Conclusiones del Abogado General Sr. A. Rantos, presentadas el 28 de abril de 2022.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2022:334
Date28 April 2022
Celex Number62021CC0295
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 28 avril 2022 (1)

Affaire C295/21

Allianz Benelux SA

contre

État belge, SPF Finances

[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel de Bruxelles (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – directive 90/435/CEE – Régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents – Article 4 – Interdiction d’imposer des bénéfices reçus – Report d’excédents de revenus définitivement taxés sur des exercices fiscaux ultérieurs – Absorption de la société ayant reçu les bénéfices par une autre société – Réglementation nationale limitant le transfert de ces excédents à la société absorbante »






I. Introduction

1. Par la présente demande de décision préjudicielle, la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) demande à la Cour de se prononcer sur la conformité avec l’article 4 de la directive 90/435/CEE (2), lu en combinaison avec la directive 78/855/CEE (3), ainsi qu’avec la directive 82/891/CE (4) de la pratique belge limitant le montant des excédents de revenus définitivement taxés (ci‑après les « RDT ») transféré de la société absorbée vers la société absorbante lors de la fusion des sociétés.

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société d’assurance Allianz Benelux SA, établie en Belgique, au service public fédéral des Finances (Belgique) au sujet de la détermination du résultat imposable de cette société au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices d’imposition relatifs aux années 2004 à 2007.

3. La Cour s’est déjà penchée à différentes reprises sur le régime belge de l’impôt sur les revenus des sociétés et, en particulier, sur le dispositif des RDT, qui permet que les bénéfices concernés soient déduits de la base imposable d’une société, lorsque certaines conditions bien spécifiques sont réunies (5). Si la présente demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le prolongement des affaires précédemment portées devant la Cour, qui concernaient le transfert d’excédents de RDT entre sociétés appartenant au même groupe, elle se caractérise, néanmoins, par un contexte factuel différent, étant donné qu’elle porte sur le transfert d’excédents de RDT, certes entre sociétés du même groupe, mais qui proviennent de sociétés précédemment indépendantes. Se pose donc la question de savoir si les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour peuvent être transposés dans le cadre d’un litige qui a essentiellement pour objet de déterminer la conformité avec le droit de l’Union de la limitation du report d’une déduction d’ordre fiscal lors de son transfert dans le cadre d’une fusion.

4. Pour les motifs exposés dans les présentes conclusions, j’estime qu’il convient de répondre par la négative à la question posée.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 90/435

5. Il convient de relever que la juridiction de renvoi n’indique pas la version de la directive 90/435 applicable en l’espèce. Or, étant donné que les exercices litigieux étaient relatifs aux années 2004 à 2007, tant la version initiale que la version modifiée (6) de cette directive sont applicables. Toutefois, les modifications apportées à l’article 4 de la directive 90/435 par la directive 2003/123 n’ont pas d’incidence dans la présente affaire.

6. Aux termes du troisième considérant de la directive 90/435 :

« [C]onsidérant que les dispositions fiscales actuelles régissant les relations entre sociétés mères et filiales d’États membres différents varient sensiblement d’un État membre à l’autre et sont, en général, moins favorables que celles applicables aux relations entre sociétés mères et filiales d’un même État membre ; que la coopération entre sociétés d’États membres différents est, de ce fait, pénalisée par rapport à la coopération entre sociétés d’un même État membre ; qu’il convient d’éliminer cette pénalisation par l’instauration d’un régime commun et de faciliter ainsi les regroupements de sociétés à l’échelle communautaire. »

7. L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive était ainsi rédigé :

« Chaque État membre applique la présente directive :

– aux distributions de bénéfices reçus par des sociétés de cet État et provenant de leurs filiales d’autres États membres,

– aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet État à des sociétés d’autres États membres dont elles sont les filiales,

[...] »

8. L’article 4 de ladite directive prévoyait :

« 1. Lorsqu’une société mère ou son établissement stable perçoit, au titre de l’association entre la société mère et sa filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de cette dernière, l’État de la société mère et l’État de son établissement stable :

– soit s’abstiennent d’imposer ces bénéfices,

– soit les imposent tout en autorisant la société mère et l’établissement stable à déduire du montant de leur impôt la fraction de l’impôt sur les sociétés afférente à ces bénéfices et acquittée par la filiale et toute sous-filiale, à condition qu’à chaque niveau la société et sa sous‑filiale respectent les exigences prévues aux articles 2 et 3, dans la limite du montant dû de l’impôt correspondant.

