Conclusiones del Abogado General Sr. P. Pikamäe, presentadas el 8 de octubre de 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:817
Celex Number62019CC0095
Date08 October 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 8 octobre 2020 (1)

Affaire C95/19

Agenzia delle Dogane

contre

Silcompa SpA

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Droits d’accise – Directive 92/12/CEE – Articles 6 et 20 – Mise à la consommation de produits – Falsification du document administratif d’accompagnement – Infraction ou irrégularité commise en cours de circulation de produits soumis à accise sous un régime suspensif de droits – Sortie irrégulière de produits d’un régime suspensif – Détermination de l’État membre de l’exigibilité des droits d’accise – Directive 76/308/CEE – Articles 6, 8 et article 12, paragraphes 1 à 3 – Assistance mutuelle – Accise perçue subséquemment sur les mêmes opérations dans deux États membres – Duplication de la créance relative aux droits d’accise – Pouvoir de contrôle des juridictions de l’État membre où l’autorité requise a son siège – Refus éventuel de la demande d’assistance »






1. La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Agenzia delle Dogane (agence des douanes, Italie) (ci-après l’« Agence ») à Silcompa SpA, une société productrice d’alcool éthylique établie en Italie, au sujet d’une demande de recouvrement de droits d’accise adressée à cette société, dans le cadre de la procédure d’assistance prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 76/308/CEE (2).

2. Par sa question préjudicielle, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) demande, en substance, s’il est possible, dans le cadre d’une procédure engagée par une société à l’encontre de mesures exécutoires visant à récupérer des créances d’accise émises dans un État membre (en l’espèce, l’Italie) sur demande d’un autre État membre (en l’espèce, la République hellénique), de procéder à la vérification de la condition relative au lieu où l’irrégularité ou l’infraction a été commise pendant la circulation des produits pour lesquels l’accise est due.

3. Cette question se pose dans un contexte où, selon la juridiction de renvoi, tant les autorités compétentes italiennes que grecques revendiquent le recouvrement d’une créance relative aux droits d’accise portant sur les mêmes opérations imposées.

4. Par son objet, ce litige se situe au croisement entre le régime d’accise de l’Union européenne et l’assistance mutuelle en matière de recouvrement de certains droits. La Cour sera ainsi amenée à se pencher sur l’articulation des dispositions, d’une part, de la directive 92/12/CEE relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise(3) et, d’autre part, de la directive 76/308, dispositions qui sont applicables ratione temporis au cas d’espèce. Bien que la présente affaire porte sur des directives qui sont désormais abrogées, la question posée par la juridiction de renvoi dans sa demande préjudicielle demeure d’actualité, dès lors que les directives 2008/118 et 2010/24 reposent, en substance, sur les mêmes principes que les directives antérieures susmentionnées.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 92/12

5. La directive 92/12 est applicable, conformément à son article 3, paragraphe 1, notamment, à l’alcool et aux boissons alcooliques.

6. L’article 4 de cette directive 92/12 prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) entrepositaire agréé : la personne physique ou morale autorisée par les autorités compétentes d’un État membre, dans l’exercice de sa profession, à produire, transformer, détenir, recevoir et expédier des produits soumis à accise en suspension de droits d’accises dans un entrepôt fiscal ;

b) entrepôt fiscal : tout lieu où sont produites, transformées, détenues, reçues ou expédiées par l’entrepositaire agréé dans l’exercice de sa profession, en suspension de droits d’accises, des marchandises soumises à accise sous certaines conditions fixées par les autorités compétentes de l’État membre où est situé cet entrepôt fiscal ;

c) régime suspensif : le régime fiscal applicable à la production, à la transformation, à la détention et à la circulation des produits en suspension de droits d’accises ;

[...] »

7. L’article 6 de la directive 92/12 dispose :

« 1. L’accise devient exigible lors de la mise à la consommation ou lors de la constatation des manquants qui devront être soumis à accise conformément à l’article 14, paragraphe 3.

Est considérée comme mise à la consommation de produits soumis à accise :

a) toute sortie, y compris irrégulière, d’un régime suspensif ;

b) toute fabrication, y compris irrégulière, de ces produits hors d’un régime suspensif ;

c) toute importation, y compris irrégulière, de ces produits lorsque ces produits ne sont pas mis sous un régime suspensif.

2. Les conditions d’exigibilité et le taux de l’accise à retenir sont ceux en vigueur à la date de l’exigibilité dans l’État membre où s’effectue la mise à la consommation ou la constatation des manquants [...] »

8. L’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 92/12 dispose que, en principe, « la circulation en régime suspensif des produits soumis à accise doit s’effectuer entre entrepôts fiscaux ».

