origine du litige, la...

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