– [...]

2. Toutefois, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale.

[...] »

9. La directive 90/435 a été abrogée par la directive 2011/96/UE (7), entrée en vigueur le 18 janvier 2012. Néanmoins, compte tenu de la date des faits du litige au principal, la directive 90/435 leur est applicable ratione temporis.

2. La directive 78/855

10. L’article 19, paragraphe 1, de la directive 78/855 énonce :

« 1. La fusion entraîne ipso jure et simultanément les effets suivants :

a) la transmission universelle, tant entre la société absorbée et la société absorbante qu’à l’égard des tiers, de l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante ;

[...] »

B. Le droit belge

11. L’article 202 du code des impôts sur les revenus de 1992, dans sa version en vigueur au moment des faits du litige au principal (ci‑après le « CIR 1992 »), prévoit, en ce qui concerne le régime des RDT :

« 1. Des bénéfices de la période imposable sont également déduits, dans la mesure où ils s’y retrouvent :

1° les dividendes, à l’exception des revenus qui sont obtenus à l’occasion de la cession à une société de ses propres actions ou parts ou lors du partage total ou partiel de l’avoir social d’une société ;

[...] »

12. Aux termes de l’article 204, premier alinéa, du CIR 1992 :

« Les revenus déductibles conformément à l’article 202, § 1er, 1°, 3° et 4°, sont censés se retrouver dans les bénéfices de la période imposable à concurrence de 95 % du montant encaissé ou recueilli éventuellement majoré des précomptes mobiliers réels ou fictifs [...] »

13. L’article 205, paragraphe 2, du CIR 1992, est ainsi libellé :

« La déduction prévue à l’article 202 est limitée au montant des bénéfices de la période imposable, tel qu’il subsiste après application de l’article 199 [...] »

14. L’article 206, paragraphe 1, du CIR 1992, relatif à la déduction des pertes antérieures, dispose :

« Les pertes professionnelles antérieures sont successivement déduites des revenus professionnels de chacune des périodes imposables suivantes. »

15. Aux termes de l’article 206, paragraphe 2, deuxième alinéa, du CIR 1992 :

« En cas de fusion opérée en application de l’article 211, § 1, les pertes professionnelles qu’une société absorbée a éprouvées avant cette fusion restent déductibles dans le chef de la société absorbante en proportion de la part que représente l’actif net fiscal avant la fusion des éléments absorbés de la société citée en premier lieu, dans le total, également avant la fusion, de l’actif net fiscal de la société absorbante et de la valeur fiscale nette des éléments absorbés [...] »

III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

16. Au cours de l’année 1995, la société d’assurance AGF L’Escaut SA a absorbé deux sociétés d’assurance belges. En 1999, une autre société d’assurance, Assubel-Vie SA, a absorbé AGF L’Escaut et cinq autres sociétés d’assurance.

17. Les sociétés absorbées par AGF L’Escaut et par Assubel-Vie, désormais réunies sous la dénomination sociale Allianz Benelux, disposaient d’excédents de RDT, qui étaient reportables sur les exercices ultérieurs. Elles avaient donc perçu, avant ces fusions, des dividendes sur leurs participations dans d’autres sociétés, tout en subissant des pertes.

18. Allianz Benelux avait intégralement reporté ces excédents de RDT pendant les exercices de la période allant de l’année 2004 à l’année 2007. Ce report intégral a été rejeté par l’administration fiscale.

19. À la suite d’une réclamation formée par Allianz Benelux contre ce rejet, le directeur régional compétent de l’administration fiscale a admis, par décision du 19 décembre 2012, le transfert des excédents de RDT à la société absorbante, mais seulement au prorata prévu en matière de pertes récupérables par cette société dans le cadre d’une fusion (8). Le rejet partiel du report des excédents de RDT s’est ainsi traduit par une augmentation de la base imposable de ladite société à concurrence d’un montant total d’environ 13,6 millions d’euros pour les exercices d’imposition relatifs aux années 2004 à 2007.

20. Allianz Benelux a introduit un recours contre cette décision devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique). Par jugement du 20 mai 2016, cette juridiction a rejeté la demande de report intégral des excédents de RDT.

21. Allianz Benelux a interjeté...

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