Opinion of Advocate General Pitruzzella delivered on 30 April 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:329
Date30 April 2020
Celex Number62018CC0809
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 30 avril 2020 (1)

Affaire C809/18 P

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

contre

John Mills Ltd

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Marque demandée par l’agent ou le représentant du titulaire légitime – article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 »






1. Par le pourvoi formé dans la présente affaire, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) demande l’annulation de l’arrêt du 15 octobre 2018, John Mills/EUIPO – Jerome Alexander Consulting (MINERAL MAGIC) (T‑7/17, EU:T:2018:679), par lequel le Tribunal a accueilli le recours introduit par la société John Mills Ltd. contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 5 octobre 2016 (affaire R 2087/2015‑1) (ci‑après la « décision litigieuse »), concernant une procédure d’opposition engagée par la société Jerome Alexander Consulting Corp.

2. Le pourvoi de l’EUIPO offre à la Cour l’occasion de se prononcer pour la première fois sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 207/2009 (2) (devenu l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 (3)), selon lequel constitue un motif relatif de refus de l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne le fait que l’enregistrement a été demandé par l’agent ou le représentant du titulaire de la marque, en son propre nom et sans le consentement de ce dernier (4).

I. Cadre juridique

A. Le droit international

3. L’Union est partie à l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), du 15 avril 1994 (5), qui constitue l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (6). L’article 2, paragraphe 1, de cet accord prévoit que, pour ce qui est de la partie II de l’accord ADPIC, dans laquelle figurent les dispositions en matière de marques, les États contractants se conforment, en particulier, aux articles premier à 12 de la convention pour la protection de la propriété intellectuelle, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (7), qui est contraignante pour tous les États membres de l’Union.

4. L’article 6 septies de cette convention, telle que révisée et modifiée, dispose :

« 1) Si l’agent ou le représentant de celui qui est titulaire d’une marque dans un des pays de l’Union demande, sans l’autorisation de ce titulaire, l’enregistrement de cette marque en son propre nom, dans un ou plusieurs de ces pays, le titulaire aura le droit de s’opposer à l’enregistrement demandé ou de réclamer la radiation ou, si la loi du pays le permet, le transfert à son profit dudit enregistrement, à moins que cet agent ou représentant ne justifie de ses agissements.

2) Le titulaire de la marque aura, sous les réserves de l’alinéa 1) ci‑dessus, le droit de s’opposer à l’utilisation de sa marque par son agent ou représentant, s’il n’a pas autorisé cette utilisation.

3) Les législations nationales ont la faculté de prévoir un délai équitable dans lequel le titulaire d’une marque devra faire valoir les droits prévus au présent article. »

B. Le droit de l’Union

5. L’article 8 du règlement nº 207/2009, applicable ratione temporis aux faits de l’espèce, énumère les motifs relatifs de refus d’enregistrement de la marque. Le paragraphe 3 de cet article dispose :

« Sur opposition du titulaire de la marque, une marque est refusée à l’enregistrement lorsqu’elle est demandée par l’agent ou le représentant du titulaire de la marque, en son propre nom et sans le consentement du titulaire, à moins que cet agent ou ce représentant ne justifie de ses agissements. » (8)

6. L’article 11 dudit règlement, intitulé « Interdiction d’utiliser la marque de l’Union européenne enregistrée au nom d’un agent ou d’un représentant », dispose que, « [s]i une marque de l’Union européenne a été enregistrée au nom de l’agent ou du représentant de celui qui est titulaire de cette marque, sans l’autorisation du titulaire, celui‑ci a le droit de s’opposer à l’utilisation de sa marque par son agent ou représentant, s’il n’a pas autorisé cette utilisation, à moins que l’agent ou le représentant ne justifie de ses agissements » (9).

7. Aux termes de l’article 18 du même règlement, intitulé « Transfert d’une marque enregistrée au nom d’un agent », « [s]i une marque de l’Union européenne a été enregistrée au nom de l’agent ou du représentant de celui qui est titulaire de cette marque, sans l’autorisation du titulaire, celui‑ci a le droit de réclamer le transfert à son profit dudit enregistrement, à moins que cet agent ou représentant ne justifie de ses agissements » (10).

