Conclusiones del Abogado General Sr. P. Pikamäe, presentadas el 8 de junio de 2023.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:469
Date08 June 2023
Celex Number62022CC0125
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 8 juin 2023 (1)

Affaire C125/22

X,

Y,

leurs 6 enfants mineurs

contre

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Den Haag, zittingsplaats ’s-Hertogenbosch (tribunal de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire – Directive 2011/95/UE – Conditions d’octroi de la protection subsidiaire – Article 15 – Prise en compte des éléments propres au statut individuel et à la situation personnelle du demandeur ainsi qu’à la situation générale dans le pays d’origine – Situation humanitaire »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Den Haag, zittingsplaats ’s-Hertogenbosch (tribunal de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, Pays-Bas) au titre de l’article 267 TFUE, a pour objet l’interprétation de l’article 15 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (2).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant les époux X et Y, ainsi que leurs six enfants mineurs, tous ressortissants libyens (ci-après, ensemble, les « requérants »), au Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas, ci-après le « secrétaire d’État »), au sujet des décisions de ce dernier de rejeter les demandes de protection internationale des requérants. La question au cœur de ce litige est celle de savoir si les requérants peuvent bénéficier de la protection subsidiaire au sens de la directive 2011/95.

3. La juridiction de renvoi demande, en substance, des précisions sur la manière dont le statut individuel et la situation personnelle d’un demandeur, d’une part, et la situation générale dans le pays d’origine, d’autre part, doivent être pris en compte lors de l’examen de la demande au regard de l’article 15 de la directive 2011/95. Elle souhaite en outre savoir si, sous certaines conditions, une situation humanitaire doit également être prise en compte pour apprécier le droit à la protection subsidiaire. Par son arrêt, dans lequel seront interprétés les critères communs que doivent remplir les demandeurs d’une protection internationale pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire, la Cour contribuera à la sécurité juridique et à une cohérence accrue dans l’application des règles régissant le régime d’asile européen commun.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

4. L’article 1er de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), intitulé « Dignité humaine » énonce :

« La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée. »

5. L’article 4 de la Charte, intitulé « Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants », prévoit :

« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

6. L’article 19 de la Charte, intitulé « Protection en cas d’éloignement, d’expulsion et d’extradition », énonce à son paragraphe 2 :

« Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

2. La directive 2011/95

7. L’article 2 de la directive 2011/95, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “protection internationale”, le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points e) et g) ;

b) “bénéficiaire d’une protection internationale”, une personne qui a obtenu le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points e) et g) ;

[...]

f) “personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire”, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ;

g) “statut conféré par la protection subsidiaire”, la reconnaissance, par un État membre, d’un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ;

h) “demande de protection internationale”, la demande de protection présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d’application de la présente directive et pouvant faire l’objet d’une demande séparée ;

i) “demandeur”, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement ;

[...] »

8. L’article 4 de cette directive, intitulé « Évaluation des faits et circonstances », qui figure dans le chapitre II de celle-ci, relatif à l’« [é]valuation des demandes de protection internationale », dispose :

« 1. Les États membres peuvent considérer qu’il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale. Il appartient à l’État membre d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande.

[...]

3. Il convient de procéder à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants :

a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande [...] ;

b) les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécutions ou d’atteintes graves ;

c) le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave ;

[...]

4. Le fait qu’un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a déjà fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas.

5. Lorsque les États membres appliquent le principe selon lequel il appartient au demandeur d’étayer sa demande, et lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a) le demandeur s’est réellement efforcé d’étayer sa demande ;

b) tous les éléments pertinents à la disposition du demandeur ont été présentés et une explication satisfaisante a été fournie quant à l’absence d’autres éléments probants ;

c) les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande ;

[...]

e) la crédibilité générale du demandeur a pu être établie. »

9. Aux termes de l’article 6, de ladite directive, intitulé « Acteurs des persécutions ou des atteintes graves » :

« Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’État ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 7. »

10. L’article 8 de la même directive, intitulé « Protection à l’intérieur du pays », énonce à son paragraphe 2 :

« Lorsqu’ils examinent si un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté ou risque réellement de subir des atteintes graves, ou s’il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves dans une partie du pays d’origine conformément au paragraphe 1, les États membres tiennent compte, au moment où ils statuent sur la demande, des conditions générales dans cette partie du pays et de la situation personnelle du demandeur, conformément à l’article 4. À cette fin, les États membres veillent à obtenir des informations précises et actualisées auprès de sources pertinentes, telles que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Bureau européen d’appui en matière d’asile. »

11. Aux termes de l’article 15 de la directive 2011/95, intitulé « Atteintes graves », qui figure dans le chapitre V de celle-ci, relatif aux « [c]onditions de la protection subsidiaire » :

« Les atteintes graves sont :

a) la peine de mort ou l’exécution ; ou

b) la torture ou des...

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