Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 3 June 2021.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62019CC0057
ECLIECLI:EU:C:2021:451
Date03 June 2021
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 3 juin 2021 (1)

Affaire C57/19 P

Commission européenne

contre

Tempus Energy Ltd et

Tempus Energy Technology Ltd

« Pourvoi — Aide d’État — Marché de capacité britannique — Décision de ne pas soulever d’objections — Notion de difficultés sérieuses — Standard de preuve — Obligation de la Commission de procéder à un examen diligent et impartial des informations présentées par l’État membre concerné — Obligation de la Commission d’instruire une affaire d’office — Prénotification »






Table des matières


I. Cadre juridique

II. Faits à l’origine du litige

III. Arrêt attaqué

IV. Procédure devant la Cour de justice et conclusions des parties

V. Analyse

A. Sur le pourvoi

1. Arguments des parties

2. Appréciation

a) Sur la demande de la Commission tendant à ce que la Cour annule l’arrêt attaqué dans la mesure où celuici n’a pas déclaré irrecevable l’allégation de Tempus concernant le seuil de participation de minimis de 2 MW

b) Sur la recevabilité du pourvoi

c) Sur le fond

1) Observations liminaires

2) Sur le moyen unique, pris en sa première branche

i) Sur le point de savoir si, afin de démontrer que des difficultés sérieuses existaient, Tempus peut invoquer toutes les informations pertinentes qui étaient ou pouvaient avoir été à la disposition de la Commission à la date d’adoption de la décision litigieuse

ii) Sur le point de savoir si le nombre et l’origine des observations soumises spontanément par des tiers peuvent être prises en compte comme un indice de l’existence de difficultés sérieuses

iii) Sur le point de savoir si la durée de la phase de prénotification peut être prise en compte comme indice de l’existence de difficultés sérieuses

iv) Sur le point de savoir si la complexité et le caractère nouveau de la mesure litigieuse peuvent être pris en compte en tant qu’indices de l’existence de difficultés sérieuses

3) Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche

i) Sur le point de savoir si la Commission aurait dû enquêter sur le rôle éventuel des opérateurs de gestion de la demande au sein du marché de capacité

ii) Sur le point de savoir s’il existait un examen suffisant du traitement discriminatoire ou désavantageux des opérateurs de gestion de la demande à l’égard de la durée des contrats de capacité

iii) Sur le point de savoir s’il existait un examen suffisant du traitement discriminatoire ou désavantageux des opérateurs de gestion de la demande à l’égard de la méthode de recouvrement des coûts adoptée

iv) Sur le point de savoir si l’examen du traitement discriminatoire ou désavantageux des opérateurs de gestion de la demande était suffisant en ce qui concerne l’interaction entre les enchères T4 et T1 et certaines conditions de participation au marché de capacité

B. Sur le recours devant le Tribunal

VI. Sur les dépens

VII. Conclusion


1. Par le présent pourvoi, la Commission européenne demande à la Cour d’annuler l’arrêt du 15 novembre 2018, Tempus Energy et Tempus Energy Technology/Commission (ci‑après l’« arrêt attaqué ») (2), par lequel le Tribunal a annulé la décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime d’aide adopté par le Royaume‑Uni pour soutenir les fournisseurs de capacité sur le marché de l’électricité en Grande-Bretagne (ci‑après la « décision litigieuse ») (3).

2. Le Royaume‑Uni ayant estimé que vers les années 2017/2018, la capacité de production d’électricité en Grande-Bretagne ne serait plus suffisante pour satisfaire la demande, il a pris la décision de mettre en place, par le régime d’aide mentionné au point précédent, un marché de capacité sur lequel des enchères organisées par les autorités nationales permettraient l’acquisition du niveau de capacité requis pour assurer une production appropriée. Selon ce régime, les participants à ces enchères qui étaient retenus devaient recevoir un paiement stable en contrepartie de leur engagement à fournir de l’électricité en période de tension sur le réseau. Ce paiement devait être financé par le biais d’un prélèvement sur les fournisseurs d’électricité.

3. Dans la décision litigieuse, la Commission a considéré que le régime d’aide décrit ci‑dessus était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, dès lors qu’il satisfaisait aux critères définis par les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014/2020 (ci‑après les « lignes directrices ») (4).

4. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait droit au recours en annulation de la décision litigieuse formé par Tempus Energy Ltd et Tempus Energy Technology Ltd (ci‑après, prises ensemble, « Tempus »), au motif que la Commission ne pouvait pas adopter cette décision à l’issue d’un simple examen préliminaire, et qu’elle aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Selon le Tribunal, un ensemble d’indices objectifs et concordants tirés, d’une part, de la durée et des circonstances de la phase de prénotification et, d’autre part, de l’absence d’instruction appropriée par la Commission de certains aspects du marché de capacité, ont démontré que les difficultés sérieuses rencontrées pour l’appréciation de la compatibilité du régime avec le marché intérieur n’avaient pas été surmontées au cours de l’examen préliminaire.

5. La présente affaire donne à la Cour l’opportunité de se prononcer sur la notion de « difficultés sérieuses », dont l’existence à l’issue d’un examen préliminaire entraîne l’obligation pour la Commission d’ouvrir la deuxième phase de la procédure d’examen d’une aide d’État, à savoir la procédure formelle d’examen.

I. Cadre juridique

6. L’article 4 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil (5), intitulé « Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission », dispose :

« […]

3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de [l’article 107, paragraphe 1, du TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché [intérieur], elle décide que cette mesure est compatible avec le marché [intérieur] (ci‑après dénommée “décision de ne pas soulever d’objections”). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché [intérieur], elle décide d’ouvrir la procédure prévue à [l’article 108, paragraphe 2, du TFUE] (ci‑après dénommée “décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen”).

[...] »

II. Faits à l’origine du litige

7. Tempus possède une licence lui permettant d’opérer en tant qu’entreprise de fourniture d’électricité au Royaume‑Uni et commercialise une technologie de gestion de la consommation d’électricité, autrement dit de « gestion de la demande », (ci‑après la « gestion de la demande »), auprès des particuliers et des professionnels.

8. Tempus aide ses clients à décaler leur consommation électrique non soumise à des contraintes de temps vers des périodes durant lesquelles les prix de gros sont bas, soit parce que la demande est faible, soit parce que l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables est abondante et donc moins coûteuse. À cette fin, comme les autres opérateurs répondant à la demande (ci‑après les « opérateurs de gestion de la demande »), Tempus conclut des contrats avec des consommateurs d’électricité, qui sont généralement des clients industriels et commerciaux ou des petites et moyennes entreprises, stipulant que le client accepte d’être flexible quant à sa consommation d’électricité durant une période donnée. L’opérateur de gestion de la demande calcule la capacité totale disponible à un moment donné auprès de tous les clients flexibles et peut ensuite proposer cette capacité au gestionnaire du réseau d’électricité, National Grid en l’espèce, en échange d’un paiement qu’il transfère au client flexible, tout en préservant une marge bénéficiaire pour lui‑même.

9. En se fondant sur le UK Energy Act 2013 (loi du Royaume‑Uni de 2013 sur l’énergie) et les actes réglementaires adoptés sur son fondement, en particulier les Electricity Capacity Regulations 2014 (règlement de 2014 relatif à la capacité électrique) et les Capacity Market Rules 2014 (règles de 2014 relatives au marché de capacité), le Royaume‑Uni a adopté un régime d’aide destiné à soutenir les fournisseurs de capacité sur le marché de l’électricité en Grande‑Bretagne (ci‑après la « mesure litigieuse »). Par cette mesure, le Royaume‑Uni met en place un marché de capacité qui consiste en des enchères centralisées pour la fourniture des capacités requises afin de garantir l’adéquation des capacités. Les fournisseurs de capacité sont rémunérés en contrepartie de leur engagement, sous peine de sanctions, à fournir de l’électricité ou à réduire ou différer la consommation d’électricité en période de tension sur le réseau.

10. Le marché de capacité fonctionne de la manière suivante.

11. Le montant de capacité requise est décidé de manière centralisée par le gouvernement du Royaume‑Uni sur recommandation de National Grid. La décision définissant le volume de capacité à prévoir au contrat lors de chacune des enchères de capacité est fondée sur une norme de fiabilité. Une norme de fiabilité est un niveau objectif de sécurité de l’approvisionnement en électricité. La norme de fiabilité fixée par le gouvernement du Royaume‑Uni est égale à une perte de charge prévue de trois heures par an, ce qui représente un niveau de sécurité du réseau de 99,97 %. La perte de charge prévue est le nombre d’heures ou de périodes annuelles pour lesquelles, sur le long terme, il est statistiquement attendu que l’offre ne répondra pas à la demande.

12. Chaque année, la capacité requise est mise aux enchères pour une livraison quatre ans plus tard...

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