9. Aux termes de l’article 15, paragraphes 3 et 4, de cette directive :

« 3. Les risques inhérents à la circulation intracommunautaire sont couverts par la garantie constituée par l’entrepositaire agréé expéditeur telle que prévue à l’article 13 ou, le cas échéant, par une garantie solidaire entre l’expéditeur et le transporteur. [...]

[...]

4. Sans préjudice de l’article 20, la responsabilité de l’entrepositaire agréé expéditeur, et, le cas échéant, celle du transporteur, ne peut être dégagée que par la preuve de la prise en charge des produits par le destinataire, notamment par le document d’accompagnement visé à l’article 18 dans les conditions fixées à l’article 19. »

10. L’article 18, paragraphe 1, de la directive 92/12 prévoit :

« Nonobstant l’utilisation éventuelle de procédures informatisées, tout produit soumis à accises, circulant en régime de suspension entre les différents États membres, y compris la circulation par voie maritime ou aérienne directe d’un port ou aéroport communautaires à un autre port ou aéroport communautaires, est accompagné d’un document établi par l’expéditeur. Ce document peut être, soit un document administratif, soit un document commercial. La forme et le contenu de ce document, et la procédure à suivre lorsque l’usage d’un tel document est objectivement inapproprié, sont définis selon la procédure prévue à l’article 24. »

11. Aux termes de l’article 20 de cette directive :

« 1. Lorsqu’une irrégularité ou une infraction a été commise en cours de circulation entraînant l’exigibilité de l’accise, l’accise est due dans l’État membre où l’irrégularité ou l’infraction a été commise, auprès de la personne physique ou morale qui a garanti le paiement des droits d’accises conformément à l’article 15, paragraphe 3, sans préjudice de l’exercice des actions pénales.

Lorsque le recouvrement de l’accise s’effectue dans un État membre autre que celui de départ, l’État membre qui procède au recouvrement informe les autorités compétentes du pays de départ.

2. Lorsque, en cours de circulation, une infraction ou une irrégularité a été constatée sans qu’il soit possible d’établir le lieu où elle a été commise, elle est réputée avoir été commise dans l’État membre où elle a été constatée.

3. Sans préjudice de l’article 6, paragraphe 2, lorsque les produits soumis à accise n’arrivent pas à destination et lorsqu’il n’est pas possible d’établir le lieu de l’infraction ou de l’irrégularité, cette infraction ou cette irrégularité est réputée avoir été commise dans l’État membre de départ qui procède au recouvrement des droits d’accises au taux en vigueur à la date d’expédition des produits, à moins que dans un délai de quatre mois à partir de la date d’expédition des produits, la preuve ne soit apportée, à la satisfaction des autorités compétentes, de la régularité de l’opération ou du lieu où l’infraction ou l’irrégularité a été effectivement commise. Les États membres prennent les mesures requises pour remédier à toute infraction ou irrégularité et pour imposer des sanctions efficaces.

4. Si, avant l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’établissement du document d’accompagnement, l’État membre où l’infraction ou l’irrégularité a effectivement été commise vient à être déterminé, cet État procède au recouvrement de l’accise au taux en vigueur à la date d’expédition des marchandises. Dans ce cas, dès que la preuve de ce recouvrement est fournie, l’accise initialement perçue est remboursée. »

2. La directive 76/308

12. La directive 76/308 a pour objet de supprimer les obstacles à l’établissement et au fonctionnement du marché commun découlant de la limitation territoriale du champ d’application des dispositions nationales en matière de recouvrement, notamment, des droits d’accise.

13. Selon l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, sur demande de l’autorité requérante, l’autorité requise procède à la notification au destinataire, selon les règles de droit en vigueur dans l’État membre où il a son siège, de tous actes et décisions, y compris judiciaires, relatifs à une créance ou à son recouvrement, émanant de l’État membre où l’autorité requérante a son siège.

14. L’article 6 de la directive 76/308 prévoit :

« 1. Sur demande de l’autorité requérante, l’autorité requise procède selon les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables pour le recouvrement des créances similaires nées dans l’État membre où elle a son siège, au recouvrement des créances faisant l’objet d’un titre qui en permet l’exécution.

2. À cette fin, toute créance faisant l’objet d’une demande de recouvrement est traitée comme une créance de l’État membre où l’autorité requise a...

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