8. Enfin, l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 dispose que « [l]a marque de l’Union européenne est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : [...] lorsqu’il existe une marque visée à l’article 8, paragraphe 3, et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies ; lorsqu’il existe une marque visée à l’article 8, paragraphe 3, et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies »(11).

II. Antécédents du litige, procédure devant l’EUIPO, procédure devant le Tribunal et arrêt attaqué

9. Le 18 septembre 2013, la société John Mills Ltd a déposé, auprès de l’EUIPO, une demande d’enregistrement de marque de l’Union ayant pour objet le signe verbal « MINERAL MAGIC ». Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Lotions capillaires ; produits pour abraser ; savons ; produits de parfumerie ; huiles éthérées ; cosmétiques ; produits pour le nettoyage et le soin de la peau, du cuir chevelu et des cheveux ; désodorisants à usage personnel (parfumerie) ».

10. Le 23 avril 2014, Jerome Alexander Consulting Corp. a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandé, en invoquant à cet effet le motif de refus visé à l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 207/2009. L’opposition était fondée, notamment, sur la marque verbale MAGIC MINERALS BY JEROME ALEXANDER, enregistrée aux États‑Unis le 15 janvier 2013 pour les produits suivants : « Poudre pour le visage contenant des minéraux ». Par décision du 18 août 2015, la division d’opposition a rejeté l’opposition. Le 15 octobre 2015, Jerome Alexander a formé un recours contre cette décision auprès de l’EUIPO.

11. Le 5 octobre 2016, la première chambre de recours de l’EUIPO a rendu la décision litigieuse, par laquelle elle a annulé la décision de la division d’opposition et, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 207/2009, a refusé l’enregistrement de la marque demandée. Dans cette décision, la chambre de recours a, en tout premier lieu, fait référence à l’objectif de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 207/2009, à savoir « éviter le détournement d’une marque par l’agent du titulaire de celle‑ci » (12) et a énuméré les conditions à remplir, selon elle, pour qu’une opposition puisse être accueillie sur le fondement de cette disposition, à savoir que « l’opposant [soit] titulaire de la marque antérieure, le demandeur de la marque [soit] ou [ait] été l’agent ou le représentant du titulaire susmentionné, la demande [ait] été déposée au nom de l’agent ou du représentant sans le consentement du titulaire et sans qu’il y ait de raisons légitimes justifiant les agissements de l’agent ou du représentant et que la demande [concerne] des signes et des produits identiques ou similaires »(13).Elle a ainsi conclu « à l’existence d’une relation commerciale réelle, effective et durable, créant une obligation générale de confiance et de loyauté, à la date de dépôt de la marque demandée et que la requérante était un agent au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 207/2009 » (14). Enfin, la chambre de recours a relevé que, en l’espèce, les produits désignés par les signes comparés étaient identiques (15) et les signes en conflit similaires (16).

12. Le 5 janvier 2017, John Mills a saisi le Tribunal d’un recours en annulation contre la décision litigieuse en soulevant un moyen unique, subdivisé en trois griefs, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 207/2009. Le premier grief concernait la qualification de John Mills en tant qu’« agent ou représentant », au sens de cette disposition. Par les deuxième et troisième griefs, John Mills reprochait à la chambre de recours d’avoir considéré à tort que ladite disposition était applicable alors que les signes en conflit n’étaient pas identiques mais simplement similaires et que les produits désignés par la marque antérieure n’étaient pas identiques à ceux visés par la marque demandée.

13. Le Tribunal a d’abord examiné le second grief, qu’il a accueilli. Il a ensuite annulé la décision de la chambre de recours sans se prononcer sur les premier et troisième griefs et a condamné l’EUIPO et Jerome Alexandre à payer chacun la moitié des dépens exposés par John Mills.

III. Procédure devant la Cour et conclusions des parties

14. Par acte déposé au greffe de la Cour le 20 décembre 2018, l’EUIPO a introduit le pourvoi qui fait l’objet de la présente affaire. L’EUIPO demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner John Mills aux dépens. John Mills demande à la Cour de rejeter le pourvoi de l’EUIPO et de condamner l’EUIPO aux dépens. L’EUIPO et John Mills ont été entendus au cours de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 16 janvier 2020.

IV. Sur le pourvoi

15. À l’appui du pourvoi, l’EUIPO soulève deux moyens. Par le premier moyen, il reproche au Tribunal d’avoir...

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